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III – Sondes magnétiques

I.3. Etude de la relaxivité

I.3.1. Relaxivité du complexe [Gd(bpatcn)(H 2 O)]

Les temps de relaxation longitudinale T1 des protons de l’eau H2O en présence de complexe ont été mesurés entre 0.01 MHz et 500 MHz. La relaxivité du complexe [Gd(bpatcn)(H2O)] est égale à 3.95 mM-1s-1 à 20 MHz et 25°C. Cette valeur est typiquement celle de la relaxivité des petits complexes possédant une seule molécule d’eau dans leur sphère de coordination. Pour comparaison, les relaxivités des complexes [Gd(DTPA)(H2O)]2- et [Gd(DOTA)(H2O)]- sont respectivement 4.3 et 4.2 mM-1s-1.[2] Notre but étant d’observer l’effet des modifications structurales sur la relaxation électronique nous avons déterminé le temps de relaxation électronique T1e.

- Mesures RPE

Des mesures de RPE ont été réalisées au laboratoire du Pr. Merbach, par A. Borel, dans le cadre d’une collaboration avec l’EPF Lausanne. La position des raies et les largeurs pic à pic ont été mesurées aux trois fréquences de la RPE (bande X : 9 GHz, bande Q : 35 GHz et bande W : ~94 GHz).[36] L’analyse de la position des raies et des largeurs pic à pic en bande Q (1.2 T) puis l’application du modèle de E. Belorisky et P. Fries[37] ont permis de déterminer le temps de relaxation électronique : T

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multi-exponentielle de la relaxation électronique.[38] Afin de s’affranchir de ces problèmes, la relaxation électronique a été étudiée par RMN 1H. Une nouvelle méthode de détermination indépendante des différents paramètres gouvernant la relaxivité, dont la relaxation électronique, a été mise au point. Elle est présentée ci-dessous.

- Nouvelle méthode d’étude de la relaxation électronique par RMN 1H

Nous avons vu en introduction les problèmes expérimentaux liés à la détermination du temps de relaxation électronique. De plus, l’interprétation des données est limitée par la validité du modèle théorique Solomon-Bloembergen-Morgan.[4] La première approximation de la théorie Solomon- Bloembergen-Morgan est celle d’une relaxation mono-exponentielle. Elle n’est valable que si

1

2 2

<<

v s

τ

ω

(limite de Redfield).[39] De plus, seules les fluctuations temporelles de l’hamiltonien de l’éclatement à champ nul (ZFS), dans le repère moléculaire du complexe, sont considérées. Ces fluctuations sont dues essentiellement aux vibrations du complexe, aux réarrangements intramoléculaires et aux collisions avec les molécules de solvant. Cependant, cette description s’est révélée insuffisante pour une complète interprétation des mesures RPE multi champs et multi températures effectuées au laboratoire du Pr. Merbach.[40] Les données ne peuvent être interprétées qu’en utilisant une nouvelle théorie développé par S. Rast et al.[41, 42] Cette théorie fait appel à notion de « ZFS statique », qui correspond au champ du ligand dans un repère moléculaire lié rigidement au complexe et qui est modulé par la rotation du complexe dans le repère du laboratoire. Notons que l’importance de la contribution du ZFS statique à la relaxivité de sphère interne avait été reconnue bien plus tôt par les équipes de J. Kowalewski et C. Luchinat dans le cas des ions métalliques de spin S ≥ 1.[43] Cette nouvelle description de la relaxation électronique est indispensable pour l’interprétation des données à bas champ. Toutefois, aux champs supérieurs pour lesquels EZeeman >> EZFS, le modèle simplifié SBM reste valable.[44, 45]

La nouvelle méthode de détermination indépendante de la relaxation électronique développée au laboratoire est basée sur l’utilisation d’une sonde de type sphère externe, typiquement le ter-butanol. En effet, P. H. Fries et E. Belorisky ont montré récemment que l’utilisation d’une sonde moléculaire non-coordinante comme le ter-butanol ou le méthanol permet une détermination indépendante du temps de relaxation électronique à champ nul τS0.[4] Le ter-butanol a été privilégié pour les deux raisons suivantes : (i) c’est une particule pratiquement sphérique ; (ii) ses neufs protons équivalents donnent lieu à un singulet en RMN 1H de telle sorte que le signal observé en relaxométrie en champ cyclique est important même lorsque la sonde est présente à une concentration de l’ordre de 0.4 M. Cela permet de garder la concentration du ter-butanol suffisamment faible pour ne pas perturber la microdynamique du complexe.

indépendante et d’éviter ainsi les erreurs liées aux ajustements multiples. La méthode se décompose en trois étapes détaillées ci-dessous.[46, 47]

- Premièrement, la relaxivité en champ nul de la sonde de sphère externe est déterminée. Nous allons voir que τS0 est le seul paramètre ajustable.

- Deuxièmement, le profil NMRD complet de la sonde est ensuite ajusté. τS0 est fixé à la valeur déterminée à l’étape précédente. La théorie de Ayant-Belorizky-Hwang-Freed (ABHF) est utilisée pour la description de la relaxivité de sphère externe. Cet ajustement permet d’accéder au profil de relaxation électronique du complexe (T1e).

- Enfin, le profil NMRD des protons de l’eau est ajusté en tenant compte du profil de T1e préalablement obtenu et des paramètres de sphère interne. τm et rGdH sont les seuls paramètres ajustables.

Les expressions utilisées pour la description de la relaxation électronique sont détaillées en Annexe 3.

Les profils NMRD des protons de l’eau et des protons (CH3)3COD du ter-butanol ont été mesurés entre 0.01 MHz et 500 MHz. Les coefficients de diffusion translationnelle absolus du complexe [Lu(bpatcn)(D2O)] et du ter-butanol ont été mesurés à partir d’une séquence d’échos stimulés : Dt = 0.37(1)⋅10-5 cm2s-1 et 0.57(1)⋅10-5 cm2s-1 respectivement. Le diamètre de collision b est estimé à 6.5 Å ± 10% à partir de modèles moléculaires compacts. L’analyse des données se décompose en trois étapes.

Détermination du temps de relaxation électronique en champ nul

Le temps de relaxation électronique en champ nul est déterminé à partir du diamètre de collision b, du coefficient de diffusion translationnelle relatif du complexe et du ter-butanol (0.94⋅10-5 cm2s-1) et du rapport des relaxivités de sphère externe à champ nul (en pratique 3⋅10-4 T) et à n’importe quelle valeur de champ élevée (200, 400 ou 500 MHz) (Annexe 3). Une variation de 10 % de la valeur du paramètre b n’influence le temps de relaxation électronique que de 5%. Nous obtenons τS0 = 125(6) ps. Cette valeur est significativement plus courte que celle obtenue pour le complexe symétrique analogue [Gd(tpatcn)] (1500 ps). Il est communément admis que des complexes à symétrie élevée peuvent donner lieu à des relaxations électroniques lentes. Par exemple, le temps de relaxation électronique du complexe [Gd(DOTA)(H2O)]- de symétrie C4 est nettement supérieur à son analogue linéaire [Gd(DTPA)(H2O)]2-, possédant une symétrie CS : τS0 = 430 ps au lieu de τS0 = 72 ps.[2] Cependant, d’autres facteurs peuvent influencer la relaxation électronique. En effet, le temps de relaxation

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par la présence d’un grand nombre d’azotes dans la sphère de coordination du métal. Le remplacement d’une pyridine du ligand tpatcn3- par un groupement carboxylate se traduit par une diminution drastique du temps de relaxation électronique à champ nul. Ce raccourcissement est probablement lié à la perte de symétrie du complexe. Malgré tout, le temps τS0 reste similaire à celui du [Gd(NOTA)(H2O)2], ce qui confirme l’influence des azotes des pyridines dans la sphère de coordination. Ces résultats sont confirmées par les mesures RPE : le temps de relaxation électronique du complexe de Gd(III) avec le ligand bpatcn3- est proche de celui du complexe [Gd(DOTA)(H2O)]- : respectivement 5.8 ns et 7.7 ns. Aussi, la contribution des pyridines a été évaluée par l’étude du complexe de Gd(III) avec le ligand tpaen4- qui possède également six azotes donneurs dont quatre noyaux pyridine (Figure III. 25).

H4tpaen N N N N COOH N N COOH HOOC HOOC H4tpaen N N N N COOH N N COOH HOOC HOOC

Figure III. 25 : Structure du ligand H4tpaen.

Son temps de relaxation électronique a été déterminé par RPE. Une valeur de T1e égale à 3.4 ns, à 1.2T et 25°C, a été reportée.[36] Pour ces deux complexes de basse symétrie, malgré des atomes donneurs similaires, la relaxation électronique du complexe [Gd(tpaen)]- est beaucoup plus rapide que celle du complexe [Gd(bpatcn)(H2O)]. Ainsi, la relaxation électronique relativement lente du complexe [Gd(bpatcn)(H2O)] n’est pas exclusivement liée à la présence des azotes des fonctions picolinate. Il est très probable que le cycle 1,4,7-triazacyclononane crée une symétrie locale autour du centre métallique favorable à la relaxation électronique. En conclusion, le processus de relaxation électronique est sensible à des altérations mineures de la sphère de coordination telles que la symétrie et le champ du ligand. De plus, l’influence de la charge du complexe et de la rigidité du système serait également à étudier.

Interprétation du profil de relaxivité du ter-butanol

A partir de cette valeur de τS0, la relaxivité du ter-butanol théorique est ensuite calculée à l’aide des équations I.12 et I.13 vues en introduction. La distance minimale d’approche entre le Gd(III) et les protons (CH3)3COD a été estimée à 4.7 Å. Les variations de T1e en fonction de la fréquence sont gouvernées par τR (Annexe 3). Le profil de variation de la vitesse de relaxation électronique longitudinale 1/T1e est représenté à la Figure III. 26.

Figure III. 26 : Vitesse de relaxation électronique longitudinale 1/T1e en fonction de la fréquence de

résonance de proton νI.

La valeur de τR a été préalablement déterminée par la méthode décrite en introduction. Nous avons vu que les temps de corrélation rotationnelle de deux complexes de structures et de volumes proches sont proportionnels au produit ahyd3fR où ahyd est le rayon effectif du complexe et fR le facteur de microviscosité. Le temps de corrélation rotationnelle du complexe [Gd(DTPA)(H2O)]2- dans l’eau H2O à 25°C (τR = 65.8 ms) a été précisément déterminé par une étude RPE multi-champs et multi- températures.[38] Nous avons mesuré a

Gd(bpatcn) = 4.8 Å et aGd(dtpa) = 4.0 Å. De plus, le rapport des coefficients de microviscosité fR,Gd(bpatcn)/fR,Gd(dtpa) est égal à 1.04. En tenant compte du rapport des viscosités ηD2O/ηH2O =1.24, nous obtenons le temps de corrélation rotationnelle du complexe [Gd(bpatcn)(D2O)] à 25 °C : τR = 158 ps. Les profils expérimentaux et théoriques sont représentés ci- dessous (Figure III. 27). L’accord entre la théorie et l’expérience est bon et permet de valider les paramètres de sphère externe du complexe.

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Interprétation du profil de relaxivité des protons de l’eau

Pour l’analyse du profil des protons de l’eau H2O, le temps de corrélation rotationnelle du complexe est modifié par le rapport des viscosités ηD2O/ηH2O = 1.24 de sorte que la valeur utilisée pour cette section est τR = 127 ps. Ainsi, le temps de relaxation électronique est recalculé avec cette valeur. De même, le coefficient d’autodiffusion du complexe est Dt = 0.46⋅10-5 cm2s-1, son coefficient de diffusion relatif par rapport à l’eau est 2.75⋅10-5 cm2s-1. La distance a

GdH est fixée à 4.3 Å, car la molécule d’eau est plus petite que celle du ter-butanol. Le profil est ensuite ajusté avec les paramètres de sphère interne suivants : q = 1 (déterminé par les études de luminescence), rGdH = 3.23 Å et τm = 2 µs obtenus par ajustement. La distance Gd(III)-proton est en accord avec les distances reportées dans la littérature à partir de données cristallographiques pour ce type de complexes. Le temps de résidence des molécules d’eau en sphère interne τm a également été déterminé par des mesures de RMN 17O. Le profil NMRD des protons de l’eau et sont ajustement son représentés Figure III. 28.

Figure III. 28 : Ajustement théorique du profil expérimental de la relaxivité des protons de l’eau pour une solution de complexe [Gd(bpatcn)(H2O)] avec q = 1, rGdH = 3.23 Å et τm = 2 µs, τR = 127 ps : •,

expérimental ; __, calculé.

Comparaison avec la théorie SBM

Pour comparer la nouvelle méthode utilisée ici à la théorie SBM plus traditionnelle, nous avons également ajusté le profil de relaxivité longitudinale des protons de l’eau avec les équations de Solomon-Bloembergen-Morgan décrites en introduction (chapitre I, § II.4.). Un bon ajustement entre les données expérimentales et théoriques est obtenu pour les paramètres suivants : q = 1, rGdH = 3.23 Å et τm = 1.7 µs, τR = 127 ps, τS0 = 130 ps ; τv = 25 ps , D = 0.94⋅10-5 cm2s-1. Nous avons ensuite vérifié si de tels paramètres pouvaient reproduire la relaxivité mesurée pour les protons du ter-butanol. Seule la distance aGdH est à ajuster. Le meilleur ajustement est obtenu pour aGdH = 4.55 Å ; il est représenté à la Figure III. 29.

Figure III. 29 : Interprétation de la relaxivité longitudinale avec la théorie SBM pour une solution de complexe [Gd(bpatcn)(D2O)] : •, expérimental ; __, calculé. A gauche, dans H2O : q = 1, rGdH = 3.23 Å et

τm = 1.7 µs, τR = 127 ps, τS0 = 130 ps ; τv = 25 ps , D = 0.94⋅10-5 cm2s-1. A droite, (CH3)3OD dans D2O à 25°C.

avec aGdH = 4.55 Å , τs0 = 130 ps et τv = 25 ps.

Nous remarquons d’une part, que la distance aGdH = 4.55 Å est incompatible avec la taille de la molécule de ter-butanol, plus grosse et d’autre part, que le modèle de relaxation électronique utilisé pour reproduire avec succès la relaxivité de l’eau ne permet pas une bonne estimation de la relaxivité du ter-butanol à bas champ. Cet exemple met en évidence les inexactitudes du modèle SBM qui ne prend pas en compte tous les processus de relaxation électronique.

L’ajustement des données a permis d’estimer la valeur du temps de résidence τm des molécules d’eau dans la première sphère de coordination du complexe, environ 2 µs. Il faut noter que l’incertitude associée à ce paramètre est importante. En effet, la vitesse d’échange de l’eau n’a qu’une influence mineure sur la relaxivité pour les petits complexes et dans ce cas, des ajustements valables ont été obtenus pour des valeurs de τm comprises entre 1 µs et 4 µs. Une valeur plus précise a été déterminée par l’étude des temps de relaxation transversaux des protons de l’17O de l’eau enrichie. Cette étude a été réalisée par le Dr. A. Borel à l’EPF de Lausanne. Un temps de résidence égal à 1.7 µs à 25°C (kex = 0.6⋅106 s-1) a été déterminé. Cette valeur est comparable à celle de l’agent de contraste commercial [Gd(DTPA-BMA)(H2O)] (τm = 2.2 µs, kex = 0.45⋅106 s-1) dont la vitesse d’échange est nettement inférieure à la vitesse d’échange optimale prédite par la théorie (108 s-1).[1] Ainsi, si le complexe [Gd(bpatcn)(H2O)] possède des propriétés de relaxation électronique favorables à son utilisation pour le développement d’agents de contraste macromoléculaires, sa vitesse d’échange est trop lente. Les ligands H3ebpatcn et H4pbpatcn (Figure III. 3) ont été développés dans le but d’accéder à des complexes ayant à la fois une cinétique d’échange d’eau rapide et une relaxation électronique lente. Reste à savoir si les deux objectifs vont être atteints simultanément étant donné que les moindres modifications de la sphère de coordination peuvent affecter les paramètres influençant la relaxivité.

Sondes magnétiques

I.3.2.

Relaxivité des complexes [Gd(ebpatcn)(H

2

O)] et

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