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1.3. Cognition, condition physique et mobilité

1.3.2. Relations entre la cognition et la mobilité

Les  récents  rapports  qui  suggèrent  un  effet  bénéfique  de  l’entraînement  de  la  motricité  globale  sur  les  fonctions  cognitives  des  aînés  sont  très  intéressants  dans  la  mesure  où  ils  viennent  appuyer  certaines  observations  qui  démontraient  un  lien  évident  entre  la  mobilité  et  la  cognition.  Alors  que  la  littérature  propose  que  le  contrôle  postural  nécessite  une  partie  des  ressources  attentionnelles  (183),  il  semble  également  que  des  tests  de  mobilité  générale  comme  le  Timed  Up 

and  Go  (TUG)  et  la  vitesse  de  marche  spontanée  sont  étroitement  associés  avec  les  fonctions 

exécutives  (227).  Par  ailleurs,  notons  particulièrement  cet  article  dont  le  titre  est  fort  révélateur : 

stops walking when talking (228). En effet, ces chercheurs ont remarqué qu’en clinique, certains aînés  devaient arrêter de marcher lorsqu’une conversation était entamée. Cette observation suggère que la  marche requiert de l’attention et que ces sujets doivent s’arrêter quand vient le temps de faire deux  choses en même temps pour éviter une éventuelle chute. En effet, ces mêmes aînés qui ne pouvaient  maintenir la marche tout en discutant étaient les plus à risques de chuter lors d’un suivi fait durant  une période de 6 mois (228).   Paradigme de la double tâche  D’abord, d’un point de vue méthodologique, il est important de considérer le paradigme de  double tâche qui est utilisé pour évaluer la relation entre la marche et l’attention. En considérant que  les  ressources  attentionnelles  sont  limitées,  la  combinaison  de  deux  tâches  à  effectuer  simultanément devrait entraîner une diminution de la performance pour au moins une de ces deux  tâches  (théorie  du  partage  des  ressources  attentionnelles  –  traduction  libre :  capacity  sharing)  si  la 

demande attentionnelle de ces deux tâches combinées excède les ressources disponibles (229). Il est  proposé les ressources attentionnelles limitées induisent une augmentation du temps de traitement  de  l’information  qui  affectera  la  marche  (stabilité,  vitesse)  et/ou  la  tâche  cognitive  (diminution  du  nombre  de  réponses,  augmentation  des  fausses  réponses).  Cette  théorie  suggère  également  que  le  candidat  a  la  possibilité  d’accorder  volontairement,  à  une  des  tâches,  son  attention  de  façon  privilégiée  en  fonction  du  contexte  immédiat.  Cette  stratégie  pourrait  entre  autres  contribuer  à  la  prévention des chutes (229).  

À  cet  égard,  les  résultats  d’une  étude  présentée  par  Srygley  et  collègues  (230)  sont  très  intéressants. Dans cette recherche, 276 aînés (76,4 +/‐ 4,5 ans) et 52 adultes (24,1 +/‐ 2,7 ans) ont été  invités  à  participer  une  performance  en  double  tâche.  Les  fonctions  cognitives  ont  été  évaluées  à  partir  des  tâches  de  soustractions  en  série  (3  et  7  chiffres)  et  de  suivi  de  phonèmes.  Pour  la  tâche  mathématique, les sujets devaient réaliser le plus de soustractions en séries à partir d’un nombre à 3  chiffres. Par exemple dans le cas où on demande de soustraire 7 à partir de 241, le participant doit  répondre à voix haute 234, 227, 220, 213, 206, 199 et ainsi de suite durant 2 minutes. Pour la tâche  de  suivi  de  phonèmes,  les  participants  devaient  écouter  (via  un  casque  d’écoute)  une  histoire  et  compter le nombre de fois que deux mots préalablement spécifiés avaient été présentés. De plus, les  sujets étaient avertis que des questions de compréhension sur cette histoire allaient leur être posées  à la fin. Dans tous les cas, ces tests ont d’abord été effectués en position assise. Les sujets devaient  ensuite marcher à leur vitesse confortable préférée durant 2 minutes en faisant des allers et retours  dans  un  corridor  de  25  mètres  de  longueur.  Une  première  séquence  de  marche  était  effectuée  en  simple tâche puis on répétait la marche en plus des tâches cognitives qui étaient présentées dans un  ordre  aléatoire.  Aucune  instruction  n’était  donnée  aux  participants  quant  à  la  tâche  à  prioriser.  Les  tâches mathématiques étaient évaluées en fonction du nombre total de soustractions et du nombre  d’erreurs effectuées. Le suivi de phonème était évalué en fonction du compte de mots à suivre et du  nombre  de  bonnes  réponses  aux  questions  de  rappel.  Enfin,  les  paramètres  spatio‐temporels  de  la  démarche  étaient  évalués  avec  le  système  GAITrite  (GAITrite  Systems,  PA,  USA).  Les  résultats  démontrent que les aînés ont obtenu des performances cognitives significativement inférieures lors  de  la  double  tâche  en  comparaison  à  la  simple  tâche  pour  tous  les  tests  (p<0,0001).  Les  jeunes  adultes  ont  quant  à  eux  maintenu  les  performances  cognitives  en  double  tâche  sauf  pour  la  soustraction à 7 chiffres qui a été significativement altérée (p<0,05). De plus, les jeunes et les adultes  ont  démontré  des  diminutions  significatives  de  la  vitesse  de  marche  lors  de  la  double  tâche 

(p<0,0001).  Les  auteurs  concluent  donc  que  les  tâches  cognitives  sont  altérées  par  la  pratique  simultanée  de  la  marche.  L’inverse  est  aussi  vrai,  les  tâches  cognitives  nuisent  à  la  pratique  de  la  marche  comme  le  démontre  la  vitesse  moins  élevée  en  double  tâche. De  plus,  les  personnes  âgées  semblent subir davantage que les jeunes ces effets négatifs de la marche sur les fonctions cognitives.  Ces résultats démontrent donc la pertinence du paradigme de double tâche dans un contexte  d’évaluation intégrale de la mobilité. Cependant, des considérations méthodologiques quant au choix  des tâches impliquées viendront influencer les résultats obtenus.   Considérations méthodologiques   Dans cette perspective, une revue de la littérature scientifique sur ce sujet traite des aspects  méthodologiques qui méritent une attention particulière (229). D’abord, il ne semble pas y avoir de  consensus  quant  à  la  consigne  qui  doit  être  donnée  en  double  tâche.  Alors  que  certains  auteurs  demandent de prioriser une tâche, d’autres exigent plutôt qu’une attention égale soit apportée aux  deux.  Une  meilleure  uniformisation  est  également  souhaitée  dans  les  tâches  cognitives  proposées.  Plusieurs  tâches  sont  proposées  sans  qu’elles  aient  toutes  les  mêmes  exigences  en  termes  de  ressources attentionnelles. Par exemple, le simple fait de maintenir une conversation est trop difficile  pour  des  aînés  fragiles  qui  marchent  (228).  Ils  cessent  donc  de  marcher  pour  se  concentrer  uniquement sur la tâche verbale et ainsi se protéger contre une éventuelle chute. La tâche doit donc  adaptée au niveau du participant. Elle doit être assez difficile sans pour autant créer une anxiété chez  le  participant.  En  ce  sens,  les  tâches  mathématiques  peuvent  être  plus  adaptées  pour  certains  individus  alors  que  les  tâches  phonologiques  ou  de  fluidité  verbale  conviendraient  davantage  à  d’autres types d’individus. Certains vont jusqu’à proposer une deuxième tâche motrice nécessitant de  l’attention.  Par  exemple,  on  demande  au  participant  de  marcher  en  transportant  un  cabaret  sur  lequel reposent des verres remplis d’eau. Les variables étudiées sont la vitesse de marche, le nombre  d’arrêts  et  la  quantité  d’eau  renversée  (231,  232).  Dans  tous  les  cas,  une  meilleure  standardisation  des  protocoles  permettrait  une  meilleure  comparaison  et  analyse  résultats  présentés.  Enfin,  différentes  conditions  de  test  de  marche  peuvent  être  utilisées  en  autres  en  ce  qui  concerne  la  distance  à  parcourir  (233).  Alors  que  la  vitesse  de  marche  proposée  est  plus  souvent  qu’autrement  celle  qui  correspond  aux  déplacements  spontanés,  il  n’en  demeure  pas  moins  que  la  vitesse  de  marche maximale peut représenter un certain intérêt et ce particulièrement dans un contexte où une  plus grande appréciation des qualités neuromusculaires des membres inférieurs est souhaitée (135). 

La  relation  entre  les  ressources  attentionnelles  et  la  marche  semble  donc  bien  établie  et  indique  que  la  performance  dans  ces  deux  tâches  est  altérée  lorsqu’elles  sont  exécutées  simultanément.  Ce  constat  semble  s’appliquer  chez  les  aînés  comme  chez  les  jeunes  adultes.  Il  apparaît que le vieillissement est marqué davantage par ce travail en double tâche. Une évaluation  complète  des  différents  paramètres  de  la  marche  doit  donc  inclure  une  composante  cognitive  afin  d’assurer à l’individu un diagnostique précis de ses aptitudes. Le choix de la tâche cognitive doit être  fait  de  façon  éclairée  en  fonction  des  objectifs  poursuivis  puisque  de  nombreuses  possibilités  sont  offertes  aux  chercheurs  et  cliniciens.  Un  souci  d’adaptation  au  niveau  du  patient  doit  guider  la  décision prise.