• Aucun résultat trouvé

Relations entre le cortex pré-moteur ventral et le système propriospinal C3-C4 . 39

3. Le cortex pré-moteur ventral et le système propriospinal C3-C4 33

3.2. Relations entre le cortex pré-moteur ventral et le système propriospinal C3-C4 . 39

3.2.1. Relations anatomiques

Chez le singe, les projections provenant de la zone de représentation de la main du PMv ne se finissent pas au niveau des segments des noyaux moteurs des muscles de la main mais au niveau C3-C4. Il est supposé une connectivité avec les neurones propriospinaux C3-C4 et un contrôle de la main indépendant de M1 [Martino et Strick, 1987; He et al., 1993; Borra et al., 2010]. Ces projections issues de F5 au niveau des segments cervicaux C3-C4 de la moelle concordent avec l’emplacement des neurones propriospinaux C3-C4, c’est à dire au niveau des zones V, VI et VII de la laminae [Isa et al., 2006; Borra et al., 2010]. L’Homme possède aussi des projections corticospinales issues du PMv, bien que leur trajet ne puisse être pour l’instant étudié au-delà du tronc cérébral. Leur densité est apparemment beaucoup plus faible que chez le macaque mais cette conclusion pourrait être due à un biais technique [Verstynen et al., 2011].

3.2.2. Relations fonctionnelles avec la moelle épinière

Les neurones « miroirs » et le système propriospinal C3-C4

Chez l’humain, il a été montré que l’observation d’une autre personne attrapant des objets permet d’augmenter l’intensité des potentiels évoqués moteurs de muscles des doigts de l’obser-vateur par la stimulation magnétique transcrânienne. Ces effets ne sont pas retrouvés au cours de l’observation d’une personne effectuant des mouvements du bras n’ayant aucun lien avec un objet ou l’observation d’un objet seul [Fadiga et al., 1995]. Il est supposé que cette facilitation soit due au système de neurones « miroirs » présent au niveau du PMv.

Le PMV et en particulier ses neurones « miroirs » semblent essentiels à l’apprentissage d’ac-tions motrices par l’observation (sous-entendant sans apprentissage par l’entrainement). Chez l’Homme, il apparaît que durant l’observation et la réalisation de mêmes mouvements, les mêmes

Chapitre 3. Le cortex pré-moteur ventral et le système propriospinal C3-C4

zones corticales spécifiques sont excitées (y compris le PMv) [Mattar et Gribble, 2005; Cross

et al., 2009]. L’excitation des zones corticales et du réseau « miroir » durant l’observation d’un

mouvement spécifique dépend de l’expertise de ce sujet dans la réalisation de ce mouvement : il est probable que l’action observée soit comparée au répertoire de mouvements du sujet [Kim

et al., 2011]. L’observation d’un mouvement induit l’activation de réseaux de neurones qui sont

mémorisés et qui seront ensuite comparés à ceux activés durant la réalisation du mouvement. La comparaison entre les réseaux activés par l’observation et par la réalisation du mouvement facilitent l’apprentissage de ce mouvement. Ainsi, durant l’observation de tels mouvements, il est concevable que des commandes spécifiques soient attribuées à la moelle épinière, de sorte à ce que les motoneurones qui devraient être excités pour réaliser l’action ne le soient pas lorsque l’apprentissage moteur par l’observation se réalise et que certaines aires corticales, dont les aires motrices et pré-motrices, s’activent [Stefan et al., 2005].

En effet, l’excitabilité spinale est modifiée lors de l’observation d’une personne effectuant un

reach-to-grasp ou une action de grasping d’un objet sphérique. Un réflexe H est appliqué sur un

fléchisseur des doigts à plusieurs délais durant l’observation de la tâche et cela afin d’étudier l’ex-citabilité spinale. Cette dernière est modulée à l’inverse de ce qu’elle serait si le sujet effectuait réellement le mouvement : le H augmente quand à l’écran les doigts sont en extension et le H di-minue lorsque les doigts sont en flexion. Les auteurs suggèrent une inhibition pré-synaptique des fibres Ia excitant les motoneurones lors du réflexe H11. Il serait possible que cette inhibition soit contrôlée par le système de neurones « miroirs » du cortex pré-moteur ventral. Le PMv aurait alors une action sur la moelle épinière aux antipodes de celle sur le cortex moteur. L’inhibition de la moelle permettrait d’empêcher l’exécution non désirée du mouvement observé « répliqué » au niveau du M1 afin d’en favoriser l’apprentissage [Baldissera et al., 2001].

Le système propriospinal C3-C4 est très diffus. Chacun de ses neurones innerve potentiellement tous les noyaux moteurs du bras. Il est tentant de penser que les neurones inhibiteurs proprios-pinaux puissent être la cible de projections provenant directement du PMv afin d’empêcher la reproduction d’un mouvement lié à la tâche de reaching ou de grasping observé.

Le lien entre le système propriospinal et le PMV dans la récupération de la dextérité après une lésion

Un chimpanzé (Pan) est apparemment capable de récupérer complètement la fonction motrice d’un de ses bras même après ablation complète de sa zone de représentation sur M1 en 6 mois. Après la récupération, la destruction du M1 de l’autre bras est effectuée. La motricité de cet autre bras est récupérée bien plus rapidement que lors de la précédente lésion, mais surtout, les capaci-tés de l’autre bras ne sont pas modifiées : la zone contra-latérale de M1 n’a donc pas de lien avec la première récupération [Graham Brown T, 1913]. En lésant cette fois ci plus spécifiquement M1 au niveau des zones de représentation du coude, poignet, doigts et pouce, le chimpanzé récupère un precision grip avec cependant une incapacité à bouger les autres doigts de façon indépendante. En stimulant électriquement, après récupération motrice, les zones corticales de M1 bordant la lésion, aucun mouvement de la main n’est évoqué. Il est donc conclu que la récupération de la motricité dans ce cas précis n’est pas due à un remaniement de M1 [Leyton ASF, 1917]. En effet, probablement grâce à un programme de rééducation, il est possible d’observer l’expansion d’une aire corticale au détriment d’autres zones de représentations [Glees P, 1950; Nudo et al., 1996]. Il est à noter que, dans ces derniers cas, les lésions sont bien moins importantes.

Il est fortement probable que le mécanisme cérébral de récupération diffère selon l’âge du sujet mais aussi selon la gravité de la lésion de M1. Si la lésion est faible, une réorganisation au sein

Chapitre 3. Le cortex pré-moteur ventral et le système propriospinal C3-C4

de M1 semble possible, tandis que si la lésion est trop importante, d’autres structures corticales prendront le relais. Ainsi, chez le macaque, une lésion de la zone de représentation de la main est faite. Puis, après récupération, les zones bordant la lésion sont stimulées. Il apparaît qu’elles ne permettent pas d’évoquer de mouvements de la main. En utilisant du muscimole, un agoniste du GABA, les auteurs testent les aires corticales impliquées dans un mouvement de reach to

grasp vers des fruits. Il apparaît que c’est le PMv qui est en charge de la transmission de ces

commandes12 [Liu et Rouiller, 1999].

D’autres expériences effectuées avec de l’imagerie fonctionnelle chez le macaque confirment cette idée de la subordination de la dextérité de la main au PMv après une lésion de M1 ou de sa voie de transmission vers les motoneurones [Nishimura et Isa, 2007; Higo, 2010]. Le PMv est de plus une aire dont la fonction naturelle est impliquée d’une certaine façon dans la dextérité de la main puisqu’elle piloterait la préhension d’un objet13. Il n’est donc pas si étonnant de penser qu’elle puisse être capable de suppléer certaines fonctions de M1.

Il semblerait, toujours chez le singe, que le système propriospinal soit capable d’assumer le rôle de médiateur entre le PMv et les motoneurones [Nishimura et al., 2009; Borra et al., 2010].

Chez les humains atteints d’un accident vasculaire cérébral ou d’une lésion de la moelle, de nombreuses études d’imagerie cérébrale ou d’étude de l’excitabilité du cortex par stimulation magnétique transcrânienne ont été réalisées.

Après une lésion du cortex moteur primaire, il apparaît que les zones adjacentes à la blessure ainsi que la zone contra-latérale à la zone lésée, donc celles situées sur l’hémisphère non trauma-tisé, soient plus activées que la normale. Le cortex moteur adulte semble capable d’une plasticité lui permettant de compenser ces dommages [Chollet et Weiller, 1994; Traversa et al., 1997]. Chez des sujets ayant subis un infarctus cérébral sévère, on trouve une forte activation des aires pré-motrices [Seitz et al., 1998]. Globalement, il en ressort que, selon la gravité et la localisation de la lésion, de multiples stratégies de compensation peuvent se mettre en place. L’efficacité de la plasticité cérébrale du cortex moteur, à un niveau local ou inter-hémisphérique, est limité par le nombre de fibres cortico-spinales restantes [Feydy et al., 2002]. Ainsi, des lésions corticales peu importantes de M1 induisent une plasticité des zones adjacentes ainsi qu’une meilleure effi-cacité de transmission synaptique des cellules survivantes. Dans le cas d’une sortie de M1 trop abimée14, cette plasticité et cette efficience synaptique nouvelle est inutile. Seul un recrutement de nouvelles aires corticales, comme par exemple le PMv, est salutaire [Hamzei et al., 2006].

Chez l’humain, Une augmentation transitoire de l’activité des neurones propriospinaux a pu être observé lors de la récupération du mouvement chez des patients ayant subi une attaque vasculaire cérébrale. Il est supposé que les neurones propriospinaux seraient alors soumis au sys-tème réticulo-spinal, au cortex pré-moteur via la formation réticulée et aux projections corticales issues de l’hémisphère non endommagé. Néanmoins une transmission directe des commandes via des fibres spécifiques au PMv n’est pas à exclure [Mazevet et al., 2003].

Après un accident vasculaire cérébral ayant endommagé la voie sortant de M1 mais ayant laissé les autres intactes, les patients retrouvent la capacité d’effectuer un precision grip avec l’index et le pouce. Ce n’est pas le cas pour les doigts restant qui perdent leur inter-indépendance [Lang et Schieber, 2004; Schieber et al., 2009]. Ceci est remarquable car retrouvé lors d’expériences de lésions similaires chez le macaque et chez le chimpanzé [Leyton ASF, 1917; Alstermark et al., 1999]. Il est évident que des causes différentes puissent aboutir aux mêmes symptômes, mais cela

12. Il est évident que d’autres aires corticales puissent être aussi aptes à commander à la main des actions de grande dextérité. L’aire motrice supplémentaire en est un bon exemple, puisque connectée directement sur des motoneurones de la main [He et al., 1993; Rouiller et al., 1996].

13. Cf. 3.1.2.

Chapitre 3. Le cortex pré-moteur ventral et le système propriospinal C3-C4

prouve aussi qu’il est pertinent de penser qu’une partie des phénomènes décrits chez le singe puissent être retrouvés chez l’être humain. Autrement dit, il est possible que, chez l’Homme, lors d’une défaillance de la zone de représentation du bras et de la main du M1, le PMv, entre autres aires, via le système propriospinal C3-C4 et d’autres systèmes médullaires, puisse commander des mouvements de haute précision du bras.