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En quoi la relation est-elle nécessaire pour le développement des fonctions exécutives ?

L’analyse des mécanismes du jeu a déjà permis de tracer les contours de la réponse à cette question. C’est l’autre qui crée la surprise, l’imprévu auquel il faudra s’adapter, qui oblige à sortir des réponses automatiques. De la relation naît l’inattendu. La relation met naturellement en jeu les fonctions exécutives car une véritable relation avec autrui est incompatible avec l’automatisation des réactions.

Ainsi, la relation est une dimension particulièrement importante dans la prise en charge des fonctions exécutives.

On a vu supra comment la création d’un environnement propice était cruciale pour que les fonctions exécutives puissent exprimer pleinement leur potentiel. Selon Adele Diamond57, « les fonctions exécutives et le cortex préfrontal sont les premiers

à pâtir, et à pâtir de façon massive, lorsqu’on est stressé, triste, seul ou physiquement diminué. » La mise en confiance de l’enfant est donc primordiale, et il est nécessaire pour le thérapeute de comprendre la situation émotionnelle et psychologique de l’enfant avant de pouvoir intervenir.

Il y a un dialogue permanent entre l’expression des habiletés de l’enfant et le contexte émotionnel. De ce fait, chaque enfant (voire chaque moment) sera particulier. Il m’a fallu être en permanence à l’écoute.

Dans cette relation qui se crée et constitue le fond sur lequel les fonctions exécutives s’appuieront, le dialogue tonico-émotionnel occupe évidemment une place de choix. La régulation du tonus était un prérequis dans les exercices mettant en jeu l’inhibition. Face à deux patients qui avaient du mal à canaliser leur énergie,

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ce dialogue a été particulièrement intense et parfois, ce fut pour moi un véritable défi de maintenir suffisamment de sérénité et de maîtrise pour permettre le bon déroulement de la prise en charge. Il m’est même arrivé de réorienter complètement la séance pour l’axer directement sur le dialogue tonico-émotionnel, tant il en conditionnait la poursuite58.

L’approfondissement de la relation et le dialogue tonico-émotionnel ont donc été pour moi le moyen d’adapter au mieux mes prises en charge. Il m’est fréquemment arrivé, lorsque je préparais mes séances sur la base du dossier du patient, de choisir un exercice trop simple ou trop compliqué, totalement décalé avec les capacités de l’enfant. Ce n’est qu’au contact de l’enfant lui-même que j’ai pu correctement évaluer ce qu’il était capable de réaliser. Cette adaptation constante, qui requiert une qualité d’écoute et de relation, est cruciale dans la mise en œuvre des fonctions exécutives tant elles peuvent être fragiles et dépendantes du cadre dans lequel elles s’exercent.

Nous avons ainsi étudié comment la qualité de la relation exerçait une influence sur le bon fonctionnement exécutif. Dans le sens inverse, on peut s’intéresser à la façon dont les fonctions exécutives – en particulier l’inhibition - influencent la construction de la relation.

L’inhibition est non seulement nécessaire pour apprendre, mais c'est elle qui rend possible la mise en œuvre des connaissances acquises ; c'est elle qui, in fine, permet de faire savoir que l'on sait. Ainsi, c’est l’inhibition motrice et cognitive qui permettront à l’enfant de démontrer autour de 8 mois ce qu’il a déjà compris autour de 4 mois : la permanence de l’objet59.

Cette difficulté à évaluer la permanence de l’objet chez un bébé à cause de l’inhibition défaillante montre de manière édifiante l'importance des fonctions exécutives (et de l'inhibition en particulier) dans la relation. Ainsi, il ne faut pas sous-estimer l’impact que des troubles exécutifs ont pu avoir sur la capacité de l’enfant à se mettre en relation. L’inhibition est d’ailleurs à la frontière entre les fonctions exécutives « cold » (celles qui font l’objet du présent mémoire) et les fonctions exécutives dites « hot », qui concernent les habiletés sociales. Lorsque le défaut d’inhibition est en décalage trop grand avec les pairs, il peut altérer les relations de l’enfant avec les autres. Ainsi, pour Alexandre, le défaut d’inhibition

58 Cf. séance 5 avec Alexandre 59Houdé O. (2004) p. 43

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pouvait être mis en rapport avec un comportement social parfois inadapté, par exemple quand il lui prend l’envie de serrer dans ses bras ses camarades sans tenir compte, en apparence au moins, de leur avis.

Ce point constitue un motif supplémentaire pour s’intéresser particulièrement à la relation lorsqu’un patient rencontre des troubles exécutifs. Il peut même s’agir d’un axe central de la prise en charge.

Ainsi, tout au long de nos séances, aussi bien avec Léna qu’avec Alexandre, la relation s’est construite avec comme enjeu le rôle de l’inhibition dans la relation. J’ai eu le sentiment d’être le medium utilisé par les enfants pour maîtriser leur attention et conforter leur capacité d’inhibition. J’étais le point stable sur lequel ils devaient pouvoir s’appuyer, lorsqu’ils se laissaient déborder par les stimuli externes, les idées vagabondes et les gestes inadéquats, pour revenir à la consigne.

La conclusion de ces développements est que la psychomotricité est particulièrement légitime à prendre en charge les troubles exécutifs.

La place centrale que la psychomotricité accorde à la relation la distingue de l'approche neuropsychologique. L'engagement du corps du patient se prolonge dans le dialogue tonico-émotionnel. La construction de la relation est la base de la prise en charge.

C'est d'ailleurs l'un des aspects qui m'a le plus marquée au cours de mon stage. En fonction de la personne qui les prenait en charge, la plupart des patients avaient un comportement différent. Plusieurs fois j'ai entendu des patients dire : « je veux bien le faire parce que c'est toi », ou réagir différemment en fonction des intervenants.

Finalement, les neurosciences démontrent la place déterminante du cadre émotionnel dans les processus cognitifs. Ce faisant, elles valident l’approche psychomotrice, où la relation est appréhendée à sa juste valeur, c’est-à-dire comme condition fondamentale de toute prise en charge.