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4. Résultats

4.2. Première partie : la relation médecin-patient

4.2.2. Une relation qui se construit

Comme nous venons de l’introduire, l’adaptation joue un rôle important dans la relation entre le médecin et le patient. Avec de l’habitude et de l’expérience, elle permet de rendre la communication plus efficiente, conduisant ainsi les deux parties à construire un lien de confiance.

Rôle de l’adaptation

Quels que soient les moyens de communication utilisés, une grande part des médecins s’accordent donc à dire que l’adaptation est primordiale dans le bon déroulé de la consultation : de la part du médecin pour être attentif aux conditions de consultation et de communication qui facilitent l’échange, mais aussi de la part du patient, qui le fait par habitude ; c’est une adaptation mutuelle.

« si l’entretien est adapté […] on ne rencontre pas trop d’obstacles, ils peuvent venir seuls en fait » (M16)

« ils sont plus concentrés que la moyenne des patients, c’est ça en fait surtout, ils ont l’habitude, du coup c’est presque transparent pour nous » (M19)

« j’ai l’impression qu’il y a une adaptation des deux côtés du coup, et pour moi ça me semble plutôt être naturel » (M10)

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Certains médecins interrogés considèrent que cette adaptation est spontanée, relevant du bon sens, et qu’elle doit se faire avec tous les patients, quelles que soient leurs particularités. D’autres estiment qu’il s’agit d’un effort, qui n’est pas toujours fourni par les autres praticiens, que ce soit par choix ou par difficulté.

« un enfant on le voit différemment d’un adulte, une personne âgée on la voit différemment d’un jeune, une femme différente d’un homme et cetera, un ouvrier pas comme un intellectuel […] en médecine, je tiens compte de la généralité mais de la particularité aussi » (M18)

« il faut savoir communiquer avec ses patients et quel que soit le patient, quel que soit son problème, son handicap, il faut arriver à communiquer et faut se débrouiller pour le faire et il y a des professionnels qui, je sais, ne le font pas trop » (M13)

« des confrères qui prennent pas le temps ou qui ont pas la patience ou qui savent pas faire » (M20)

Rôle de l’habitude et de l’expérience

La communication, parce qu’inhabituelle de prime abord, peut être déstabilisante et fastidieuse au début du suivi. Par manque d’expérience, cela peut engendrer des erreurs de communication, comme d’essayer d’élever la voix ou de ne pas regarder en face rendant impossible la lecture labiale.

« [il faut parler] bien en face de lui, parce que plusieurs fois, j’étais au bureau, lui il était installé là (désigne la table d’examen) puis je lui posais une question et il avait pas du tout capté en fait » (M17)

« je me rappelle toujours la première consultation où j’ai fini la consultation sans voix, ils avaient rien compris donc c’était une bonne leçon » (M8)

Avec le temps, chacun prenant ses marques, l’habitude facilite la compréhension, permettant le développement d’un système propre au duo médecin-patient.

« je trouve que c’est déstabilisant au début mais quand on les connaît bien, on trouve des petits moyens » (M4)

« il y a un système qui a été mis en place, un peu de débrouillardise et j’ai remarqué que les dernières consultations j’écris plus rien on arrive à se comprendre » (M1) « avec le temps, petit à petit, on s’est habitué à fonctionner avec eux, ça se fait tranquillement à condition de parler très lentement, de bien articuler, de communiquer face à face » (M8)

« ça fait au moins 15 ans que je les soigne, on finit par avoir nos codes à nous en fait » (M13)

« ça se fait au fur et à mesure, on peut pas tout comprendre dès le départ, après au fur et à mesure ça se passe bien » (M7)

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Cette habitude, acquise à deux, pouvait aussi se baser sur une expérience antérieure et donc être assimilée plus rapidement.

« j’avais, entre guillemets, déjà l’habitude avec l’autre famille, finalement ça a moins posé de problèmes parce que je suis venue plus rapidement à l’écrit » (M6)

Enfin, l’habitude permet le bon déroulé de l’examen clinique, temps de la consultation où la communication peut être plus difficile, mais cela a ses limites, dès lors que l’on doit avoir recours à des examens moins traditionnels.

« ils anticipent je pense, ils anticipent beaucoup, on fait toujours de la même façon je pense plus ou moins » (M4)

« pour l’examen neuro c’est un peu plus compliqué » (M6)

Une relation privilégiée de confiance

Malgré, ou grâce à, ces modalités de communication particulières, la quasi-totalité des médecins font part d’un vrai lien de confiance, voire d’affection, entre eux et leurs patients, certains percevant même une reconnaissance, source de gratification. « ce couple de patients je suis très attaché à eux parce que je trouve que les sourds c’est des gens très attachants » (M1)

« j’ai une empathie avec eux c’est sûr, c’est des gens qui peuvent être chaleureux, qui expriment des choses, donc c’est toujours gratifiant » (M2)

« j’ai l’impression elle était contente de venir me voir parce que le contact se faisait bien » (M3)

« il y a forcément plus de lien qui se crée, oui peut-être quand même les 2 gamins, j’ai un lien, une relation un peu différente à eux qu’avec les autres » (M10)

« au fil du temps ils nous connaissaient donc ils n’hésitaient pas à venir nous voir quand ça n’allait pas […] après je trouve qu’ils sont très reconnaissants quand on a pris soin d’eux ou qu’on a pris en compte leurs difficultés […] ils sont au niveau de l’affect, c’est vrai qu’on s’attache vite parce qu’ils sont très reconnaissants aussi » (M11)

Dans cette relation, le patient peut même apporter au praticien, par exemple en lui apprenant des signes.

« elle fait plus de signes que son mari, limite j’en suis plutôt content parce que moi ça me permet d’apprendre » (M13)

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