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Une relation affective privilégiée pour les enfants en pouponnière

A. Relation affective privilégiée

3. Une relation affective privilégiée pour les enfants en pouponnière

Un bon développement affectif de l’enfant dépend du lien de ce dernier avec sa mère. L’enfant placé en institution ne peut pas entretenir ce lien privilégié. Le priver de cette relation pourrait perturber son développement psychique et moteur. Cela l’expose aussi à d’autres conséquences graves comme l’hospitalisme. Que faire pour pallier à cette séparation ?

E. Pikler pensait qu’il était possible qu’un enfant séparé de sa mère et élevé en institution puisse se développer correctement à condition que la collectivité soit bien pensée. Le premier objectif est de lutter contre les carences en offrant entre autres à l’enfant une relation affective privilégiée, stable et continue.

Je vais décrire comment est appliqué ce principe en pouponnière. Pour la suite de ma rédaction, je ferai référence aux dires de M. David et G. Appell dans leur livre « Lóczy ou le maternage insolite » mais je m’appuierai surtout sur le fonctionnement de la pouponnière où je suis en stage cette année.

Avant qu’un enfant arrive à la pouponnière, une réunion d’information s’organise avec toute l’équipe. Le cas de l’enfant est énoncé afin de connaître au mieux son histoire et élaborer un projet de soin le plus adapté possible. Ce temps

35 de présentation de l’enfant est primordial. Comme le dit J. Aubry, « la structure

familiale, les motifs de la séparation actuelle, la nature des relations qui existaient entre les parents et l’enfant avant la séparation, la réaction des parents à la séparation, les projets futurs des parents […] » (Aubry, 1983, p. 47) ont des

répercussions importantes sur le développement affectif de l’enfant. Il est donc capital de se pencher sur l’histoire de ce dernier. Il est ensuite décidé de quelle auxiliaire de puériculture sera sa référente. Elle constituera la relation privilégiée de l’enfant.

Lorsque l’enfant arrive, il est placé dans un groupe de six enfants. Ce sont toujours les mêmes auxiliaires de puériculture qui s’occupent d’eux. Il y a une à deux auxiliaires le matin et une à deux auxiliaires l’après-midi qui se relaient après le repas. Toutes les auxiliaires de l’enfant constituent des relations stables et continues pour lui. « Ce lien entre l’enfant et le professionnel dans le temps

d’absence des parents est la condition indispensable d’un développement sain de la personnalité de l’enfant ». (Caffari & al., 2017, p. 9).

Ce maternage insolite est bien réfléchi afin qu’il profite au maximum à l’enfant. Les auxiliaires sont donc soumises à des « règles » à respecter. Par exemple, elles doivent éviter d’être à l’initiative d’un bisou ou donner un surnom à l’enfant. Cela peut paraître dur mais en réalité celles-ci sont élaborées afin de protéger les professionnelles mais aussi l’enfant. En cas de défaut de cadre en institution, ce dernier est le premier impacté. Caffari & al. expriment que cette fonction maternante particulière est possible si les professionnels sont compétents, qu’ils disposent d’un soutien suffisant et que l’institution est bien organisée.

36 La première chose est que l’auxiliaire « […] doit toujours avoir à l’esprit que

ce n’est pas son propre enfant qu’elle élève » (Falk, 2017, p. 16). Ceci doit être clair

afin éviter toute souffrance pour elle et pour les enfants. Effectivement, si elle élève les enfants de la pouponnière comme les siens, elle crée des attentes à la fois chez elle et chez l’enfant « qui ne peuvent être satisfaites dans le cadre de la

collectivité. » (Ibid.). Cela crée des frustrations inévitables chez les deux individus.

Pour détourner cette approche maternelle, les auxiliaires peuvent se pencher sur l’enfant d’une autre manière :

« Tout en s’occupant avec chaleur des enfants qui leur sont confiés, les

[auxiliaires] doivent contrôler leurs sentiments pour éviter que les enfants ne deviennent l’objet de leurs propres émotions. » « Au lieu de se tourner vers l’enfant avec des sentiments de type maternel, [...] elles doivent porter leur effort et intérêt sur le développement global de l’enfant. » (Ibid., p17).

Ainsi, le suivi de la qualité du développement de l’enfant permet de créer une relation ajustée et sûre convenant à la vie en collectivité. C’est le plus souvent la référente de l’enfant qui s’en occupe. Au travers des soins, l’auxiliaire référente s’attache à l’enfant et celui-ci s’attache à elle. Cela lui permet d’avoir une relation privilégiée stable et continue, en limitant les frustrations et ruptures relationnelles.

Une autre problématique liée à la collectivité est qu’à la différence d’une mère avec son enfant, l’auxiliaire à six enfants à s’occuper en même temps. Entretenir un lien privilégié avec chacun d’entre eux n’est pas aisé. Les enfants sont en forte demande d’affectivité et de lien avec leur auxiliaire. Si cette dernière voulait se comporter comme une mère pour ces enfants, cela engendrerait de grandes frustrations car l’attention privilégiée est impossible alors qu’ils sont tous

37 ensemble. La professionnelle ne peut pas s’occuper de tous les enfants en même temps. Ainsi, il est décidé que, c’est au moment des soins individualisés que la relation entre l’adulte et l’enfant peut se construire. L’auxiliaire porte une attention individualisée « […] exprimée de façon directe et proche pendant les soins [où

l’enfant est seul avec elle] et de façon indirecte et à distance pendant l’intersoin. »

(David & Appell, 2018, p. 59). C’est cette relation individualisée élaborée essentiellement pendant les soins qui permet à l’adulte de connaître l’enfant et réciproquement, l’enfant apprend à connaître l’adulte. Cette relation répond au besoin primaire d’attachement et soutient le développement global de l’enfant.

Il est donc possible pour un enfant en pouponnière d’avoir une relation affective privilégiée avec une auxiliaire référente. La possibilité de cet attachement sécure lui permet de se construire une identité et d’avoir un bon développement affectif favorisant entre autres, un bon développement psychomoteur.