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Le site Red Studio du MoMA se présente comme un lieu d’échanges sur l’art moderne, sur les artistes vivants et les coulisses du musée. Ainsi plusieurs activités sont proposées aux adolescents* qui nourrissent déjà une curiosité pour l’art et la création. L’une d’entre elles, « Remix », consiste en une activité de collage où l’on peut choisir un arrière-plan puis le découper selon les formes que l’on a préalablement choisies. L’activité suggère des œuvres de plusieurs artistes en guise d’inspi- ration de Schwitters à Villeglé en passant par Picasso. Les arrière-plans sont toutefois sans rapport avec les collections du MoMA et le collage reste sans suite puisque l’application ne permet plus de l’enregistrer ou de le télécharger. Le nom de l’activité fait référence à une pratique numérique répandue chez les natifs digitaux, le remix de différents contenus réagencés selon les envies de l’in- ternaute, souvent sur le mode de la parodie ou de la caricature**. Ici, cependant, les internautes ne peuvent pas importer d’autres contenus (musique, photographie, vidéos…), ni choisir le format de l’assemblage (gifs animés, montage de photographie ou vidéo…). Ainsi, si l’activité mise sur la créativité des adolescents et leurs attentes du côté de la manipulation, son format limite fortement l’expressivité dans la création.

« Behind the scenes » propose plusieurs interviews réalisées par des adolescents dont celle de Ralph Eggleston, graphiste chez Pixar, qui porte sur la réalisation des films d’animation, la place faite aux différentes techniques dans ce processus (sculpture, dessin), mais aussi sur le parcours du graphiste, sa passion pour l’art, son inspiration, ses conseils pour devenir un designer dans l’ani- mation… Cette interview s’inscrit dans la continuité d’une exposition in situ et rejoint les centres d’intérêt de la culture adolescente. Deux autres interviews donnent la parole à Joachim Pissarro, professeur d’histoire de l’art et à Paola Antonelli, conservatrice au département d’architecture et de design, qui répondent aux questions des adolescents au sein même des salles du musée. Les vidéos manquent un peu de spontanéité : la préparation des adolescents en amont semble évidente et le musée reste dans son rôle d’encadrement des pratiques. La médiation est véhiculée par des adolescents, dans l’espoir d’une transmission aux pairs, sans que l’on sache toutefois si elle fait l’objet d’une réelle appropriation.

De manière générale, le site n’est pas actualisé et ne suit pas l’agenda du musée. La médiation in situ pourrait être amplifiée si la médiation en ligne en était un prolongement. Une étude sur les moyens mis en place pour poursuivre cette stratégie numérique permettrait d’éclairer la stagnation du site.

* http://www.moma.org/interactives/redstudio/

** Voir notamment allard L., « Remix Culture : l’âge des cultures expressives et des publics remixeurs », actes du col-

commentaires et de conversations. D’autres institutions vont d’ailleurs ne développer de sites dédiés à ce public que sous le format du blog, particulièrement adapté à cette dimension conversationnelle. Dès lors, l’institution n’intervient qu’en qualité de modérateur des billets qu’ils produisent ou d’informateur par la publication de billets portant sur la programmation du musée. Le site de la Tate possède quant à lui plusieurs options pour les jeunes. La Tate Kids propose à des enfants âgés de 5 ans à « 10 ans et plus12 » de créer leur profil pour consti- tuer leur galerie en ligne à partir de la base de données du musée mais aussi de télécharger leurs propres créations. Le site offre également des jeux classés par difficulté dont les thèmes s’inspirent de l’histoire de l’art (le cubisme, Turner, le street art…) et de courts dessins animés traitant de la création artistique. Dans la catégorie Tate Create, le musée met en ligne des activités à réaliser chez soi comme des masques, des coloriages ou de la sculpture avec du savon. Pour les plus grands (15-25 ans), la Tate Collectives incite les « jeunes créatifs13 » à venir discuter et partager leurs propres créations en créant des profils d’utilisateurs puis des groupes avec d’autres utilisateurs (voir l’encadré p. 47). Ces pages reprennent les fonctionnalités de certains réseaux socionumériques pour aider à structurer une communauté de jeunes pas- sionnés14. Pour ces deux offres en ligne en direction des jeunes, la Tate choisit comme base le même principe de la galerie virtuelle autour de laquelle se construisent les discussions et les commentaires en adaptant la charte graphique (inspirée des dessins d’enfants pour la Tate Kids et de celle des réseaux socionumériques pour la Tate Collectives).

Toutefois, l’observation de quelques exemples montre que cette activité en ligne des insti- tutions amène peu de réactions. En effet, s’agissant de pages sur des réseaux socionumé- riques, on note peu de « like », de commentaires ou de partages d’information de la part des adolescents abonnés, eux-mêmes peu nombreux15. S’agissant des sites dédiés, on remarque sur le site du Red Studio que le concours annoncé en page d’accueil est terminé depuis le 30 juin 2006, qu’une des activités proposées ne fonctionne plus (YouDESIGN) et que les interviews proposées sont peu nombreuses et les archives peu fournies. Sur le site Tate Collectives, les internautes n’ont créé que trois groupes de discussions et la majorité des créations proposées n’entraîne aucun commentaire, ni aucune action (like). De même, les institutions ont fait le choix de ne pas participer à l’animation de ces sites, ce qui donne une impression de désengagement vis-à-vis de ces dispositifs.

Ces quelques propositions montrent donc une médiation en ligne qui est peu développée ou qui, après avoir été mise en place, semble délaissée par les institutions. Plusieurs hypo- thèses non exclusives les unes des autres peuvent expliquer ce manque.

D’une part, offrir une médiation pour adolescents en ligne nécessite un personnel spé- cifique, aux compétences provenant de plusieurs domaines de travail : des compétences réelles en informatique (connaissance technique des outils), en communication (types et formes de discours pour les adolescents), en sociologie des usages d’Internet et en mé- diation culturelle et/ou éducation (connaissance en histoire visuelle). Les réseaux socio- numériques étant depuis peu considérés comme des outils de promotion des institutions culturelles, il est normal que des professions ou des services aussi spécifiques soient encore rares au sein de telles institutions, tout comme le sont les services de médiation spécifiques aux adolescents in situ. De plus, cette offre en ligne est difficile à mettre en place actuelle- ment dans des musées aux structures extrêmement hiérarchisées et avec des services qui ne

12. http://kids.tate.org.uk/adults.shtm

13. Young Creatives, http://collectives.tate.org.uk/

14. En 2010, le musée du Louvre ouvre sa Communauté Louvre sur le même principe et la même structuration mais pour les adultes. Voir sCHafer V, tHierry B., COuillard N., « Les musées, acteurs sur le Web », La Lettre de l’OCIM, no 149, juillet-août 2012.

15. Voir ces quelques pages : https://www.facebook.com/brooklynmuseumteens, https://www.facebook.com/noguchiteens, https://www.facebook.com/noguchiteens, https://www.facebook.com/pages/The-Metropolitan-Museum-of-Art-Teens/11095901 8939031?fref=ts, http://www.flickr.com/groups/walters-teen-arts-council/

À la renContre deS adoleSCentS en ligne ? l’enJeu du numérique pour la médiation Culturelle

travaillent que très peu ensemble (médiation, communication, informatique…). Le manque de moyens financiers dans les petites et moyennes structures explique bien évidemment aussi le peu de recherches engagées dans cette voie. D’autre part, cette absence peut être perçue comme une frilosité de la part des institutions à aller sur des terrains où les règles de droit applicables restent incertaines et à réaffirmer. Ainsi au début, le site Facebook n’autorisait la création de pages qu’en tant qu’« ami », ce qui pouvait permettre l’accès aux informations publiées par les adolescents mineurs. Les institutions, par choix éthique ou juridique, ont peut-être souhaité attendre un éclaircissement avant de s’engager sur de tels environnements qui leur sont peu familiers.