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Vers une redéfinition de l’ostéochondrose (OC) équine ? 141

Les chevaux atteints d’OC peuvent présenter un épanchement synovial, des douleurs et des boiteries, premiers signes cliniques d’appels amenant le vétérinaire à suspecter la présence d’une lésion. Cependant, l’OC peut souvent rester asymptomatique. Le dépistage et le diagnostic reposent ainsi essentiellement sur un bilan radiographique, qui est à la base de la classification des lésions chez le cheval. Deux grands types de lésions ont été observés : des fractures du cartilage articulaire (OCD) et des kystes osseux sous-chondraux. Des études épidémiologiques ont établi que les lésions kystiques touchent principalement les condyles du fémur et l’articulation métacarpo-phallangienne, tandis que les lésions d’OCD sont plus fréquemment retrouvées dans les articulations métacarpo/métatarso- phallangiennes, fémoro-patellaire et tarsocrurale. Une classification prenant uniquement en compte les caractéristiques radiographiques a été développée afin de discriminer les lésions selon leur sévérité et d’établir un score de « gravité » [129].

Récemment, Denoix et al., ont établi une classification basée sur la localisation des lésions dans l’articulation et leur origine biomécanique [89]. Trois grands types de lésions ont alors été proposés : les fragments ostéochondraux à la surface articulaire (AS-OCF), les fragments ostéchondraux péri-articulaires (PA-OCF), les kystes osseux sous-chondraux juvéniles (JSBC) [89]. Toutefois, l’OC équine demeure une entité confuse, regroupant une grande diversité d’anomalies locales du cartilage et/ou de l’os sous-chondral, de localisation et de taille variables. La situation en termes de description et de classification apparait très en retard par rapport à l’Homme où près d’une cinquantaine d’entités nosologiques ont été décrites [130]. Or, une description précise est essentielle pour une bonne compréhension de

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la physiopathologie. Elle est également indispensable pour un phénotypage précis sans lequel les travaux de clonage positionnel ont peu de chance d’aboutir.

Ainsi, la définition peu précise des entités pourrait expliquer la faiblesse des héritabilités mesurées et la nécessité d’un facteur déclenchant contribuant également à diminuer ces valeurs. Cette imprécision pourrait également être à l’origine des résultats décevants de cartographie de QTL. En effet, plusieurs programmes ont été menés dans différentes races au niveau international et de nombreuses régions associées à l’OC ont été identifiées(pour revue voir [131]). Les résultats se sont avérés peu concordants entre les études et les QTLs identifiés n’expliquent qu’une faible part de la variance observée. Aucun gène candidat n’a pour le moment été validé [1, 122, 125, 132]. Sachant qu’aucune corrélation n’a été observée entre articulation, ces éléments laissent à penser que différentes maladies, résultant d’une perturbation de mécanismes moléculaires différents, sont regroupées sous le terme d’ostéochondrose. L’articulation lésée devrait pour le moins être considérée comme un élément clé de la classification. Les observations réalisées lors de cette thèse apportent également des éléments plaidant en faveur d’une redéfinition des entités nosologiques.

Nous avons réalisé des analyses histologiques de différentes lésions d’OC prélevées sur les trochlées du talus de cinq poulains anglo-arabe âgés de 10 mois dont le statu ostéo- articulaire avait été établi à partir d’un examen clinique et de clichés radiographiques. Macroscopiquement, ces lésions sont apparues hétérogènes d’aspect et de taille, allant d’une petite griffure à des cavités plus ou moins étendues dans le cartilage articulaire ainsi qu’à des fractures de celui-ci. Du fait des limites techniques, le bilan radiographique ne pouvait pas déceler une telle hétérogénéité des lésions. Nous avons regroupé les lésions selon deux types : les « fractures », localisées à l’extrémité de la trochlée et associées à un détachement de cartilage et les « scratches », localisés au milieu de la trochlée, montrant à une perte de cartilage plus ou moins importante. L’analyse histologique de ces lésions a permis de caractériser d’avantage les types de lésions. Pour les « scratches », nous avons observé deux sous-types de lésions : celle présentant une invagination du cartilage articulaire dans l’os sous-chondral sous-jacent et celles montrant une hypoplasie, voire une perte du cartilage articulaire, laissant apparaitre l’os sous-chondral. Le premier type de lésion pourrait s’apparenter à une forme précoce de kyste osseux sous-chondral. En effet, les kystes osseux sous-chondraux ont été décrits comme des zones nécrotiques localisées dans l’os sous-chondral, présentant à leur extrémité distale un étroit canal établissant une communication avec l'articulation. Il semble vraisemblable qu’au cours de la croissance de l’épiphyse, les invaginations observées puissent conduire à l’enclavement d’une zone de cartilage, formant progressivement une cavité nécrotique dans l’os sous-chondral et évoluant en en véritable kyste. Il a également été observé que les kystes récents étaient remplis de liquide et contenaient du matériel fibreux. Ceux des chevaux les plus âgés renfermaient des débris fibreux [133]. Ces observations sont en accord avec les résultats d’immunomarquage collagen type VI réalisés sur nos lésions « kystes-like », montrant la présence d’un tissus cicatriciel fibreux de type fibrocartilage.

Les lésions de type « fracture» que nous avons pu observer s’apparentent aux lésions de type OCD décrites dans la bibliographie [134]. L’analyse histologique a montré une zone de fracture nette entre le cartilage articulaire et l’os sous-chondral sous-jacent conduisant au détachement partiel d’un fragment de cartilage. Des fragments partiellement ossifiés libres dans l’articulation ont été décrit, suggérant que les fractures pouvaient affecter le cartilage et l’os sous-chondral. Nos observations histologiques indiquent que l’ossification d’un fragment partiellement détaché se poursuit avec création d’un nouveau centre d’ossification en son sein. Il semble ainsi plus probable que les fractures n’apparaissent qu’au sein du cartilage, à la jonction avec l’os sous-chondral.

Nos résultats mettent ainsi en évidence des types de lésion d’OC indiscernables par bilan radiographique. De façon intéressante, les lésions de type OCD ont été retrouvées aux

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extrémités de l’articulation alors que les kystes-like et les scratches étaient localisés au milieu de celle-ci. Nos observations histologiques ne permettent pas de déterminer si les différentes formes de lésions correspondent à différents stades d’évolution d’un même type lésionnel ou si, au contraire, elles représentent des types de lésions différents. Toutefois, nos analyses protéomiques, basées sur du cartilage sain (prélevé sur les trochlées fémorales) d’animaux sains et atteints d’OC montrent des différences de protéomes associées aux sous-types lésionnels. En effet, les kystes semblent résulter d’un défaut constitutif de l’os et du cartilage, alors qu’un défaut constitutif du cartilage semble principalement en cause dans l’apparition des fractures, chez les Anglo-Arabes comme chez les Trotteurs Français. De même, le protéome des poulains porteurs de lésions de type « scratches- kystes like » et « scratches- perte de cartilage » semble différent, suggérant l’existence de sous-types plutôt que de stade d’évolution différents.

L’idée généralement admise et défendue par le Pr Denoix est celle d’un défaut constitutif qui s’exprime uniquement dans une articulation donnée du fait du type de contrainte biomécanique excessive auquel l’animal a été soumis. Contrairement à cette hypothèse, nos observations plaident en faveur de l’existence de pathologies distinctes, rendant l’articulation plus fragile et sensible à certains types de contraintes. Se pose alors la question de déterminer en quelle mesure les mécanismes moléculaires impliqués dans l’apparition de ces différents types de lésions sont également différents.