• Aucun résultat trouvé

par les bact´eriophages

Nous changeons ensuite de sujet et nous int´eressons aux virus des bact´eries, les bact´erio-phages, du point de vue du biais d’usage de codons et son lien avec le syst`eme de traduc-tion. En effet, une observation intrigante est que certains phages contiennent des ARNt, `a l’exception de toute autre g`ene codant pour des composants du syst`eme de traduction. Nous nous sommes donc int´eress´es `a ce probl`eme, et avons mis en relation le contenu en ARNt des phages de leurs hˆotes avec leurs biais d’usage de codons respectifs. Cette ´etude a permis de mieux comprendre les m´ecanismes ´evolutifs des phages, dont l’´etude est en grande expansion, `a cause des possibilit´es de th´erapie m´edicale qu’ils offrent et de leur rˆole dans les processus de transfert horizontal.

7.1 Historique

Il est connu depuis longtemps que certains phages ont un usage biais´e de codons, et poss`edent des g`enes codant pour des ARNt. Si l’existence d’un biais de codons peut sembler naturelle chez les phages quand on sait l’importance de maximiser la vitesse de la traduction dans leur cycle de vie, la pr´esence d’ARNt est plus difficile `a expliquer. En effet, les phages ne codent habituellement pour aucune composante du syst`eme de traduction, et doivent enti`erement subvertir celui de leur hˆote pour synth´etiser les prot´eines n´ecessaires `a la g´en´eration suivante. De plus la pr´esence de g`enes “inutiles” chez les phages est certainement contre-s´electionn´ee, car elle rallonge leur temps de r´eplication.

Le biais d’usage de codons des phages a ´et´e ´etudi´e et mis en relation avec celui de ses hˆotes. En effet, si le biais de codon de l’hˆote correspond `a une adaptation de l’usage du code pour optimiser une ou plusieurs ´etapes de la traduction, il est naturel de penser que les pressions s´electives qui s’appliquent sur les g`enes de l’hˆote `a ce niveau s’appliquent ´egalement sur ses phages, puisque leurs g`enes sont traduits par la machinerie cellulaire de l’hˆote. Dans une hypoth`ese o`u un ajustement du biais de codons permet de maximiser la vitesse de la traduction, on voit facilement qu’un phage ayant le mˆeme biais de codons que son hˆote sera traduit plus vite qu’un phage n’´etant pas biais´e de la mˆeme mani`ere. Si le taux de r´eplication n’est pas limitant, ceci va entraˆıner une reproduction plus rapide du phage biais´e dans le mˆeme “sens” que son hˆote, lui donnant un clair avantage s´electif. Le biais d’usage de codons de nombreux phages a ´et´e ´etudi´e. Il a ´et´e montr´e que

152 CHAPITRE 7. RECRUTEMENT D’ARNT PAR LES PHAGES

le phage T7 avait un usage de codons corr´el´e `a l’abondance des ARNt de son hˆote, en particulier pour ses g`enes fortement exprim´es (Sharp et al., 1985). Ce r´esultats a ´et´e g´en´eralis´e (Kunisawa et al., 1998) `a de nombreux phages d’E. coli, mais il a ´et´e ´egalement observ´e qu’il ne semblait s’appliquer que pour les phages ne codant pas pour leur propre ADN polym´erase, sugg´erant que les biais mutationnels durant la r´eplication pouvaient jouer un rˆole important sur le biais d’usage de codons. Cette hypoth`ese a ´et´e renforc´ee par l’analyse r´ecente du biais de codon de Mimivirus, un virus des eucaryotes (Sau et al., 2006). La transcription a ´egalement ´et´e ´evoqu´ee comme un facteur modelant l’usage de codons des phages (Kano-Sueoka et al., 1999). Sur d’autres esp`eces, les r´esultats sont ´egalement mitig´es : les phages de Staphylococcus aureus ont un biais d’usage de codons significatif, mais qui semble varier d’une esp`ece `a l’autre (Sau et al., 2005), ce qui ne peut s’expliquer qu’au prix d’hypoth`eses suppl´ementaires dans une th´eorie bas´ee sur des causes s´electives pour la traduction.

La pr´esence d’ARNt dans les phages a ´egalement fait l’objet de nombreuses ´etudes, mais leurs r´esultats n’ont pas permis de proposer une th´eorie unificatrice pour expliquer leur existence. Les travaux sur le phage T2 ont montr´e que le contenu cellulaire d’E. coli en ARNt changeait apr`es infection par T2, impliquant un rˆole du phage dans la modification du syst`eme de traduction de son hˆote (Kan et al., 1968; Kano-Sueoka and Sueoka, 1969; Sueoka and Kano-Sueoka, 1964). Chez le phage T4, la pr´esence de 8 ARNt a tout d’abord ´et´e expliqu´ee comme corr´el´ee au biais de codons de ses g`enes tardifs (Cowe and Sharp, 1991), puis au contraire comme compensant les d´eficiences de son hˆote en terme d’ARNt lors de l’expression des g`enes faiblement exprim´es du phage (Kunisawa, 1992). Finalement leur rˆole fut consid´er´e comme “incertain” (Miller et al., 2003). Il fut ensuite montr´e que les ARNt du phage D29 de M. tuberculosis correspondaient aux codons majeurs du phage plutˆot que de son hˆote. Une autre fonction potentielle des ARNt dans les g´enomes de phage a ´egalement ´et´e suppos´ee, en plus de pouvoir aider la traduction des prot´eines phagiques : il s’agirait de faciliter l’insertion des phages temp´er´es dans les g´enomes de leurs hˆotes (Kropinski and Sibbald, 1999), grˆace aux s´equences palindromiques typiques des ARNt.

On voit que les r´esultats de ses ´etudes, s’ils ont souvent mis en avant un lien entre syst`eme de traduction et biais d’usage de codons des phages, n’ont pas permis d’identifier clairement leur rˆole chez les phages. C’est `a cette tˆache que nous nous sommes attel´es, en nous basant sur le grand nombre de g´enomes de phages s´equenc´es au cours des derni`eres ann´ees, pour d´echiffrer l’usage du code et des ARNt chez les bact´eriophages.

7.2 L’article

Nous pr´esentons ici notre article, actuellement en cours de relecture avant publication dans la revue Genome Research. Les mat´eriels suppl´ementaires sont ajout´es `a la fin. Les principales conclusions sont :

– Le biais d’usage de codons des phages est corr´el´e `a celui de leur hˆote. Une diff´erence significative est observ´ee entre les phages temp´er´es (tr`es corr´el´es) et les phages lytiques (moins corr´el´es).

– Les phages lytiques contiennent plus d’ARNt. Ceci nous permet d’argumenter en faveur d’une pression de s´election pour garder les ARNt bas´ee sur la compensation des diff´erences d’usage du code entre le phage son hˆote.

7.2. L’ARTICLE 153

– La mod´elisation de cette hypoth`ese, par une m´ethode d’´equation maˆıtresse suppo-sant un recrutement al´eatoire des ARNt des phages chez leurs hˆotes, et une perte s´elective en fonction de la diff´erence d’usage de codons entre eux, la confirme. Ceci est vrai aussi bien pour les phages lytiques que pour les phages temp´er´es, et est plus vraisemblable au vu des donn´ees qu’une s´election bas´ee uniquement sur le biais de codons du phage ou de l’hˆote.

Causes for the intriguing presence of tRNAs in

Documents relatifs