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PARTIE I L'eau en France et aux Pays-Bas : un fil bleu aménageur de tout temps

Chapitre 2 : La France et l’eau : domestication, séparation, réconciliation

3. A la reconquête des fleuves : réconciliation entre la ville et son fleuve

Après leur avoir tourné le dos, les acteurs de la ville souhaitent à la fin du XXème siècle renouer avec leurs cours d’eau.

En quête de nature en ville et d’espaces publics récréatifs, les urbains entament un changement de réflexion : la revalorisation des cours d’eau urbains devient essentielle car ils constituent le patrimoine de la ville, et participent à son identité. Influencés par les écologistes, cette tendance est suivie par le gouvernement qui déploiera des politiques de l’environnement et dont les préoccupations se tourneront vers la qualité de vie en ville.

Les nouvelles politiques relatives à l’eau et au développement durable in- tègrent les mécanismes naturels des cours d’eau et traitent désormais la totalité de leur parcours. Les opérations de requalification des rives des fleuves et rivières mènent à la collaboration nouvelle entre divers acteurs (collectivités locales, Agences de l’eau, asso- ciations de riverains …) pour travailler en- semble à la préservation de ce patrimoine naturel, au cadre de vie qu’il peut offrir, tout en facilitant son appropriation (G. Lechner, 2006).

Désormais indissociable du développement durable, le changement climatique et ses conséquences sont au- jourd’hui largement répandus en France. Les politiques urbaines tentent d’intégrer

les nouveaux enjeux que cela sous-entend, dont la recrudescence des inondations liée aux bouleversements du climat. L’arti- ficialisation des sols en ville est désormais controversée. Ainsi, la volonté de remise en valeur des fleuves semble passer par un retour à l’état plus sauvage des cours d’eau. La renaturation des berges présente de nombreuses qualités : elle permet la régu- lation de l’étiage et des crues, le traitement naturel de l’eau et l’épanouissement des populations aquatiques.

Les villes ont rapidement su prendre avantage de cette situation. La nouvelle approche pour le traitement de ces fleuves permet de pallier à la dégrada- tion de leurs abords tout en améliorant leur mécanisme naturel et consolide l’identité qu’ils apportent à leur ville hôte. Ils consti- tuent par ailleurs un facteur de développe- ment de par leur caractère récréatif, culturel et touristique pour les populations.

En 1992, est élaborée la loi sur l’eau, traductrice de l’attention portée à l’écologie et à la préservation des espaces naturels et leur équilibre. Elle affirme l’eau comme patrimoine commun, et reflète les nouvelles préoccupations environnemen- tales qui annonceront les débuts du déve- loppement durable. Les réflexions relatives à ce sujet, assoient une politique fluviale et remettent en question le modèle tech-

nique d’aménagement des fleuves et de ses alentours. De nombreuses villes se lancent ainsi dans des projets de reconquête de leur cours d’eau, en adoptant de nouvelles stratégies qualitatives à long terme.

Ce virage social et environne- mental se poursuit par l’organisation de nombreuses réunions de concertation sur le sujet. En 2007, le Grenelle de l’Environne- ment définit un ensemble de mesures pour la protection de l’environnement. Un nou- vel outil émerge : la Trame Verte et Bleue, dont les décisions d’aménagement du territoire devront désormais tenir compte. Cet outil constitue un des plus gros pro- jets officiels du pays, portant engagement national pour l’environnement. Il assure une continuité écologique entre les grands espaces de nature par le biais de corridors écologiques. Ces connexions doivent être réalisées à toutes les échelles : à partir des berges d’un cours d’eau jusqu’aux grands axes migratoires européens. La trame verte et bleue a ainsi pour vocation d’assurer la prise en compte de la préservation de la biodiversité dans les décisions relatives aux projets d’aménagement et ceci de fa- çon durable, en affirmant une multi-fonc- tionnalité des espaces concernés. Au delà des réponses aux enjeux écologiques, cet outil impose aux projets d’aménagement de participer à l’amélioration du cadre

Figures 21, 22 et 23 : Les berges du Rhône le long de l’avenue Leclerc à Lyon © Rues de Lyon, 2018

La ville de Lyon s’est ainsi inscrite dans la lignée de ces politiques environnemen- tales.

Dès les années 1980, la ville se soucie de l’état environnemental des berges du Rhône et de la Saône. De ce fait, l’agglomération est la première à se lancer dans l’élabora- tion d’un plan de réaménagement des rives du Grand Lyon, sur une distance supérieure à 200 kilomètres. Ce projet, « Plan bleu, schéma d’aménagement des berges de la Saône et du Rhône », mis en oeuvre par l’Agence d’urbanisme de l’agglomération, fut approuvé en 1991 et mis à jour en 1997 (G. Lechner, 2006). Il propose un schéma global d’aménage- ment des zones « bleues » parsemées dans les 27 communes que compte l’agglomération au bord des deux fleuves, en les inscrivant dans une démarche globale pour plus de clarté, de logique et d’efficience. Une des vocations principales de ce projet réside dans la pré- vention contre les risques de crues et de pollutions, en s’appuyant sur la préservation des milieux naturels et leur remise en état dans des zones rendues à la nature sur les berges des fleuves (figure 11). Ces zones tampon requalifient l’environnement de ces sites, offre plus de souplesse aux fleuves et peuvent accueillir des loisirs, offrir un cadre de vie plus qualitatif, et assurer la restauration des espaces dégradés (G. Lechner, 2006).

Ainsi la préoccupation nouvelle des berges en milieux urbain constitue un mail- lon supplémentaire à la longue histoire de la relation des villes françaises à leurs fleuves. Une relation tantôt de connivence, de désintérêt, de mésestime ou de simple cohabita- tion. Néanmoins, la reconquête de ces espaces fluviaux semble présenter une nouvelle opportunité de réinvestir des espaces abandonnés à proximité des zones urbaines tout en redonnant aux fleuves plus d’espace et plus de qualités (environnementale, récréative, tou- ristique).

Chapitre 3 : Vers un changement de paradigme en France et aux Pays-Bas