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I. QU’EST CE QUE L’HYPNOSE ?

6. RECONNAISSANCE SCIENTIFIQUE

Après la mort de Charcot, l’école de Bernheim s’impose, mais le débat se transforme : on s’interroge plus sur la spécificité du fonctionnement cérébral.

A partir des années trente, Clark Hull et d’autres générations de psychologues américains multiplient les études quantitatives avec protocoles standardisés.

Dans les années cinquante, Ernest Hilgard, établit une échelle d’hypnotisabilité et entreprend des études statistiques sur la perception de la douleur par immersion de la main des sujets hypnotisés dans un bain d’eau glacée. Il observe que la variation de la sensation douloureuse ne s’accompagne pas de modifications parallèles dans les réactions physiologiques et conclut à une forme de dissociation entre perception physique et perception consciente.(48)

A la fin du siècle, des centaines de recherches en psychologie scientifique sont publiées mais aucune ne fournit véritablement d’argument pour une explication neurophysiologique. C’est alors qu’apparurent les techniques de mesures s’adressant au cerveau directement.

6.2

L’imagerie cérébrale comme validation scientifique

6.2.1 Électroencéphalographie

Les études d’électro-encéphalographie ont été commencées avant la seconde guerre mondiale aux Etats-Unis et ont montré que les tracés électriques du sommeil ordinaire et du sommeil hypnotique ne coïncident pas selon Chertok. (28)

Puis l'analyse de l'électroencéphalogramme (EEG) et l'enregistrement des différents paramètres physiologiques n'ont montré aucune particularité durant l'hypnose «profonde».(49) On sait aujourd'hui que le somnambulisme naturel (avec déplacement et/ou parole) survient pendant les phases 3 et 4 du sommeil NREM (Non Rapid Eye Movment Sleep), et n'a donc rien en commun avec l'hypnose, qui est un état de veille.

L'EEG de sujets hypnotisés n'est pas très différent de ceux en état de veille : tout au plus note- t-on parfois une prépondérance d'ondes alpha, comme dans l'état de pré-sommeil, et peut-être une corrélation entre la survenue d'ondes frontales thêta et une plus grande capacité à l'hypnose.(50)

Pour Barber, l’EEG est un indicateur faible des modifications des états mentaux.

Ainsi, les études encéphalographiques semblent plutôt indiquer que l'hypnose est un état de présommeil, et malgré l’espoir initial d’obtenir des tracés caractéristiques de l’état d’hypnose, les nombreuses études suivantes n’ont pas permis de définir de « signature EEG ». C’est avec les progrès de l’imagerie cérébrale que l’on a compris ces mécanismes.

6.2.2 Imagerie cérébrale fonctionnelle

Grâce à la tomographie par émission de positons 8(TEP), les modifications de distribution du débit sanguin cérébral chez des volontaires sains, ont été étudiées : durant l’hypnose, une importante augmentation du débit sanguin est observée dans les cortex occipital (vision), pariétal, précentral (mouvement), préfrontal et cingulaire (élaboration de l’image mentale et effort d’attention nécessaire pour générer cette image mentale)(18) .

L'étude de Maquet, Faymonville et al, réalisée en 1997 en est une des plus célèbres. (52)Elle porte sur la distribution des débits sanguins cérébraux, étudiés grâce à la TEP, chez un groupe de sujets dans un état de repos, puis dans un état d'hypnose, alors que leur sont suggérés d'agréables souvenirs de leur histoire personnelle, puisqu'on leur demande de se souvenir d'un moment agréable de leur vie. Il leur est demandé ensuite de visualiser leur couleur préférée. Cette étude est la première à montrer que l'état d'hypnose est associé à l'activation d'un ensemble étendu d'aires corticales (occipitales, pariétales, précentrales, prémotrices), ainsi qu'au cortex préfrontal, ventrolatéral et occipital. Il en résulte que l'hypnose, selon les auteurs, serait un « état d'éveil cérébral spécifique » : alors que le sujet semble somnolent, il est l'acteur d'une expérience très vive qui emplit totalement sa conscience. Il s'agirait davantage d'une expérience de « revécu » que d'une simple remémoration.(53).

C’est ainsi que le patient en état d’hypnose est acteur et observateur de ce qu’il vit. Ce réseau neuronal modifié ne se chevauche pas avec celui de l’état de conscience normal.(54)

Contrairement à l’état d’éveil (imagerie mentale autobiographique), le processus d’hypnose désactive le précuneus et la région mésiofrontale, jouant un rôle dans l’état de conscience altérée. On a donc une diminution du débit sanguin dans le cortex somato-sensoriel primaire appelé S1. Hors, moins l’activité corticale dans S1 est intense, moins la douleur est évaluée comme intense subjectivement par le sujet.

Cela nous montre un changement significatif dans l’activité du cortex cingulaire antérieur en relation avec l’intensité de la douleur

Le processus hypnotique diminue et module ainsi la nociception.

Le Dr Faymonville explique elle-même : « Le sujet, d’apparence somnolente, expérimente

une prise de conscience de lui-même où il est simultanément acteur et observateur. Le processus hypnotique se traduit par une imagerie mentale plurimodale cohérente et très vivace. Ces patterns d’activation diffèrent de l’éveil, de la conscience habituelle, de

l’activation onirique pendant le sommeil paradoxal et des hallucinations observées chez les

patients schizophrènes. » (55)

Le Dr Rainville, stomatologue canadien, a démontré les modèles spécifiques de l'activation cérébrale associée à l'état hypnotique et au traitement des suggestions hypnotiques (56) Dans son étude, les effets de l'hypnose et des suggestions pour modifier la perception de la douleur ont été étudiés chez des sujets hypnotisables en utilisant les données du débit sanguin cérébral régional du TEP et des mesures EEG de l'activité électrique du cerveau.

8

La TEP est une méthode d'imagerie médicale qui permet de mesurer en trois dimensions l'activité métabolique d'un organe grâce aux émissions produites par les positons (ou positrons) issus de la désintégration d'un produit radioactif injecté au préalable. Elle permet de visualiser les activités du métabolisme des cellules : on parle d'imagerie fonctionnelle par opposition aux techniques d'imagerie dites structurelles comme celles basées sur les rayons X (radiologie ou CT-scan) qui réalisent des images de l'anatomie.

Les conditions expérimentales comprenaient un état de repos (de base) suivie d'une relaxation hypnotique seule ( hypnose ) et puis un état de relaxation hypnotique avec des suggestions de désagrément de la douleur altérée ( Hypnose + suggestion ) .

Au cours de chaque cycle, la main gauche a été immergée en position neutre ( 35 degrés C) ou dans des conditions « douloureusement chaudes » ( 47 degrés C ) .

Il a donné à ces patients des suggestions hypnotiques d’intensité sensorielle : « Vous pouvez tourner un bouton imaginaire pour diminuer la force de la sensation » et montre que ces phrases diminuent l’activation du cortex somato-sensoriel (gyrus post-central et opercule pariétal) du sujet. D’autres suggestions hypnotiques, qui visent à atténuer spécifiquement le désagrément : « Vous êtes de plus en plus confortable, cette sensation ne vous dérange pas », diminuent l’activité du cortex cingulaire antérieur, région reliée au système limbique et aux émotions. Ainsi il a montré que les suggestions hypnotiques d’analgésie diminuent de façon significative l’activité des régions corticales impliquées dans la douleur et permettent d’éviter les phénomènes d’anticipation de la douleur.

Dans l’état d’hypnose il a remarqué comme le dr Faymonville que le débit sanguin cérébral était augmenté dans les régions occipitale (et ce de façon significativement corrélée à des pics delta EEG) ainsi qu’au niveau du cortex cingulaire antérieur et le gyrus frontal inférieur. Hypnose + suggestions produit des augmentations généralisées supplémentaires dans les cortex frontaux principalement sur le côté gauche : ce qui pourrait refléter la médiation verbale des suggestions, de la mémoire de travail et des processus impliqués dans la réinterprétation de l’expérience perceptive. Par ailleurs, les cortex pariétal postérieur médial et latéral ont montré des augmentations liées à la suggestion qui se chevauchent en partie avec des régions de baisses liées à l'hypnose.

Les résultats confirment une théorie de l'état d'hypnose dans lequel les augmentations occipitales du débit sanguin et l'activité delta reflètent l' altération de la conscience associée à une diminution de l'excitation et une possible facilitation de l'imagerie visuelle.

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