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La reconnaissance par ricochet du droit à un environnement sain par la Cour EDH

Nonobstant les débats hésitants des organes du Conseil de l’Europe relatifs à l’adoption d’un Protocole additionnel à la CEDH reconnaissant un droit à un environnement sain, la jurisprudence de la Cour EDH a fait émerger un droit à un environnement au sein de la protection classique des droits de l’homme453. Le principe appliqué par la Cour EDH est qu’elle refuse de « garantir un droit qui n’a pas été inséré au départ »454 dans le texte de la Convention. Néanmoins, lorsque le juge exprime sa volonté d’être le « ministre du sens»455 et en même temps, se sert de son pouvoir d’interprétation « consubstantiel à l’activité juridictionnelle »456, le principe supporte des atténuations et la valeur environnementale ne peut échapper « à l’empire de la CEDH »457. À l’époque, c’est la Commission EDH, organe supprimé par le

453 R. DESGAGNÉ, « Integrating Environmental Values into the European Convention on Human Rights », American Journal of International Law, 1995, pp. 263-294. Cf. D. GARCIA SAN JOSÉ, Environmental Protection and the European Convention on Human Rights, Strasbourg, Council of Europe Publishing, 2005, p. 26 ; D. ANTON, D. SHELTON (dir.), Environmental Protection and human rights, Cambridge University press, UK, 2011, p. 986 ; A. BOYLE, « Human Rights or Environmental Rights ? A Reassessment », Fordham Environmental Law Review, 2007, pp. 471-511; A. BOYLE, M. ANDERSON, Human Rights Approaches to Environmental Protection, Clarendon Press, Oxford, 1996, p. 313; R. HISKES, The Human Right to a Green Future : Environmental Rights and Intergenerational Justice, Cambridge University Press, Cambridge, 2009, p. 171 ; D. RYLAND, « The Evolution of Environmental Human Rights in Europe », Managerial Law, 2005, pp. 117-125; O. PEDERSEN, « The Ties that Bind: The Environment, the European Convention on Human Rights and the Rule of Law », Environmental and Planning Law Journal, 2010, pp. 571-595.

454 CEDH, Johnston et autres c. Irlande, 18 décembre 1986, Req. 9697/82, Rec. A 112, § 52.

455 F.RIGAUX, La loi des juges, Odile Jacob, Paris, 1997, p. 233.

456 Y. AGUILA, « Cinq questions sur l’interprétation constitutionnelle », RFDC, 1995, pp. 9-46.

457 M. DE SALVIA, « Principes généraux du droit de l’homme à un environnement sain, selon la Convention européenne des droits de l’homme », AIDH, 2006, Vol. I, pp. 57-69.

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Protocole n° 11458, qui vérifiait la recevabilité des requêtes. Les affaires ayant évoqué le lien entre l’homme et son environnement ont été déclarées irrecevables devant la Commission au motif de son incompétence ratione materiae. Les premières requêtes n’ont pas été basées sur une violation d’un droit garanti par la Convention, mais ont directement invoqué un droit à un environnement sain. On peut citer à cet égard, les affaires Dr. S. c. RFA459 sur les dangers des essais nucléaires sur l’homme ; X et Y c. RFA460 sur les conséquences de l’utilisation d’un marais voisin à des fins militaires et X c. Royaume-Uni461 relative aux manquements des autorités britanniques à l’obligation d’informer les parents des risques de la vaccination ayant entraîné le décès de certains enfants. Dans toutes ces affaires déclarées irrecevables, la Commission EDH a estimé qu’aucun droit à la protection de la nature ne figure comme tel, au nombre des droits et libertés garantis par la Convention. Par conséquent, pour voir leurs requêtes acceptées, les requérants devraient se prévaloir de la violation d’un droit à un environnement sain tiré d’une violation d’un des droits garantis par la CEDH.

Deux méthodes témoignent de la dynamique de la Cour EDH dans la reconnaissance d’un droit à un environnement sain. Il y a d’abord la protection du droit en cause « par ricochet »462. Cette technique se définit comme permettant « d’étendre le champ d’application de la Convention à des situations non expressément visées par celle-ci et de contourner l’incompatibilité ratione materiae d’une requête avec l’instrument conventionnel. La protection par ricochet vient combler les lacunes du texte en faisant émerger des droits que l’on peut qualifier de dérivés non garantis comme tels par la Convention »463. Ensuite, l’interprétation évolutive, « large et

458 Protocole n° 11 portant restructuration du mécanisme de contrôle établi par la Convention, Strasbourg, 11.V.1994, Série des Traités européens n° 155.

459 Commission EDH, Dr. S. c. République Fédérale d’Allemagne, 5 août 1960, Req. 715/60, non publiée. En l’occurrence, le requérant un médecin de nationalité allemande s’efforçait par la parole et l’écrit d’attirer l’attention des particuliers et des organismes sur les dangers que présentaient pour l’homme les essais nucléaires, l’installation de rampes de lancement pour armes atomiques tactiques. Il demandait qu’il soit interdit à l’Allemagne de déverser les déchets et d’arrêter le réarmement atomique en général.

460 Commission EDH, X et Y c. République Fédérale d’Allemagne, 13 mai 1976, Req. 7407/76, non publiée. Dans l’affaire, deux requérantes, faisant partie d’une association de protection de l’environnement, se plaignaient du fait qu’une partie d’un marais voisin à leur terrain était utilisé à des fins militaires.

461 Commission EDH, X. c. Royaume-Uni, 12 juillet 1978, Req. 7154/75, non publiée. Il s’agit d’une association regroupant des parents dont les enfants avaient subi des dommages graves ou étaient décédés à la suite de vaccinations, alléguait que les autorités britanniques avaient organisé des campagnes de vaccination sans informer les parents des risques que celles-ci comportaient.

462 J. F. RENUCCI, Introduction to the European Convention on Human Rights The rights guaranteed and the protection mechanism, Council of Europe Publishing, 2005, p. 119. Cf. M. DEJEANT-PONS, « Le droit de l’homme à l’environnement et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », in Liber amicorum Marc-André EISSEN, Bruylant, Bruxelles, 1995, pp. 79-115.

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extensive »464 des droits déjà garantis par la Convention, qui a permis « à l’environnement de se faire une place au cœur d’une jurisprudence européenne »465. Pourtant, une série de questionnements surgissent à ce sujet. Le juge de la Cour EDH a-t-il exploité toutes les pistes éventuelles afin d’« associer […] la Convention européenne des droits de l’homme à […] la protection de l’environnement ? »466. Est-il possible de réaliser une « existence propre »467 de l’environnement au sein de la jurisprudence de la Cour EDH ? Quelles sont les potentialités des droits déjà garantis par la Convention dans leur mission constructive d’un droit européen à l’environnement ? Certaines réponses à ces interrogations peuvent être développées en deux temps. On pourra constater une certaine forme de reconnaissance du droit à un environnement sain, d’une part, par le biais des droits substantiels (§ 1) et d’autre part, par celui des droits procéduraux de la CEDH (§ 2).

§ 1. La reconnaissance d’un droit à un environnement sain via certains droits substantiels

Certains droits substantiels « se sont solidement épanouis avec l'écologie »468. La reconnaissance d’un droit de l’homme à l’environnement s’est ainsi réalisée à travers le droit au respect de la vie privée et familiale (A), le droit à la vie (B) et le droit au respect des biens (C). Par ailleurs certaines possibilités de reconnaissance d’un droit à l’environnement via

d’autres droits substantiels (D) sont aussi envisageables.

A. Le droit à l’environnement fécondé par le droit au respect de la vie privée et familiale

L’actualisation des notions constitutives de l’article 8 notamment la vie privée et familiale et le domicile469 dans le domaine de l’environnement traduit le dynamisme de la Cour EDH qui s’est

464 M. MELCHIOR, « Notions "vagues" ou "indéterminées" et "lacunes" dans la Convention européenne des droits de l’homme », in Mélanges de WARDIA, Carl Heymanns Verlag, Cologne, 1988, pp. 411-419.

465 J.-P. MARGUÉNAUD, « Inventaire raisonné des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme relatifs à l’environnement », REDE, 1998, pp. 5-20.

466 M. DE SALVIA, « Droits et devoirs en matière d’environnement selon la Convention européenne des droits de l’homme », Bulletin des droits de l’homme, 1997, pp. 81-91.

467 F. SUDRE, « Le droit à un environnement sain et le droit au respect de la vie privée », AIDH, Vol. I, 2006, pp. 201-217.

468 M. GHEZALI, « Les nouveaux droits fondamentaux de l’homme », in Vers un nouveau droit de l’environnement ?, CIDCE, Limoges, 2003, pp. 85-116.

469 Sur ces deux notions, cf. T.G. AROSTEGUI,« Defining Private Life under the European Convention on Human Rights by Referring to Reasonable Expectations », California Western ILJ, 2005, pp. 153-202.

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inscrite dans une jurisprudence écologique. La reconnaissance d’un droit à un environnement sain s’est concrétisée par l’élargissement du champ d’application de l’article 8 par l’intermédiaire d’une extension des notions de vie privée et de domicile (1) ainsi que de la nature et la portée de l’atteinte (2).

1. La fécondation via l’extension des notions de vie privée et de domicile

C’est par la très « malléable notion de la vie privée »470, que la Cour EDH a élargi le champ d’application de l’article 8 disposant que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». De prime abord, il est important de remarquer que la Cour EDH distingue rarement, voire difficilement, le respect de la vie privée et familiale et le respect du domicile dans le domaine de l’environnement. L’utilisation de ces notions manque de rigueur conceptuelle471. Les deux sphères sont tellement proches que l’identification des deux droits porte à confusion. À titre d’exemple, les nuisances extérieures qui pénètrent à l’intérieur du domicile et deviennent une menace pour la sphère de l’intimité de l’individu, touchent en conséquence la vie privée et familiale.

Selon la Cour EDH, le concept de vie privée ne peut faire l’objet d’une « définition exhaustive »472. Le droit à un environnement sain est non seulement le droit à une vie privée saine et de qualité mais également le droit à un domicile propre. En effet, c’est par le biais de la reconnaissance d’un droit à l’environnement que le droit au respect du domicile a connu une « définition inédite »473. L’arrêt Moreno Gomeza apporté une vision très progressiste du respect du domicile. Selon la Cour, le domicile est « conçu non seulement comme le droit à un simple espace physique mais aussi comme celui à la jouissance, en toute tranquillité, dudit espace. Des atteintes au droit au respect du domicile ne visent pas seulement les atteintes matérielles ou corporelles, telles que l’entrée dans le domicile d’une personne non autorisée, mais aussi les

470 F. SUDRE, « La protection du droit à l’environnement par la Convention européenne des droits de l’homme », in La Communauté européenne et l’environnement, La Documentation française, Paris, 1997, pp. 212-213. Cf. F. SUDRE, « Les aléas de la notion de vie privée dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », Mélanges en l’honneur de Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1999, pp. 687-705.

471 J. BODART, « La protection de l’environnement par le biais du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile », Amén-Env., 2003, pp. 211-238.

472 CEDH, Pretty c. Royaume-Uni, 29 avril 2002, Req. 2346/02, Rec. 2002-III, § 61.

473 J.-P. MARGUÉNAUD, « De l’identité à l’épanouissement : l’environnement sain », in F. SUDRE (dir.), Le droit au respect de la vie privée au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, Bruylant-Némésis, Bruxelles, 2005, pp. 217-230.

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atteintes immatérielles ou incorporelles, telles que les bruits, les émissions, les odeurs et autres ingérences. Si les atteintes sont graves, elles peuvent priver une personne de son droit au respect du domicile parce qu’elles l’empêchent de jouir de son domicile »474.

L’extension du champ d’application du droit à la protection du domicile aux atteintes immatérielles s’est affirmée dans une série d’affaires adoptant la même ligne interprétative que l’arrêt Moreno Gomez. À ce titre, on peut citer l’arrêt Deés c. Hongrierelatif à l’augmentation du bruit, liée à l’intensification du trafic routier. Le requérant s’est plaint que la mise en place d’un péage non loin de son domicile avait amené les camions à passer devant chez lui précisément pour éviter ce péage475. Malgré les efforts fournis par le gouvernement hongrois, la Cour EDH a condamné la Hongrie, puisque le requérant n’a pas pu jouir paisiblement de son domicile476. La chose remarquable est que la protection du droit à l’environnement par le biais du droit au domicile est, dans quelques affaires, le résultat d’un trouble de voisinage. Dans l’affaire Apanasewicz, la requérante a été « directement affectée par les nuisances engendrées par l’activité de son voisin, en particulier par le bruit lié à l’exploitation de son usine »477.

Dans d’autres situations, « l’espace de vie »478 du requérant est représenté par la cellule où il purge sa peine de prison. Le juge de la Cour EDH a montré dans l’affaire Brandûse c. Roumanie

que son appréhension du droit au respect du domicile ne s’arrête pas aux bruits ou nuisances causés par une liaison de voisinage mais peut s’appliquer dans des situations plus particulières. Le requérant, détenu dans la prison d’Arad en Roumanie, a allégué la violation de l’article 8, car il a été obligé de respirer un air vicié et pestilentiel, et soumis à un risque réel ; il a été susceptible d’attraper des maladies du fait de la proximité de la prison d’Arad d’une ancienne décharge d’ordures479. La Cour EDH considère que la qualité de vie et le bien-être de l’intéressé « ont été affectés d’une manière qui a nui à sa vie privée et qui n’était pas une simple

474 CEDH, Moreno Gomez c. Espagne, 16 novembre 2004, Req. 4143/02, Rec. 2004-X, § 53. Cf. J.J. PARADISSIS, « Noise Nuisance and the Right to Respect for Private and Family Life: the Moreno Gómez case », JPEL, 2005, pp. 584-594 ; Obs. J.A. TIETZMANN ESILVA, « L’étendue du verdissement de la jurisprudence de la CEDH par l’arrêt Moreno Gomez », REDE, 2006, pp. 319-321.

475 CEDH, Deés c. Hongrie, 9 novembre 2010, Req. 2345/06, non publié, § 15.

476 CEDH, Deés c. Hongrie, préc., § 24: « In these circumstances, the Court considers that there existed a direct and serious nuisance which affected the street in which the applicant lives and prevented him from enjoying his home in the material period. It finds that the respondent State has failed to discharge its positive obligation to guarantee the applicant's right to respect for his home and private life ».

477 CEDH, Apanasewicz c. Pologne, 3 août 2011, Req. 6854/07, non publié, § 96.

478 CEDH, Brandûse c. Roumanie, 7 avril 2009, Req. 6586/03, non publié, § 64.

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conséquence du régime privatif de liberté480. Elle s’est essentiellement basée sur « le niveau très élevé de pollution de l’air dans le périmètre de la décharge d’ordures »481.

L’atteinte à la protection du domicile ou bien à la protection de la vie privée et familiale doit porter nécessairement sur une sphère privée. La Cour EDH a été explicite sur ce point : « ni l’article 8, ni aucun autre article de la Convention ne garantit spécifiquement une protection générale de l’environnement en tant que tel […]. L’élément crucial qui permet de déterminer si, dans certaines circonstances d’une affaire, des atteintes graves à l’environnement ont emporté violation de l’un des droits sauvegardés par le § 1 de l’article 8 est l’existence d’un effet néfaste sur la sphère privée ou familiale d’une personne et non seulement la dégradation générale de l’environnement »482. Sur la sphère de protection environnementale, M. Chris Miller considère que « environmental rights in the convention are only "environmental" in a narrow sense »483. Limiter les atteintes environnementales aux atteintes de la sphère privée peut priver les associations de protection de l’environnement de voir leur requête recevable devant la Cour EDH, puisqu’elles ne vont pas évoquer un droit à la protection de leur vie privée et familiale mais la protection de l’environnement en général484.

2. La fécondation via la nature et la portée des atteintes à la vie privée et au domicile

Avant même que la Cour EDH développe sa jurisprudence dans le domaine de l’environnement sur la base de l’article 8, la Commission EDH a eu l’occasion de se prononcer sur l’applicabilité du droit à la vie privée dans des affaires mettant en cause le bruit des avions provenant des aéroports situés à proximité du domicile des requérants485 ou bien des nuisances causées par

480 CEDH, Brandûse c. Roumanie, préc., § 67.

481 CEDH, Brandûse c. Roumanie, préc., § 66.

482 CEDH, Kyrtatos c. Grèce, 22 mai 2003, Req. 41666/98, Rec. 2003-VI, § 52. Consulter les observations de Y. WINIDOERFFER, RJE, 2004, pp. 176-179.

483 Ch. MILLER, « Environmental Rights in a Welfare State ? A Comment on De Merieux », Oxford Journal of Legal Studies, 2003, pp. 111-125. Cf. aussi T. DESCH, « The Concept and Dimension of the Right to Life (As Defined in International Standards and in International and Comparative Jurisprudence) », Austrian Journal of Public and International Law, 1985, pp. 77-118.

484 Le recours des ONG à la Cour EDH sera étudié dans la Partie II, Titre I, Chapitre II.

485 Il s’agit des affaires Arrondelle(Commission EDH, Arrondelle c. Royaume-Uni, 15 juillet 1980, Req. 7889/77, DR 19) et Frederick William Baggs c. Royaume-Uni(Commission EDH, Frederick William Baggs c. Royaume-Uni, 19 janvier 1985, Req. 9310/81, non publiée). Dans la première, la requérante propriétaire d’une maison située près de l’aéroport de Gatwick s’est plainte des conditions de vie particulièrement pénibles affectant sa santé. La Commission a estimé que les autorités publiques ont été responsables des nuisances, même si elles n’ont pas été à leur origine. Ceci ne les a pas exonérées de leur responsabilité,

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des champs de tirs proches de leur maison486. Compte tenu de la diversité des atteintes à l’environnement, le contenu variable de la notion de vie privée et familiale487 a été appliqué dans plusieurs cas d’atteintes « immatérielles ou incorporelles »488. Font partie de cette catégorie les pollutions sonores489, notamment le bruit des avions490.

Dans l’arrêt Powell et Rayner, les requérants ont invoqué le bruit des avions de l’aéroport d’Heathrow ayant diminué leur qualité de vie privée et « les agréments du foyer des deux requérants »491. L’article 8 s’applique également quand l’atteinte provient des émissions nocives d'une usine chimique492, pollutions industrielles493, bruits de voisinage494, contamination du réseau d’approvisionnement en eau495, mauvaise gestion et collecte des déchets496 et des pollutions provenant d’une station d’épuration. C’est le cas de la requérante espagnole, dans l’affaire Lopez Ostra, qui a dû déménager avec sa famille afin d’échapper aux fumées polluantes et aux odeurs pestilentielles provenant d’une station d’épuration construite à quelques mètres de son domicile et regroupant plusieurs tanneries de la ville de Lorca497.

puisque l’aéroport est géré par les autorités publiques. Quant à Frederick Baggs, il s’est plaint du bruit des avions de l’aéroport d’Heathrow, proche de sa résidence familiale. L’installation d’un double vitrage n’a pas résolu le problème de la nuisance qualifiée de « terrible » et d’« intolérable » dans des rapports d’expertise. Le requérant se plaignait d’être victime de la violation de son droit au respect de la vie privée. La Commission EDH a déclaré la requête recevable.

486 Commission EDH, George Vearncombe et autres c. RU et RFA, 18 janvier 1989, Req. 12816/87, non publiée. Le requérant s’est plaint des nuisances causées par des champs de tirs proches de leur maison. Cette fois, la Commission EDH a montré une attitude différente. Elle a estimé que les nuisances provenant des avions dans Arrondelle et Baggs ont été insupportables et ont entraîné des effets sur la santé des requérants. Or, dans l’affaire en cause, le degré de nuisance des tirs n’a pas été semblable à celui évalué par les experts dans les affaires citées ci-dessus. La requête a été donc déclarée mal fondée.

487 L. DOSWALD-BECK, « The Meaning of the Right to Respect for Private Life under the European Convention on Human Rights », Human Rights Journal Law, 1983, pp. 283-309.

488 CEDH, Flamenbaum et autres c. France, 13 décembre 2012, Req. 3675/04, 23264/04, non publié, § 133.

489 S. PRADUROUX, « The European Convention on Human Rights and Environmental Nuisances », European Review of Private Law, 2008, pp. 269-281.

490 D. RYLAND,« Aircraft noise versus respect for home and private life », in D. RYLAND (dir.), A book of international legal essays in honour of Professor Jo Carby-Hall: an era of human rights, Barmarick, Patrington, 2006, pp. 407-446.

491 CEDH, Powell et Rayner, 21 février 1990, Req. 9310/81, Rec. A 172, § 40. Voir les observations de J. FLAUSS, « Le droit à un recours effectif contre les nuisances d’un aéroport », RTDH, 1991, pp. 241-260 ; D. GARCÍA SAN JOSÉ, « Ruido nocturno y insomnio: los derechos a la vida privada y familiar y al respeto del domicilio frente al interés general de los vuelos de aviones durante la noche », Revista Española de Derecho Constitucional, 2002, pp. 239-260 ; D. HART,M.WHEELER, « Night flights and Strasbourg’s retreat from environmental human rights: case law analysis », JEL, 2003, pp. 16-100.

492 CEDH, Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, Req. 14967/89, Rec. 1998-I, § 60.

493 CEDH, Taşkın c. Turquie, 16 novembre 2004, Req. 46117/99, Rec. 2004-X.

494 CEDH, Moreno Gomez c. Espagne, préc.

495 CEDH, Dzemyuk c. Ukraine, 4 septembre 2014, Req. 42488/02, non publié.

496 CEDH, Di Sarno et autres c. Italie, 10 janvier 2012, Req. 30765/08, non publié.