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La reconnaissance des protéines d’avirulence par les protéines de résistance

2 Les réponses des plantes aux agents pathogènes

2.4 Les effecteurs sécrétés par les agents pathogènes

2.5.3 La reconnaissance des protéines d’avirulence par les protéines de résistance

son domaine WRKY à l’ADN (Deslandes et al., 2002) suite à son adressage au noyau permis par la présence d’un motif NLS.

Les gènes de résistance peuvent également coder pour des protéines transmembranaires, possédant un domaine LRR extracellulaire (eLRR), permettant la reconnaissance de protéines d’avirulence apoplastiques (Figure 12). La structure C-terminale de ces récepteurs peut varier, avec la présence de domaine kinase, de domaine CC, ou plus rarement de domaine PEST (Pro-Glu-Ser-Thr). Ve1 et Ve2 sont des LRR extracellulaires (eLRR-RLP) qui contiennent un domaine PEST, qui serait responsable de l’internalisation ou de l’ubiquitinisation du récepteur suite à la reconnaissance de la protéine d’avirulence (Kawchuk et al., 2001). Les récepteurs de type receptor-like-kinase (RLK) sont également un type de protéine de résistance transmembranaire, dont la protéine de résistance I3, permettant la résistance de la tomate à Fusarium oxysporum constitue un exemple (Catanzariti et al., 2015).

Toutefois, certains gènes de résistance identifiés ne présentent pas de structure particulière (Figure 12). Le gène de résistance Hm1 présente par exemple l’originalité de coder pour une toxine réductase qui dégrade une toxine sécrétée par le champignon Coccliobolus carbonum et essentielle à sa pathogénie sur maïs (Johal & Briggs, 1992). La protéine Pto est quant à elle une protéine kinase identifiée chez la tomate et conférant la résistance à P. syringea suite à la reconnaissance de la protéine AvrPto (Martin et al., 1993).

2.5.3 La reconnaissance des protéines d’avirulence par les protéines de résistance

La relation « gène-pour-gène » suppose une reconnaissance spécifique entre une protéine d’avirulence et sa protéine de résistance associée. Une interaction physique entre ces deux protéines avait donc été initialement postulée, d’après le modèle « ligand-récepteur » (Keen, 1982). L’identification d’interactions directes entre divers couples de protéines Avr/R a permis de valider ce modèle chez plusieurs pathosystèmes.

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Figure 13: Les modèles de reconnaissance entre protéine d’avirulence et protéine de résistance.

Adapté de Lu & Desveaux (2013)

No impact on virulence

43 Une interaction directe a notamment été montrée entre la protéine de résistance du riz Pi-ta et la protéine d’avirulence de M. oryzea AvrPita par la méthode du double hybride mais aussi in planta (Jia et al., 2000). L’interaction directe entre les protéines Avr/R a également été identifiée entre les protéines AvrM et M ou AvrL567 et les protéines L5 et L6 dans le cas de la rouille du lin (Catanzariti et al., 2010; Ravensdale et al., 2012) ou entre les protéines PopP2 de R. solanacearum et RSS1-R d’A. thaliana (Deslandes et al., 2003).

Cependant, dans de nombreux cas, il a été impossible démontrer une interaction physique entre les protéines d’avirulence et de résistance, notamment entre les protéines Pto et Prf chez la tomate et la protéine d’avirulence AvrPto de P. syringea. Cela a fait émerger l’hypothèse de l’existence d'un second mécanisme d’interaction, appelé modèle de garde et permettant la reconnaissance indirecte de la protéine d’avirulence (Van Der Biezen & Jones, 1998). Le modèle de garde propose que les protéines de résistance perçoivent les perturbations cellulaires induites par la modification de la cible végétale suite à son interaction avec l’effecteur (Figure 13). Chez A. thaliana, la protéine RIN4 (RPM1-Interacting-Protein-4) est un exemple de protéine de garde qui a été largement étudié. Ce régulateur négatif de la PTI est ciblé par les effecteurs AvrRpm1, AvrPt2, AvrB, AvrPto et HopF2 de P. syringae (Mackey et al., 2002; Axtell & Staskawicz, 2003; Wilton et al., 2010; Deslandes & Rivas, 2012). La protéine RPM1 induit les mécanismes de défense suite à la perception de la phosphorylation de RIN4 par les effecteurs AvrB et AvrRPM1. De façon similaire, le clivage de RIN4 par la protéine AvrPt2 active l’ETI par le biais de la protéine de résistance RPS2 (Figure 14).

Le génome d’A. thaliana compte environ 150 NBS-LRR prédites (Dangl & Jones, 2001). Ce faible nombre de récepteurs suggère l’importance du modèle de garde dans la reconnaissance des effecteurs. En effet, le modèle « récepteur-ligand » implique l’évolution d’un grand nombre de récepteurs chez la plante hôte pour être capable de reconnaitre spécifiquement chacun des effecteurs sécrétés par un agent pathogène lors de l’infection. Or, le nombre d’agents pathogènes capables d’infecter une espèce donnée peut être très important, augmentant encore le nombre de gènes de résistance nécessaires à l’immunité. Le modèle de garde, en permettant l’activation des mécanismes de défense suite à la surveillance d’une seule cible potentiellement visée par plusieurs effecteurs est donc une

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Figure 14: Evolution des résistances RPM1 et RPS2 chez Arabidopsis thaliana.

A. RIN4 a un régulateur négatif de la PTI, par son mimétisme d’un médiateur du signal de la PTI. B. La

réponse de la PTI est amplifiée en l’absence de RIN4. C. Dans le cas d’une surexpression de RIN4, la réponse de la PTI est réduite. D. Les effecteurs AvrRpm1 et AvrPt2 inhibent la PTI en ciblant ses régulateurs. RIN4 interagit avec AvrRpm1 et AvrRpt2 en jouant le rôle de « leurre ». L’ETI est déclenchée suite à la reconnaissance des modifications de RIN4 induites par AvrRPM1 et AvrPt2 par les protéines de résistance RPM1 et RPS2.

45 stratégie plus « économe » pour les plantes. Toutefois, il implique que la protéine « gardée » soit la cible intrinsèque de l’effecteur. Or, la manipulation de ces cibles ne constitue pas toujours un gain de pathogénie pour les agents pathogènes. Par exemple, l’effecteur Avr2, sécrété par le champignon C. fulvum lors de l’infection de la tomate, interagit avec la protéase RCR3 de la plante. Cette interaction est perçue par la protéine Cf-2, ce qui a pour effet d’induire une RH. Cependant, bien que l’effet d’Avr2 dans la pathogénie ait été démontré, l’absence de la protéine RCR3 n’entraine pas de diminution du pouvoir pathogène du champignon (Dixon et al., 2000; Esse et al., 2008).

En 2008, Van der Hoorn et Kamoun ont proposé le modèle du « Decoy » (ou leurre) en complément du modèle de garde. Ils ont postulé que dans la majorité des cas, la protéine « gardée » ne serait pas la cible de l’effecteur et son interaction avec l’effecteur n’entrainerait donc pas de gain dans le pouvoir pathogène (Figure 13). La protéine leurre, par mimétisme avec la vraie cible, permettrait de « piéger » l’effecteur en entrant en compétition avec sa cible de virulence. Le modèle du Decoy permet également une explication quant à l’évolution des gènes codant pour les protéines de garde. En effet, dans le cadre du modèle de garde, ces gènes sont soumis à deux pressions de sélection antagonistes, conduisant à un système instable. D’une part, en l’absence de la protéine de résistance, la reconnaissance d’un effecteur par la protéine de garde ne confère plus d’avantage sélectif à la plante hôte et l’évolution naturelle des gènes tend à une perte progressive d’affinité entre l’effecteur et la protéine de garde. D’autre part, la présence du gène de résistance implique un renforcement de la spécificité de la protéine de garde pour l’effecteur. Il est proposé que les protéines leurre auraient évolué par duplication de gènes codant pour les cibles d’effecteur ou de manière indépendante, spécialisée dans la reconnaissance des agents pathogènes (van der Hoorn & Kamoun, 2008).

La reconnaissance d’un effecteur peut également se faire suite à sa liaison avec un promoteur de gène de résistance. Dans le cas de la protéine d’avirulence TAL AvrBs3, de X. campestris, le promoteur du gène de résistance Bs3 est spécifique du domaine de liaison à l’ADN de cet effecteur et constitue un exemple original de leurre (Römer et al., 2007).

46 2.5.4 Les réponses de défense induites par l’ETI

La reconnaissance des protéines d’avirulence par les protéines de résistances conduit à une RH au niveau du point d’infection, inhibant totalement le développement des agents pathogènes. La mise en place de la RH implique des voies de signalisation similaires à celles induites par la PTI, mais des différences quantitatives sont observées dans le niveau des réponses de défense (Cui et al., 2015). L’ETI active en effet les mécanismes de défense de manière plus soutenue et prolongée que la PTI (Tsuda & Katagiri, 2010).