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3. ENTENTES INTERNATIONALES, MIGRATIONS ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

3.1 Reconnaissance des faits par la communauté internationale

Avant tout, pour parvenir à mettre en place une gestion durable en matière de gestion des migrations environnementales, les États et le reste de la communauté internationale doivent d’abord reconnaître la réalité du phénomène et les faits. De cette façon, cela permettra d’instaurer et d’enraciner au bon endroit les bases des mécanismes qui permettent d’y arriver. Souvent, cette reconnaissance est explicitée à travers des écrits internationaux tels que les traités, les conventions et d’autres types d’ententes. Ainsi, par le passé et surtout récemment, des références aux migrations environnementales ont été faites dans certains textes- cadres d’ententes internationales, mais souvent dans des ententes ne visant pas spécifiquement le sujet des migrations environnementales. En fait, il n’existe pas d’ententes, de traités ou d’autres écrits contraignants aujourd’hui qui visent spécifiquement à répondre à la problématique de la mobilité induite par des facteurs environnementaux. La plupart des textes ne font généralement que des mentions aux migrations comme étant une conséquence des changements climatiques, celles-ci étant alors considérées comme une mesure d’adaptation, mais chacun dans son domaine d’intérêt. (McLeman, Opatowski, et al., 2016)

À ce titre, sur la question de la reconnaissance du phénomène, les chercheurs et auteurs du tout premier rapport sur les impacts des changements climatiques publié par l’IPCC en 1990 (référence scientifique des Nations Unies en matière de changements climatiques) admettaient déjà que les effets les plus dramatiques de l’évolution du climat concerneraient sans doute la migration humaine (IPCC, 1990). Aux vues des tendances démontrées au chapitre précédent en matière d’émissions de GES, de réchauffement climatique et d’augmentation des phénomènes migratoire, cette hypothèse, pourtant vieille de 28 ans, mais alors déjà bien fondée, est bel et bien en cours de réalisation et n’est donc pas qu’une banale prophétie. Les migrations

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liées à des événements environnementaux soudains ou progressifs s’accroissent de façon évidente. Outre cela, un lien entre les dégradations environnementales, les migrations, mais aussi au DD est ensuite apparue dans le préambule la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) signée en 1994 et entrée en vigueur en 1996 (Vlassopoulos, 2012). Il y est ainsi écrit que :

« […] la désertification et la sécheresse compromettent le développement durable en raison de la corrélation qui existe entre ces phénomènes et d’importants problèmes sociaux comme la pauvreté, une mauvaise situation sanitaire et nutritionnelle et l’insécurité alimentaire, ainsi que ceux qui découlent des migrations, des déplacements de populations et de la dynamique démographique, […] » (Secrétariat de la CNULCD, 1994)

D’abord, il est à noter que ce cadre international est le seul visant à faire face au problème de la désertification et qui soit juridiquement contraignant. De plus, à part expliciter l’existence d’un lien entre migration et environnement, ce texte ne comporte pas de mesures ou d’actions spécifiques visant le sujet des migrations et que les États devraient mettre en place. Puis, les experts de l’IPCC en sont aujourd’hui rendus à leur cinquième rapport sur le sujet (AR5) et n’ont pas changé de discours. Au contraire, dans cette publication de 2014, il y est bien écrit que la migration peut être une stratégie d’adaptation efficace en réponse aux phénomènes météorologiques extrêmes et aux changements climatiques, mais que ceci nécessitera d’abord des changements dans les modèles actuels de migration. Les spécialistes ajoutent de surcroît qu’un élargissement des possibilités de mobilité pourrait contribuer à réduire la vulnérabilité des populations exposées aux phénomènes météorologiques extrêmes dont le risque de déplacement augmente en raison du manque de ressources pour la migration planifiée. (IPCC, 2014)Mais encore, le discours des Nations Unies aujourd’hui en la matière est aussi relativement clair. Rappelons avant tout que les Nations Unies sont le regroupement des pays (193 États membres depuis 2011) et donc qu’en affirmant une telle chose, les pays qui y siègent sont censés être en accord. L’Organisation reconnaît ainsi que la migration environnementale est un phénomène à réalité pluridimensionnelle et qui appelle alors à des réponses cohérentes et globales, car elles influent grandement sur le développement des pays d’origine, de transit et de destination. (Nations Unies, 2016a) Les États membres reconnaissent textuellement dans la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants que « […] la pauvreté, le sous-développement, l’absence de débouchés, la mauvaise gouvernance et les facteurs environnementaux comptent parmi les causes des migrations. » (Nations Unies, 2016a) Pour Gemenne et al. (2012), alors que la reconnaissance scientifique du phénomène s’est intensifiée plus rapidement et quelque peu seule de son côté dans les dernières décades, cette reconnaissance par la communauté internationale alors plus tardive, comme vu au chapitre 1, a toutefois permis des développements politiques importants sur la scène internationale récente. Vlassopoulos (2016) pointe quant à elle vers le fait que la communauté internationale a déjà reconnu à plusieurs reprises

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que, compte tenu des différences historiques dans le volume des émissions de GES des pays développés, ces derniers sont considérés comme responsables du problème et doivent en assumer la plupart des coûts d’atténuation et d’adaptation. La migration, étant alors bien reconnue comme une mesure d’adaptation, s’y trouve alors incluse (réponse d’adaptation). Au travers des récentes décades, la reconnaissance graduelle et officielle des faits ainsi que sur l’importance d’agir par les acteurs de la scène internationale s’est alors traduite en textes, ententes et accords. (Vlassopoulos, 2016; Nations Unies, 1992)