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Reconnaissance allogénique et rejets d’allogreffe

Partie 2 - Immunologie Appliquee : La Transplantation Rénale

2 Reconnaissance allogénique et rejets d’allogreffe

La réponse du système immunitaire du receveur vis-à-vis d’un organe transplanté se produit en trois phases successives :

- la phase de reconnaissance des alloantigènes de l’organe transplanté, - la phase d’activation lymphocytaire,

En l’absence d’immunosuppression, les LT effecteurs spécifiques des alloantigènes vont infiltrer massivement le greffon et aboutir irrémédiablement au rejet et à la perte de celui-ci (Halloran 2004).

La Figure 15 ci-dessous illustre la reconnaissance allogénique et la réponse immune développée vis-à-vis d’un organe transplanté.

Figure 15 : Alloreconnaissance d’un greffon rénal par le système immunitaire du receveur conduisant à l’élaboration d’une réponse T effectrice allo-immune (d’après (Halloran 2004))

La reconnaissance allogénique du greffon intervient dès l’acte chirurgical de transplantation et implique trois modes de reconnaissance (S. Jiang, Herrera, et Lechler 2004).

2.1 Le mode de reconnaissance direct

Les LT du receveur reconnaissent les alloantigènes présentés par les CPA du donneur. Initialement contenues dans l’organe transplanté, les CPA du donneur migrent dans les ganglions lymphatiques du receveur et sont responsables d’une reconnaissance directe des molécules du CMH allogénique. Ce mode de reconnaissance lymphocytaire implique donc une présentation antigénique du complexe [CMH allogénique – peptide allogénique] par les CPA du donneur. L’activation des LT du receveur par un CMH totalement étranger est rendu possible par un mécanisme de mimétisme moléculaire. Le CMH allogénique a la capacité de mimer la structure tridimensionnelle des complexes « CMH du soi – peptide étranger », le peptide intervenant peu dans la reconnaissance allogénique (Macdonald et al. 2009; Sherman et Chattopadhyay 1993). Ainsi, la plupart des CMH allogéniques présents sur les CPA du donneur sont capables de stimuler les LT du receveur, l’avidité des TCR pour ces CMH étant extrêmement forte. On estime qu’entre 2 et 10% des LT totaux d’un individu sont capables de reconnaître directement un CMH allogénique, expliquant l’intensité de la réponse immune dirigée contre l’organe transplanté (Lindahl et Wilson 1977; Whitelegg et al. 2005).

2.2 Le mode de reconnaissance indirect

Les LT du receveur reconnaissent des peptides issus d’alloantigènes du greffon et présentés par les CPA du receveur. Ce mode de reconnaissance lymphocytaire implique ici une présentation antigénique de type [CMH du receveur – peptide allogénique du donneur]. Les CPA du receveur colonisent le greffon et captent des alloantigènes provenant des cellules épithéliales de l’organe transplanté. Dans un modèle murin de transplantation cardiaque, cette présentation antigénique était capable d’induire une

réponse lymphocytaire allogénique responsable d’un rejet du greffon cardiaque (Honjo, Xu, et Bucy 2004).

2.3 Le mode de reconnaissance semi-directe

Récemment découvert, ce mode implique l’acquisition par les CPA du receveur de complexes CMH allogéniques provenant du donneur, tout en assurant également une présentation antigénique indirecte. Ainsi, une même CPA du receveur est capable de présenter à la fois les complexes [CMH allogénique du donneur – peptide allogénique du donneur] et les complexes [CMH autologue du receveur – peptide allogénique du donneur] (Herrera et al. 2004; Smyth et al. 2006).

Durant les trois premiers mois de la transplantation, la reconnaissance allogénique est initialement de type direct. Avec la décroissance des CPA issues du donneur, la reconnaissance allogénique se fait ensuite préférentiellement selon les modes indirect et semi-direct (Baker et al. 2001).

La Figure 16 ci-dessous illustre les différents modes impliqués dans l’initiation de la réponse immune allogénique au cours du temps.

Figure 16 : Modes de reconnaissance allogénique impliqués dans l’initiation de la réponse immune du receveur contre l’organe transplanté (d’après (S. Jiang,

2.4 Rejets d’allogreffe

Différent types de rejet d’allogreffe ont été décrits en fonction de critères cinétiques, anatomopathologiques et des mécanismes immunitaires sous-jacents (Solez et Racusen 2013; Cornell, Smith, et Colvin 2008).

Le rejet hyper-aigu se manifeste dans les premières heures suivant la transplantation. Induit par la présence d’anticorps naturels préformés chez le receveur (tels que les anticorps anti-groupe sanguin ABO) ou lors d’une immunisation antérieure vis-à-vis du donneur, la fixation de ces anticorps sur l’endothélium vasculaire du greffon va activer la voie classique du complément et aboutir à la formation du complexe d’attaque membranaire, entrainant la destruction massive de l’organe transplanté. Dans le cadre des transplantations rénales, ce type de rejet est extrêmement rare du fait du strict respect de la compatibilité ABO et de l’évaluation de la compatibilité immunologique entre le donneur et le receveur comme étape préalable indispensable à la réalisation de la transplantation (Montgomery et al. 2011).

Le rejet aigu cellulaire se manifeste classiquement dans la première année post-greffe. Il est la conséquence de l’initiation de la réponse cellulaire T par une reconnaissance allogénique directe aboutissant à une activation lymphocytaire intense et rapide de type polyclonale. Grâce aux protocoles d’immunosuppression actuellement utilisés, ce type de rejet est relativement bien maitrisé, son impact sur la fonction du greffon étant faible (survie à 1 an à près de 95%). Son risque de survenu s’est stabilisé à près de 15% dans la population des patients transplantés rénaux (Kidney Disease: Improving Global Outcomes (KDIGO) Transplant Work Group 2009). Contrairement au rejet cellulaire, le rejet de type humoral, médié par les lymphocytes B, est de moins bon pronostic et représente un vrai challenge thérapeutique, les agents thérapeutiques utilisés ne permettant pas d’éliminer les allo-anticorps spécifiquement dirigés contre l’organe transplanté (Legendre et al. 2014).

Le rejet chronique se manifeste classiquement au-delà de la première année post-greffe. Il est responsable d’une fibrose accélérée avec perte précoce des greffons. Les mécanismes mis en jeu sont encore incertains. Ils pourraient impliquer à la fois des

mécanismes cellulaires et humoraux, les patients présentant des allo-anticorps spécifiques du greffon développant plus de rejet chronique (Palomar et al. 2005). Basé sur la disparition progressive des CPA du donneur, le mode de reconnaissance allogénique indirect a été initialement proposé comme un acteur majeur dans la survenue des rejets chroniques (Baker et al. 2001). Une fréquence accrue des LT capables d’alloreconnaissance indirecte a été mise en évidence sur plusieurs modèles expérimentaux puis confirmée chez des patients porteurs d’un rejet chronique d’allogreffe (Lee et al. 2001; Hornick et al. 2000; Vella et al. 1997). Cependant, la découverte récente de la reconnaissance semi-directe remet en cause l’implication exclusive du mode de reconnaissance allogénique indirect dans l’induction des rejets chroniques. Une activation lymphocytaire de type polyclonale pourrait persister tout au long de transplantation par l’intermédiaire de la reconnaissance allogénique semi-direct et participer ainsi à l’initiation d’un rejet chronique (Smyth et al. 2006).