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Reconnaître les bibliothèques comme acteurs de la laïcité, du vivre ensemble et de la prévention

6. Laïcité et fait religieux en bibliothèque publique : une question actuelle

6.9. Etre un médiateur et un acteur culturel

6.9.2. Reconnaître les bibliothèques comme acteurs de la laïcité, du vivre ensemble et de la prévention

Pourtant, les bibliothèques publiques n’ont pas été officiellement ni explicitement identifiées jusqu’à présent comme des appuis et ressources possibles dans les dispositifs d’éducation aux médias et de lutte contre la radicalisation, ni comme des espaces majeurs du vivre ensemble et de l’acceptation des autres. Les dispositifs et réflexions portées par l’Etat ne les mentionnent guère. Ainsi, elles ne sont pas citées comme ressources ni partenaires dans la Convention sur l'éducation aux medias et à l'information passée le 17 décembre 2015 entre les ministères de la culture et de la communication et l’Education nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche, visant pourtant à construire des politiques publiques en matière d’éducation et de culture

101 Céline Raux, Bibliothèques et désinformations dans l'infosphère numérique, mémoire enssib, janvier

2016, http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/65995-bibliotheques-et-desinformations- dans-l-infosphere-numerique.pdf

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en lien avec les questions de désinformation et de conspirationnisme sur le web102.Elles

sont également ignorées dans le rapport de l’Inspection générale de l’Administration de juin 2015 relatif au dialogue interreligieux et à la laïcité républicaine.103 ou dans les

différentes chartes de la laïcité évoquées en 6.3.4. Le comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté (CIEC), réuni 3 fois en 2015-2016, ni le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, adopté en première lecture le 7 juillet 2016, n’évoquent les bibliothèques publiques ; la lutte contre l’illettrisme y est cependant présente.

Mais les bibliothèques publiques elles-mêmes ne se sont pas non plus massivement positionnées comme force de proposition dans ces domaines. Elles sont certes très nombreuses à s’être engagées dans des actions d’initiation à l’utilisation des outils numériques : les propositions d’ateliers d’apprentissage de type « créer sa boîte mail », « retoucher ses photos », « bien sauvegarder », « classer ses dossiers », etc. sont très répandues. Ces ateliers rencontrent généralement un fort succès et sont très prisés, notamment, par des usagers de plus de 50 ans. Ces séances ou cycles jouent un rôle évident d’aide à la réduction de la fracture numérique en permettant à des publics nombreux de mieux comprendre et utiliser les outils courants de la société de l’information et de progresser dans leurs compétences techniques.

Cependant, les propositions de séances d’information ou formation à l’identification et à la réception critique des informations sont rares.

Pourtant, la bibliothèque pourrait constituer un service public d’appui majeur pour la prise de recul critique par rapport à la saturation et l’immédiateté des informations de toute nature, qui, pour une part, mettent en danger les contours d’une citoyenneté clairement inscrite dans une démarche de laïcité et indispensable à toute démocratie. Les bibliothèques, espaces non commerçants, accessibles sans aucune formalité à toutes les générations (scolarisées ou pas), espaces connectés pour la plupart et donc ouverts aux flux informationnels numériques, mais aussi porteuses de politiques documentaires réfléchies, d’une inscription dans la durée et d’une longue mémoire documentaire, sont pleinement et historiquement concernées par les enjeux de savoirs, de maîtrise de l’information et de citoyenneté. On pourrait donc s’attendre à ce que les bibliothécaires s’engagent dans des actions et des partenariats notamment dans le domaine de l’éducation aux medias, en direction d’enfants, de jeunes et d’adultes.

Une sollicitation plus explicite de la part des pouvoirs publics – Etat, collectivités locales…- quant au rôle des bibliothèques publiques dans cette démarche, favoriserait la mise en œuvre de partenariats entre bibliothèques et associations d’éducation populaire, sphères scolaire, sociale etc. Cette démarche impliquerait :

- la définition, au sein des bibliothèques, de politiques et de priorités en termes d’actions de médiation ou formation.

102 Communiqué de presse MENSR du 18/12/2016 : http://www.education.gouv.fr/cid96876/signature-de-la- convention-sur-l-education-aux-medias-et-a-l-information-jeudi-17-decembre-2015.html

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- les compétences et moyens nécessaires pour exercer une médiation experte et adaptée aux différents publics : des professionnels formés aux sciences de l’information doivent être capables de transmettre connaissances et compétences au sein de réseaux professionnels afin de démultiplier les actions de médiation et formation dans le cadre de partenariats avec l’éducation nationale, les associations, d’actions transversales inter-services, etc. Ce besoin pose la question de la composition des équipes : quelle place pour la nécessaire expertise disciplinaire, les sciences et la culture de l’information et les compétences pédagogiques dans les formations professionnelles des bibliothécaires ?

Dans cette perspective, le lien avec les bibliothèques universitaires pourrait être fructueux : celles-ci ont développé en direction de leurs usagers, étudiants et chercheurs, des volets de formation à la recherche et la gestion des informations. Dans les villes universitaires, des rapprochements et partenariats pourraient concerner des publics communs pour une part – les étudiants - ou appelés à le devenir – les lycéens – publics pour lesquels ce type de sensibilisation et formation est d’une importance primordiale. Cependant, les contenus de ces séances ne devraient pas être uniquement centré sur les techniques de recherche comme c’est souvent le cas, techniques au demeurant utiles, mais aussi favoriser le regard critique, le recul permettant de retenir ou rejeter une information afin de permettre « au consommateur d'information de devenir un usager averti, éclairé et actif »104.

Dans cette perspective, il ne faut pas nier les difficultés : par exemple, comment évaluer une information ou un site dans une langue inconnue des bibliothécaires, quelle réaction avoir face aux attitudes parfois provocatrices ou aux comportements de rejets lors de temps de formation ?

Sans imaginer avec candeur la bibliothèque comme la solution salvatrice susceptible de régler toutes les difficultés qui traversent la société, construire une politique de formation/sensibilisation en réseau, où la bibliothèque publique a toute sa place et peut apporter une réelle plus-value, servirait le projet d’une société composée de citoyens avertis et critiques.