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I. LE RAPPORT FINAL

8. Recommandations

Les recommandations d’ensemble que nous pouvons formuler à ce stade-ci de notre démarche de recherche et de réflexion concernent essentiellement des ajustements visant à reconnaître que :

− l’adoption s’inscrit, pour l’adopté, dans un parcours individuel qui, non seulement, le relie à sa famille adoptive et à son milieu d’accueil, mais également s’ancre dans son histoire pré-adoptive et ses appartenances familiale, ethnoculturelle et nationale d’origine ;

− l’intérêt d’un enfant adopté ne saurait être défini uniquement en fonction de sa situation immédiate au moment de son adoption car, comme l’indiquent les témoignages des

adoptés adolescents et adultes, ceux-ci continuent tout au long de leur vie de devoir assumer les impacts des différents choix qui ont été faits en leur nom à ce moment là; − les modalités actuelles de conversion en adoption plénière québécoise de toutes les

adoptions réalisées sous une autre forme à l’étranger clarifient le statut légal de l’enfant concerné, mais ne résolvent pas les questions sociopolitiques, éthiques et juridiques que soulève l’écart ainsi créé et entretenu entre notre manière de penser et de réguler l’adoption et celles qui prévalent dans les différents pays d’origine des enfants que nous accueillons où l’adoption n’entraîne pas toujours une rupture des liens familiaux, une réécriture de l’acte de naissance ou une perte de citoyenneté d’origine, par exemple; − à cet égard, les consentements obtenus à l’étranger auprès des familles d’origine

conformément à la CLH ne constituent qu’une justification très relative; ces consentements peuvent être perçus à la fois comme une simple formalité (qui ne remet pas en cause leur lien à l’enfant) et comme une obligation à laquelle se conformer pour ne pas perdre le droit de confier l’enfant en adoption internationale;

− le droit des adoptés québécois à la connaissance de leurs origines fait encore l’objet d’importantes restrictions, certaines ayant trait à la confidentialité absolue des dossiers d’adoption et au fait que les demandes de renseignements ne sont permises qu’à l’adopté et à ses père et mère, d’autres ayant trait aux pratiques concrètes de communication, de recueil et de conservation des renseignements dans les pays d’origine et par les intermédiaires dans le processus d’adoption internationale;

− les adoptions internationales par des couples homosexuels entraînent des pratiques de dissimulation, d’omission et de mensonge qui, précisément, se greffent à des modalités répandues de communication non transparente entre les adoptants, les intervenants sociaux, les organismes agréés, les autorités des pays et les familles d’origine, etc.; elles reflètent de manière très éloquente les différences profondes entre les conceptions de la filiation, de l’adoption et de la famille que notre droit véhicule et celles qui prévalent dans les sociétés d’où viennent les enfants adoptés.

Tous ces éléments de compréhension des réalités de l’adoption internationale appellent à une appréciation constamment renouvelée de nos devoirs et responsabilités à l’égard des adoptés, de leurs familles et des autorités étrangères. Dans cet esprit, nous avons formulé les recommandations générales suivantes :

1. Que nos dispositions législatives relatives à l’adoption soient revues à la lumière d’une réflexion comparative et interdisciplinaire élargie afin d’examiner la possibilité d’introduire des modalités d’adoption inclusive (sans rupture des liens de parenté d’origine) et d’adoption ouverte (contacts pré-adoption entre familles

d’origine et d’accueil; ententes concernant la poursuite de contacts après l’adoption, etc.). À cet égard, les exemples de pays d’accueil autorisant l’adoption simple (comme en France ou en Belgique) et de pays d’origine où l’adoption ne rompt pas les liens antérieurs (Haïti, Vietnam, par exemple) pourra servir de base de réflexion. Toutefois, il importe de penser des ajustements normatifs novateurs qui soient adaptés au contexte québécois actuel et, notamment, aux droits relatifs à l’union civile, au mariage et à l’adoption pour les couples homosexuels.

2. Dans la même perspective comparative et interdisciplinaire, que soit remis en question le principe de confidentialité absolue des dossiers d’adoption, l’établissement d’un nouvel acte de naissance pour les enfants adoptés et la mise sous scellé de l’acte de naissance d’origine, ainsi que la préservation de l’anonymat des parents biologiques et adoptifs.

3. Que la possibilité d’obtenir des renseignements permettant des retrouvailles entre un adopté et sa famille d’origine ne soit pas limitée à ce dernier et à ses seuls père et mère, en autant que cette ouverture ne contrevienne pas à leurs droits respectifs à la protection de leur vie privée;

4. Que l’ensemble du dispositif d’identification des personnes et, plus spécifiquement, des personnes adoptées (et d’effacement de leur identité antérieure) soit examiné en tenant compte, notamment, des règles de l’état civil et de l’assurance-maladie, des registres des baptêmes, des règlements canadiens relatifs à l’immigration et à la citoyenneté et des modalités actuelles de conservation des dossiers d’adoption, ainsi que des contradictions possibles avec les pratiques dans quelques pays d’origine des enfants adoptés, afin de mieux cerner les problèmes, les questions et les contradictions qui sont concrètement soulevées pour les personnes adoptées au cours de leur vie et d’anticiper les conséquences d’éventuelles modifications des lois sur l’adoption.

5. Que les services offerts par le SAI et les organismes avec lesquels il collabore pour les recherches d’antécédents et de retrouvailles de la part des adoptés internationaux et de leurs familles soient largement publicisés.

6. Que les modalités informelles ou «non institutionnelles» de circulation de renseignements sur les origines des adoptés internationaux soient respectées sans subir de restrictions particulières, dans la mesure où elles ne contreviennent pas aux droits des personnes et au respect de la vie privée.