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Recommandations gouvernance et acteurs

8. Recommandations

8.1 Recommandations gouvernance et acteurs

Créer un forum « territoire, énergie, numérique »

Face à la complexité de la question data center, à la rapidité de l’évolution du secteur numérique, la faible acculturation des territoires et des collectivités locales au sujet, et les perspectives de développement de data centers en France dans les années à venir, il nous semble indispensable de créer un cercle d’échanges et de discussions entre acteurs publics, acteurs de l’aménagement et de l’urbanisme, de l’énergie et opérateurs et gestionnaires de data centers, qu’ils soient hébergeurs de colocation, associatifs, GAFAM ou grandes entreprises (via notamment le Gimelec, France data center et l’AGIT), ou chercheur·e·s académiques.

Un tel forum de travail pluridisciplinaire peut être lancé lors d’un événement fondateur qui pose les bases de fonctionnement et les thèmes de travail à approfondir entre acteurs.

Un co-pilotage initial de la démarche par l’Etat nous semble pertinent via l’Ademe, et le PUCA par exemple, afin de donner une tonalité à la fois énergie et aménagement aux réflexions, avec un appui du groupe de chercheur et chercheuses Eco-Info spécialisé·e·s dans le lien entre numérique et environnement.

Un certain nombre de recommandations détaillées ci-dessous peuvent d’ores et déjà être proposées à la discussion pour ce Forum.

Enrichir l’écosystème numérique avec le hébergeurs et FAI

alternatifs

Même si le marché de l’hébergement, comme de l’accès à Internet est aujourd’hui dominé par quelques acteurs majeurs, il nous semble pourtant important de donner une place aux acteurs associatifs et coopératifs de l’Internet, notamment pour les territoires aujourd’hui à la fois les moins bien desservis que ceux qui manquent de compétences numériques et de lien social. Leur faire une place dans le paysage numérique français pourrait permettre de développer une gestion numérique plus locale, plus informée, et surtout, réalisée par ses propres utilisateurs, qui pourraient favoriser des pratiques plus sobres, économes ainsi ajustées aux besoins. Les exemples développés précédemment montrent bien que les enjeux sont multiples, aussi bien techniques qu’économiques et sociaux, et les atouts du développement d’infrastructures numériques alternatives sont nombreux, le premier d’entre eux étant la résilience face aux événements climatiques, les autres étant détaillés dans la première partie du présent rapport.

Les FAI et hébergeurs associatifs, citoyens et coopératifs revendiquent ainsi une place dans l’écosystème numérique et télécoms français pour fournir un internet neutre, ouvert et efficace aux territoires ; notamment dans ceux où l’annonce de la fibre a gelé les investissements sur le cuivre et abaissé la qualité de service et de connexion.

- Les FAI associatifs et coopératifs n’ont aujourd’hui pas d’accès à la fibre des grands opérateurs, pourtant en partie financée par des fonds publics selon les territoires. Ils demandent, via la FFDN170, la création d’offres activées pour les petits opérateurs dans les

RIP et avec Orange. L’amendement Chaize à la loi Elan (du nom du sénateur) proposait ainsi qu’en cas d’absence de fourniture d’accès activé, tout opérateur exploitant des infrastructures de communications électroniques (de la fibre optique) faisait droit aux demandes raisonnables

170 Voir la lettre ouverte du 21 janvier /2018 : https://www.ffdn.org/fr/article/2018-10-21/lettre-ouverte-sebastien-soriano-et-

L’impact spatial et énergétique des data centers | PAGE 111

d’accès activé à ce réseau venant d’autres opérateurs, dans le but de proposer la meilleure couverture possible pour l’utilisateur final. Cet amendement (article 64 ter) visait à accélérer le déploiement de la fibre sur le territoire en permettant aux petits opérateurs d’accéder plus facilement à ces infrastructures, dans les cas où ces réseaux bénéficient de subventions publiques. Il n’a pas été accepté par le gouvernement.

- Sur les wifi citoyens, l’obligation de sécuriser soi-même le partage de son wifi représente un frein majeur pour partager des connexions bien que cela puisse être un vecteur fort

d’inclusion numérique. D’une part l’internaute mettant sa connexion à disposition doit garder les traces de ses invités, d’autre part, la loi HAPOPI 2 l’oblige à sécuriser sa connexion, sous peine d’amende ou de coupure.

- Enfin, pour les opérateurs qui développent une offre wifi, des questions se posent sur la disponibilité future des fréquences wifi qui pourraient être rapidement saturées par la

croissance prévisible de l’IoT qui fonctionne aussi avec la technologie Mesh. Une piste serait l’ouverture des « fréquences blanches » (fréquences radios non utilisées) en faisant aussi une place aux opérateurs citoyens et associatifs.

Soutenir des réseaux citoyens et coopératifs, c’est aussi soutenir l’hébergement associatif,

décentralisé et potentiellement plus frugal, favoriser le développement social et économique local, et permettre une plus grande résilience climatique des territoires.

Lancer un appel à projet pour des territoires d’expérimentation

Dans le livre blanc Numérique et Environnement réalisé par l’IDDRI, la FING et WWF171, la piste 3-4

propose de rendre possible des « territoires d’expérimentation numérique et écologique » (nous rajoutons énergétique), ce qui nous semble intéressant dans l’optique de tester les impacts d’un internet « relocalisé » et plus sobre dans des territoires mal desservis ou souffrant d’exclusion numérique.

Le livre blanc propose ainsi de :

« Créer – aussi bien en zones urbaines que rurales – des territoires d’expérimentation numérique et écologique pour accueillir les innovateurs qui veulent tester leurs solutions et collaborer étroitement avec les pouvoirs publics, et assurer un partage d’expérience entre ces territoires. Les Territoires d’innovation grande ambition, les Territoires à énergie positive ou ceux qui signeront des Contrats de transition écologique avec l’État pourraient accueillir de tels projets. Ces territoires devraient aussi multiplier les incubateurs, les appels à projets et plus généralement les dispositifs de soutien à l’innovation à la croisée des transitions numérique et écologique. »

Dans l’esprit des permis de faire (loi LCAP, 2016) et des permis d’expérimenter (loi Elan, 2018) pour l’architecture et la construction, certains territoires ou EPCI pourraient candidater à un appel à projet conjoint de des acteurs d’Etat (énergie et numérique) afin de mettre en œuvre des projets de médiation et d’apprentissage numérique infrastructurels (réseau et hébergement) permettant à la fois de former des personnes aux métiers du numérique (à l’image des digital stewards à Détroit ou New York), d’apporter une meilleure connexion et de meilleurs services localement, tout en prenant en compte l’impact environnemental : réductions des consommations électriques, utilisation d’ENR, réparation et réemploi du matériel informatique, faible empreinte foncière, articulation avec les réseaux de chaleur urbains…

171 https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2018-03/180319_livre_blanc_numerique_environnement.pdf [consulté en ligne le 13

L’impact spatial et énergétique des data centers | PAGE 112

Créer un service public du numérique et des data centers publics

Il y a aujourd’hui des Sociétés Publiques Locale (SPL) pour le développement du très haut débit en France, comme la SPL Nouvelle Aquitaine THD, et Bourgogne Franche Comté Numérique par exemple. Il y a aussi des syndicats de communes pour déployer les Réseaux d’Initiative Publique (RIP). Le SIPPEREC a ainsi développé plusieurs RIP en Ile-de-France comme THD Europe Essonne ou Irisé.

En revanche, aucune structure publique ou mixte de ce type ne propose des infrastructures ou des services de stockage de données, pour les acteurs publics, la société civile et les

citoyen.nes. Pourtant, un besoin de mutualisation, de souveraineté, de proximité et d’intégration aux stratégies foncières et énergétiques locales se fait jour.

Il s’agit donc d’agir sur les compétences et la structuration des acteurs dans les territoires : favoriser l’émergence d’acteurs intermédiaires, éventuellement sous forme de SPL, dans les territoires, offrant des services d’assistance technique pour d’une part, améliorer l’intégration spatiale et énergétique des data centers dans les territoires et d’autre part développer et gérer des équipements publics de stockage et de traitement de données mutualisés entre acteurs. Les SPL d’aménagement pourraient, pour certaines, prendre en charge ces nouvelles missions, pour mieux intégrer la problématique des data centers dans les projets d’aménagement, dans leurs projets d’équipements publics, mais aussi dans l’accompagnement au développement de tiers- lieux numériques accueillant de petits data centers de proximité.

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