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RECOMMANDATIONS EN VUE D’AMÉLIORER L’ACCÈS DES FEMMES AUX

522. Conformément à l’article L. 462-4-1314 du code de commerce, l’Autorité est compétente pour formuler toutes recommandations en vue d’améliorer l’accès des femmes et des hommes aux offices publics et ministériels.Le secteur juridique a un taux d’emploi féminin élevé : 8 salariés sur 10 sont des femmes. Ce taux est légèrement inférieur à celui du secteur santé (9 sur 10) mais beaucoup plus élevé que celui du secteur cadre de vie-technique. Les cabinets d’avocats et les offices notariaux ont un taux de féminisation plus élevé (83 %-84 %) que les études d’huissiers de justice (70 %).

a) Éléments démographiques

523. En 2014, selon la CNHJ, la profession compte 3 172 huissiers de justice dont 990 femmes, soit 31,2 % de la profession.

Tableau 17 – Proportion des effectifs féminins d’huissiers de justice (Source : CNHJ)

1970 1990 2000 2012 2014

Proportion de femmes 2,1 % 10,4 % 18,9 % 27,5 % 31,2 % Effectifs de la profession 2 376 3 039 3 232 3 224 3 172

524. Si la profession s’est féminisée, le rythme de cette évolution a été lent par rapport à d’autres professions juridiques. À cet effet, Alexandre Mathieu-Fritz, sociologue315, a souligné, dans une étude réalisée en 2004, que l’intégration des femmes au sein de la profession d’huissiers de justice a été moins rapide que pour d’autres professions juridiques316 comme les avocats et les magistrats.

525. Il ressort du rapport de l’IGF relatif aux professions règlementées que la moyenne d’âge de la profession est de 49 ans. La féminisation des tranches d’âge inférieures à 50 ans se situe autour de 35 %, témoignant d’une féminisation progressive dans les quinze prochaines années. En effet, si les hommes huissiers de justice sont plus représentés que les femmes pour les tranches d’âge 50/60 ans (respectivement entre 80 à 90 %), ces proportions se réduisent pour les tranches d’âge 30/40 ans (respectivement entre 60 à 70 %) jusqu’à obtenir une quasi parité pour les moins de 30 ans (soit 46,8 % de femmes au 1er janvier 2012).

526. Ces éléments témoignent d’une féminisation progressive de la profession au cours des dernières années, qui est en partie corroborée par les résultats aux examens professionnels

314 « Elle fait toutes recommandations en vue d’améliorer l’accès aux offices publics ou ministériels dans la perspective de renforcer la cohésion territoriale des prestations et d’augmenter de façon progressive le nombre d’offices sur le territoire. Elle établit également un bilan en matière d’accès des femmes et des hommes aux offices publics ou ministériels, sur la base de données présentée par sexe et d’une analyse de l’évolution démographique des femmes et des jeunes au sein des professions concernées. Ces recommandations sont rendues publiques au moins tous les deux ans », article L.462-4-1 al. 2 du code de commerce.

315 Mathieu-Fritz Alexandre, « La résistible intégration des femmes dans un univers professionnel masculin : les huissiers de justice », Sociétés contemporaines 2/2004 (no 54), p. 75-99 URL : www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2004-2-page-75.htm. DOI : 10.3917/soco.054.0075

316 Idem.

(qui conditionnent l’accès à la profession). Ainsi, à l’issue du stage de deux ans, chaque candidat passe un examen professionnel, dont le taux de réussite est globalement faible soit (35 %). L’analyse des résultats d’examen entre 2005 et 2015 laisse apparaître un taux moyen de réussite des femmes de 64 % sur la période 2005-2010, suivi toutefois d’un infléchissement à partir de 2011 : ce taux chute, sans explication, à 29 % pour les années 2011-2015, à l’exception de la session de mai 2015, où le taux remonte à plus de 56 %.

b) Les conditions d’exercice

527. S’agissant des conditions d’exercice, il semble que les femmes travaillent dans des structures beaucoup plus petites que leurs homologues masculins (le plus souvent des structures comportant d’une à cinq personnes actives).

528. À cet égard, l’étude sociologique précitée indique « qu’elles sont deux fois plus nombreuses en proportion que les hommes à occuper des études comportant un à deux actifs, c’est à dire à exercer seule en compagnie d’un salarié. Par ailleurs, la moitié des effectifs féminins occupe une étude de 3 à 5 actifs, alors que seulement un tiers des hommes sont dans cette situation. Et ces derniers sont deux fois plus nombreux à exercer dans des offices composées de 6 à 10 actifs ».

529. Dans le prolongement de cette première analyse, il a été constaté que les femmes exercent moins en SCP que les hommes et que leurs offices sont davantage situés dans les zones rurales, où les bénéfices générés par tête sont moindres.

530. L’auteur souligne que les femmes ont tendance à occuper des offices de taille plus réduite, sans autre associé, ce qu’il explique par la volonté de réaliser un double projet, à la fois professionnel et familial. De façon mécanique, les femmes auraient globalement des niveaux de rémunération inférieurs aux hommes en raison de la taille des études dans lesquelles elles exercent.

c) L’introduction récente du salariat

531. Depuis la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, le recours au salariat est autorisé pour les huissiers de justice. Ce nouveau statut semble avoir répondu aux attentes de certains jeunes et de certaines femmes, auxquels il a permis d’accéder à une forme d’exercice de la profession. À l’instar de ce qu’indique le rapport Ferrand (octobre 2014), « il ne doit pas les conduire à subir une situation résultant d’une offre insuffisante et à maintenir un plafond de verre ».

532. La règle dite du « 1 pour 1 » a encadré pendant longtemps le nombre d’huissiers de justice salariés au sein des offices317. Ainsi, une personne physique titulaire d’un office ne pouvait pas employer plus d’un huissier de justice salarié. Une personne morale titulaire d’un office ne pouvait employer un nombre d’huissiers de justice salariés supérieur à celui des huissiers de justice associés qui exercent au sein de cet office. Ces limitations expliquent sans doute qu’en 2014, la part des salariés représente seulement moins de 4 % des huissiers de justice.

317 Sur les évolutions de l’article 3 ter de l’ordonnance du 2 novembre 1945 introduite par la loi du 6 août 2015, voir le paragraphe 84 du présent avis.

Tableau 18 – Part du salariat dans les effectifs des huissiers de justice (Source : CNHJ, année 2014)

Huissiers de justice Nombre de salariés Nombre de

professionnels Part du salariat

Au 31 décembre 2014 123 3 172 3,9%

533. Malgré cette proportion réduite, force est de constater que les femmes représentaient 63,6 % des huissiers de justice salariés en 2014. Pour autant qu’il soit choisi et non subi, une interprétation de ce taux élevé pourrait être que ce statut a offert de nouvelles perspectives aux femmes huissiers de justice, le passage (temporaire) par le salariat permettant d’acquérir l’expérience nécessaire à une installation libérale dans la profession. Cependant, la CNHJ estime que les femmes huissiers de justice « ne considèrent pas le salariat comme un statut temporaire et intermédiaire avant celui d’associé mais bien comme un mode d’exercice spécifique et durable, déjouant ainsi les prévisions de la Chancellerie ».

534. Quoiqu’il en soit, l’introduction de ce nouveau statut est trop récente pour permettre à l’Autorité d’en tirer toutes les conclusions, notamment en termes de répartition par genre, tout en constatant d’ores et déjà une forte proportion de la population féminine dans le salariat.

d) La répartition par genre au niveau des ordres professionnels

535. Au niveau des ordres professionnels, la répartition femmes-hommes n’est pas toujours fidèle à celle observée dans la profession.

536. Si la composition des chambres départementales d’huissiers de justice révèle un taux de féminisation de 30 %318, il convient de remarquer que les fonctions que les femmes exercent dans ces instances se limitent souvent aux rôles de secrétaires (dans près de 40,5 % des cas).

Seules 21 % de femmes sont présidentes de chambres départementales ; 28 % en sont syndics.

537. Au niveau des chambres régionales d’huissiers de justice, le taux de féminisation est inférieur au niveau départemental, de l’ordre de 22 %. Seules 6 % de femmes sont présidentes de chambre régionale alors que 49 % en sont secrétaires.

538. Enfin, au niveau de l’instance nationale (à savoir la CNHJ), le taux de féminisation chute à 17,1 %, et même à 14,3 %, pour les membres du bureau.

539. Ce décalage entre la réalité démographique de la profession d’huissier de justice (où la féminisation progresse) et la sous-représentation des femmes dans les instances représentatives de la profession (en particulier au niveau national et régional) pose la question de la représentativité de ces instances. Il s’explique sans doute par le mode de désignation de ces instances, les membres de la CNHJ étant eux même désignés par les bureaux des chambres régionales (à raison d’un délégué par ressort de cour d’appel).

540. Pour y remédier, des correctifs existent. L’une des pistes pourrait être de modifier le collège électoral, en prévoyant l’élection au suffrage universel direct des membres de la CNHJ. Une

318 Chiffre arrêté en novembre 2016.

autre solution pourrait être d’adapter les modalités d’élection des instances représentatives en instaurant un scrutin de liste associé à une représentation proportionnelle.Ces différentes propositions pourraient permettre d’accroître la participation des femmes dans les organes de représentation nationaux et régionaux à due proportion de leur importance (croissante) dans la profession.

541. Dans ce contexte, l’ordonnance n° 2015-949 du 31 juillet 2015, adoptée en application des articles 74 et 76 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, a posé le principe d’un égal accès des femmes et des hommes au sein des conseils, conseils supérieurs, conseils nationaux, régionaux, interdépartementaux et départementaux des ordres professionnels.

542. Cette ordonnance s’applique à certaines professions juridiques, comme les avocats et les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, mais ne fait aucune référence aux huissiers de justice.

543. S’agissant des avocats, il est par exemple prévu :

- pour les conseils de l’ordre de chaque barreau : la constitution de binômes paritaires lors des élections, garantissant un nombre égal de femmes et d’hommes parmi les élus, avec une règle de tirage au sort en cas d’effectif impair. Les barreaux de moins de trente membres sont exemptés de cette règle ;

- pour le conseil national des barreaux, la proportion des personnes de chacun des deux sexes est au moins égale à 40 %.

544. S’agissant des avocats et avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, une représentation du sexe le moins représenté est prévue au sein du conseil de l’ordre, qui doit être au moins proportionnelle à ses effectifs dans la profession.

545. De tels dispositifs permettent d’assurer une mise en œuvre équilibrée du principe d’égalité des sexes au sein des instances professionnelles représentatives.

546. Par ailleurs, il conviendrait que la CNHJ assure un suivi annuel du respect de l’objectif de parité au niveau de toutes les instances représentatives (départementales, régionales et nationale) par le biais de statistiques par genre, retraçant le parcours professionnel des huissiers de justice, par des indicateurs de parité et des indicateurs d’incidence par sexe. Un rapport thématique annuel consacré à la situation des femmes et des hommes au sein de la profession pourrait également être rédigé.

e) Une meilleure articulation entre vie privée et vie professionnelle

547. Certains contributeurs souhaitent favoriser la parentalité et améliorer la prise en charge financière des congés maternité et paternité319, en :

- réduisant les délais de versement des indemnités liées aux congés maternité et paternité ;

- prévoyant une avance des prestations liées aux congés maternité et paternité par les instances représentatives qui demanderont ensuite le remboursement auprès des régimes de prévoyance et des assureurs ;

- demandant au RSI de traiter prioritairement les congés maternité et paternité (avant les 90 jours de carence) ;

319 Les indemnités de base sont prises en charge par le régime social des indépendants.

- mettant en place un pool « d’huissiers de justice remplaçants320 » pour venir en soutien des professionnels travaillant dans des petites structures d’exercice durant les absences maladie, maternité ou paternité.

548. Au vu de ce qui précède, l’Autorité retient les recommandations suivantes : Recommandation n° 13 (parité femmes/hommes) :

- Inciter la CNHJ à établir une information statistique par genre retraçant les parcours professionnel par des indicateurs de parité et des indicateurs d’incidence par sexe, assortie d’un rapport thématique annuel consacré à la situation des femmes et des hommes au sein de la profession ; faciliter l’accès à cette information, en créant par exemple une page dédiée « femmes et hommes » sur les sites Internet des instances représentatives ;

- Étendre à la profession d’huissier de justice le dispositif prévu par l’ordonnance n° 2015-949 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des hommes et des femmes au sein des ordres professionnels.

- Faciliter l’articulation entre la vie privée et la vie professionnelle des huissiers de justice en améliorant la prise en charge des congés maternité ou paternité des professionnels concernés et en mettant en place un système d’« huissier de justice remplaçant » lors de ces congés.