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6. RECOMMANDATIONS

6.2 Recommandations à l’égard du gouvernement provincial

Voici maintenant huit recommandations à l’adresse du gouvernement du Québec.

Diversifier les sources de revenus des municipalités

C’est un fait : l’impôt foncier constitue le principal revenu des municipalités et celles-ci réclament depuis longtemps de nouveaux revenus pour pouvoir mieux assumer leurs responsabilités. Les municipalités réclament la signature d’un nouveau pacte fiscal à l’automne 2019, qui comporterait une nouveauté en matière de revenus municipaux : le transfert d’un point de la taxe de vente du Québec (UMQ, 2019). Selon l’UMQ, la fiscalité municipale telle qu’elle est en ce moment a atteint ses limites et cela engendre des conséquences comme l’étalement urbain. Après réflexion au sujet de la matrice FFOM présentée au cinquième chapitre, ce nouveau pacte fiscal apparaît comme une opportunité à saisir afin de diversifier les revenus des municipalités et les rendre ainsi moins enclines à poursuivre l’étalement urbain.

Cesser de développer et financer le réseau autoroutier

Actuellement, les municipalités se développent en s’étalant. Comme mentionné plus tôt dans cet essai, il s’agit de la façon de faire qui prévaut depuis la Seconde Guerre mondiale et la démocratisation de l’automobile. Qui plus est, les municipalités n’ont pas à payer pour le développement du réseau routier

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supérieur, c’est-à-dire les routes et autoroutes numérotées qui ont pour fonction le transit interurbain, puisque ce dernier appartient au gouvernement du Québec. (Trajectoire Québec et Fondation David Suzuki, 2017) Ainsi, nombreuses sont les municipalités qui réclament le prolongement de routes. Toutefois, il est possible de changer la donne. En effet, si le gouvernement du Québec cessait de développer le réseau routier, les municipalités n’auraient pas d’autres choix que de trouver des solutions : développer autour du réseau routier existant, par exemple. Selon le directeur général de Vivre en ville, Christian Savard, le palier provincial pourrait plutôt taxer le développement de routes ou le dézonage d’espaces vierges (Brougère, 2018).

Dédommager les villes qui protègent leurs terres agricoles

Le montant en impôt foncier qu’un citoyen doit remettre à la municipalité varie notamment en fonction de la valeur de son terrain et de la valeur des bâtiments qui s’y trouvent (MAMH, s. d.) Or, puisqu’une terre agricole comporte peu de bâtiments (comparativement à une même superficie de nature résidentielle ou industrielle), elle génère moins de revenus pour une municipalité. Voilà pourquoi certaines municipalités cherchent à exclure des parcelles de la zone agricole afin d’y établir un usage qui rapporte plus en termes de taxes municipales. Pour contrecarrer cette dynamique, il serait opportun de dédommager les municipalités qui s’efforcent de conserver leurs terres agricoles. À cet égard, une solution a été proposée par la CMM : une compensation provenant du palier provincial serait attribuée à ces municipalités (entre 130 000 à 360 000 $ par municipalité, pour une période de 10 ans). Le montant serait calculé selon la valeur des terres et le nombre d’hectares disponibles pour un usage résidentiel. (Primeau, 2019a)

Ne plus permettre l’agrandissement des périmètres d’urbanisation

Pour stopper l’étalement urbain et protéger les terres agricoles, il est aussi possible de ne plus permettre l’agrandissement des périmètres d’urbanisation. Cette proposition apparaît raisonnable et réaliste si elle est combinée avec une densification et une requalification du tissu urbain. D’autant plus que la croissance démographique est faible et diminuera potentiellement dans un avenir rapproché (CAAAQ, 2008). Selon le conseiller en aménagement Laurent Howe (2018), pour interdire les agrandissements des périmètres d’urbanisation, il faudrait modifier la LPTAA. Ce dernier ne manque pas de souligner que ce type de changement demanderait « un courage politique énorme ».

62 Éviter le recours aux décrets et aux lois spéciales

Comme mentionné à la section 4.3, le gouvernement du Québec a recours aux décrets ou aux lois spéciales pour pouvoir utiliser le territoire agricole à des fins autres. Plusieurs exemples ont été donnés dans cette section. Or, cette pratique peut être problématique en termes d’acceptabilité sociale : le gouvernement du Québec utilise une façon de faire qu’il interdit aux municipalités. Pour le spécialiste en aménagement et développement local et régional, Bernard Vachon, les exceptions répétées dans la région métropolitaine de Montréal pourraient affaiblir la crédibilité de la LPTAA et de la CPTAQ (Dubuc, 2017). Aussi, pour le directeur général du CRE de Laval, Guy Garand, Québec ne donne pas le bon exemple en matière de protection du territoire agricole : « Pourquoi faire une loi si on ne la respecte pas? Il faudrait arrêter de faire des entorses à la LPTAA » (G. Garand, entrevue, 25 avril 2019) Dans la majorité des exemples donnés à la section 4.3 de cet essai, il faut rappeler qu’il y avait des solutions autres que celles qui ont été choisies par le gouvernement du Québec, et qui n’auraient pas empiété sur la zone agricole. Dans ces cas, comment peut-on justifier les décrets ou lois spéciales utilisés afin de pouvoir passer outre la procédure habituelle ou les décisions de la CPTAQ ?

Éduquer les parties prenantes et le grand public à propos de la rareté des terres agricoles

Comme mentionné au début de cet essai, les terres arables sont une ressource rare au Québec. Le climat et la qualité du sol font en sorte que la quantité de terres pouvant être cultivées est faible. Qui plus est, ces terres se situent dans une bande étroite sur la frontière sud, au même endroit où a lieu l’urbanisation. Il en résulte une importante perte de terres agricoles (Hofmann, 2001). Or, il apparaît probable qu’une partie de la population urbaine ignore cette réalité. Les interviews réalisés dans le cadre de cet essai permettent de penser que la connaissance des enjeux liés à l’aménagement du territoire et à la protection du territoire agricole est insuffisante, autant au sein des municipalités locales et des MRC, des promoteurs, que de la population en général. Une meilleure connaissance de ces enjeux permettrait à certaines parties prenantes et à la population de se questionner notamment en matière d’acceptabilité sociale des projets d’urbanisation : est-ce acceptable de donner le feu vert à un projet domiciliaire bâti sur des terres agricoles, par exemple, au profit d’un particulier, mais au détriment du bien commun? (P. Racette-Dorion, S. Pagé-Plouffe et une aménagiste ayant demandé la confidentialité, entrevues, 12 et 26 juin 2019). Dans ces circonstances, le gouvernement pourrait mettre en branle une campagne de communication afin d’informer la population au sujet des terres agricoles.

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Collecter des données sur les acquisitions de terres agricoles

Cette proposition vise à collecter des données au sujet des propriétaires de terres agricoles, pour éventuellement freiner la financiarisation des terres agricoles. Au Québec, aucun organisme n’a le mandat de collecter les données liées aux acquisitions de terres agricoles (Meloche et Debailleul, 2013). Il est donc impossible de savoir si les acquéreurs sont des agriculteurs ou des non-agriculteurs (promoteurs, spéculateurs, etc.) et de connaître leur intention au sujet de leur acquisition. Pourtant, il serait possible de collecter des informations lors de l’enregistrement des transactions au registre foncier du Québec. Cette collecte d’information permettrait entre autres de surveiller l’évolution du phénomène de financiarisation ou d’accaparement des terres. Cette solution est aussi proposée par l’UPA, qui réclame la mise en place d’un registre public des transactions liées aux terres (Tremblay, 2018).

Adopter une politique nationale de l’aménagement du territoire

L’action gouvernementale, en ce qui concerne l’aménagement du territoire, est effectuée sans vision d’ensemble. Comme mentionné dans le chapitre deux de cet essai, elle est dispersée dans plusieurs textes législatifs et domaines. Pour optimiser l’aménagement du territoire, il est nécessaire d’assurer une plus grande cohérence entre les orientations de l’État, les décisions de celui-ci, et les actions des municipalités. Cet éclatement est responsable de plusieurs incohérences aux conséquences environnementales et socioéconomiques déplorables. L’Alliance Ariane abonde dans le même sens. Selon cette dernière, puisque l’aménagement du territoire est l’une des priorités du plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques, le Québec doit se doter d’une politique nationale de l’aménagement du territoire basée sur les principes suivants :

• Le territoire québécois est un patrimoine commun; • L’intérêt collectif doit primer sur les intérêts particuliers;

• Ce territoire est une ressource limitée qu’il faut préserver pour les générations futures; • L’aménagement du territoire est une responsabilité provinciale et municipale;

• L’aménagement du territoire doit contribuer à l’atteinte d’objectifs collectifs comme la protection du territoire et des activités agricoles, la mise en valeur des paysages naturels et bâtis, et l’optimisation des finances publiques.

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Les orientations gouvernementales en matière d’aménagement du territoire devraient être révisées, et l’adoption de la politique devrait être accompagnée des ressources nécessaires à sa réalisation, pour les municipalités comme pour l’État. (Alliance Ariane, s. d.)

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