• Aucun résultat trouvé

Espagne

1- DEL VALLE et al., (2011) Leaving Family care. Transition to adulthood from Kinship care, Children and Youth Services Review, 33(2011), p. 2475-2481

Type de recherche

Recherche menée par les universités espagnoles d’Oviedo et de Cantabria sur le passage à l’âge adulte des jeunes placés chez des proches en Espagne. Elle concerne 67 jeunes ayant atteint la majorité en 2006.

Objectifs

Il s’agit d’étudier le passage à l’âge adulte des enfants confiés à leurs proches, cette dimension étant peu étudiée en raison de la priorité donnée traditionnellement au placement en structure collective. L’objectif est d’observer les caractéristiques de la transition à l’âge adulte des enfants élevés au sein de leur famille élargie. Cela concerne d’abord une approche descriptive de la question étant donné le manque de travaux en la matière en Espagne. Cette approche est complétée par une analyse de la situation des jeunes ayant quitté leurs familles d’accueil selon les critères considérés comme déterminants par Stein (2008) et Courtney (2008), à savoir l’éducation, la santé, le bien-être et l’intégration sociale.

Méthodologie

Cette étude précède une première recherche descriptive sur le profil des placements auprès de membres d’une même famille en Espagne. Cette dernière portait sur 568 situations. L’article en question concerne une part de ce groupe, et plus particulièrement les jeunes ayant atteint la majorité en 2006. Il s’agit d’évaluer la transition vers l’âge adulte de ces jeunes.

143 adultes sont considérés comme éligibles à l’étude. La situation de 67 jeunes est évaluée par l’intermédiaire d’entretiens et de questionnaires et des informations ont été recueillies sur 44 autres personnes qui n’ont en revanche pas pu être rencontrées.

Conclusions et résultats

En Espagne, le placement auprès d’un membre de la famille représente 46 % de tous les placements hors du foyer et 80 % de tous les placements en famille d'accueil (Del Valle, López, Montserrat, & Bravo, 2009). Le rôle des membres de la famille est ainsi favorisé.

Les auteurs mettent en évidence qu’il existe peu d’études sur ces situations. Or, elles ont un intérêt considérable lorsque, comme en Espagne, ces cas représentent le type de placement en famille d’accueil le plus commun. Dans ce pays, la recherche en la matière est très récente et a d’abord porté sur le profil des familles des enfants et des adolescents concernés.

Les études montrent que les membres de la famille qui s’occupent de ces enfants sont souvent âgés. Elles soulignent également le manque de soutien formel, économique et technique pour aider ces personnes à remplir leurs fonctions d’accueil (Bernedo & Fuentes, 2010; Del Valle et al., 2002; Lumbreras et al., 2005; Molero et al., 2007; Montserrat, 2007). En outre, les familles

concernées par de tels accueils ont tendance à disposer de ressources moins abondantes et un niveau d’étude plus faible que les familles d’accueil « professionnelles ».

Les études produites en la matière cherchent à évaluer l’impact de ce type de placement sur le développement de l’enfant. Elles fournissent néanmoins des résultats contradictoires, les auteurs n’étant pas d’accord sur les effets positifs ou non de ce type de placement.

L’article présenté ici porte sur le passage à l’âge adulte des enfants placés auprès d’un proche.

Les caractéristiques et l’expérience de l’échantillon

Les jeunes évalués ont entre 18 et 28 ans (37,3 % entre 18 et 21, 55,2 % entre 22 et 25 ; 7,5 % plus de 26). 56, 7 % sont des femmes.

En moyenne ces enfants ont quitté leur famille biologique pour rejoindre leur famille d’accueil à l’âge de 10 ans (22 % ont alors moins de 7 ans, 50 % entre 8 et 12 ans, et 30 % ont plus de 13 ans).

Dans les faits, le placement a commencé beaucoup plus tôt pour de nombreux enfants, même s’il est resté un premier temps informel. Ainsi, 60 % des enfants de l’échantillon vivent avec leur famille d’accueil depuis la naissance et seul 10 % commencent à vivre avec celle-ci après l’âge de 10 ans (Del Valle et al. 2002).

Les personnes à qui l’enfant est confié sont très majoritairement les grands-parents (82,1 %), les oncles ou tantes (14,9 %), et plus rarement des frères et sœurs ainés. Au moment des entretiens, la moyenne d’âge est de 70,3 ans pour les hommes et de 68,4 ans pour les femmes.

Ces placements présentent dans la majorité des cas une grande stabilité avec 89,6 % des placements qui continuent jusqu’à ce que l’enfant soit adulte. Dans 9 % des cas, un retour de l’enfant auprès de ses parents est possible.

32,8 % des jeunes se souviennent avoir posé des problèmes de comportement dans leurs familles d’accueil, y compris en fuguant, en se confrontant aux membres de la famille ou en commettant des vols.

79,1 % des jeunes ont connaissance d’un travailleur social chargé du suivi de leur placement en famille d’accueil contre 19,4 % qui n’avaient pas connaissance de cette personne. La majorité des enfants placés (62,7 %) disent avoir eu des relations sporadiques avec ce professionnel. Seulement 26,9 % se souviennent de visites mensuelles ayant pour but de surveiller les conditions de vie de l’enfant au sein de la famille. 53,7 % voyaient le travailleur social comme une personne qui essayait de les aider dans leur situation, 31,3 % ne l’ont pas vu de cette manière ou les considèrent simplement comme des professionnels faisant leur travail.

95,5 % des jeunes pensent en revanche que leur famille d’accueil luttait pour les aider. Les auteurs soulignent que comme le montre certaines études (Del Valle, López, et al., 2009; Palacios, 2009), les pouvoirs publics contrôlent et soutiennent davantage les familles d’accueil qui n’ont pas de lien de parenté avec l’enfant que celle qui en ont un. Ces dernières manquent alors souvent d’un soutien psychologique et financier et les jeunes qu’elles prennent en charge sont souvent moins soutenus ensuite par le dispositif de protection.

Lorsque l’on demande aux jeunes ce que la famille d’accueil a fait pour eux, ils se réfèrent dans leur grande majorité à la figure d’attachement que ces personnes ont représentée (80,6 % se sont sentis protégés, 74,6 % avancent avoir été soutenus).

La situation des jeunes lors du passage à l’âge adulte Les jeunes de l’échantillon présentent les caractéristiques suivantes :

- 58,2 % continuent de vivre auprès de leur famille d’accueil (la plupart du temps leurs grands-parents) ;

- 23,9 % vivent avec un partenaire ;

- très peu sont retournés vivre dans leur famille biologique (4,5 % vivent avec leur mère biologique).

L’une des conséquences tout à fait spécifique à cet accueil auprès de membres de la famille étendue concerne le fait que 32,8 % des jeunes interrogés ont connu, au moment de l’entretien, la mort de l’un de leurs parents d’accueil. Dans 6 % des cas, le jeune les a même perdus tous les deux.

Par ailleurs, 56,1 % d’entre eux ont perdu leur père, 52 % leur mère et dans 14,3 % des cas leurs deux parents biologiques. La mort de l’un de leur parent biologique est d’ailleurs l’une des principales causes du premier placement. Beaucoup de ces décès sont liés à des addictions à la drogue ou à l’alcoolisme.

La situation de ces jeunes vis-à-vis de l’emploi et de la formation est assez hétérogène :

- 22,4 % sont encore étudiants ; 54,6 % sont déjà entrés sur le marché du travail, et 14 % sont sans emploi. De nombreux jeunes bénéficient de dispositifs spécifiques au moment de l’entretien ;

- 54,2 % de l’échantillon a quitté l’école entre 14 et 16 ans, 14,9 % ont continué le cursus académique jusqu’à 18/19 ans, 19,9 % ont suivi des cours techniques jusqu’au même âge et 11,9 % ont poursuivi leurs études à l’Université.

La majorité des jeunes n’ont pas évolué vers la délinquance. 19,4 % ont commis une infraction, s’agissant la plupart du temps de vol (11,9 %) ou d’usage de drogue (3 %).

Un peu plus de la moitié des jeunes ont rapporté avoir affrontés de sérieux problèmes à la fin du placement, les plus notables étant des problèmes liés au chômage, à l’argent, au logement, aux relations personnelles et à la santé physique. Par ailleurs, les auteurs soulignent que les jeunes qui ont souffert de problèmes de comportements pendant le placement ont une probabilité plus grande de rencontrer des problèmes à l’âge adulte.

Les auteurs différencient trois catégories de jeune dans ce cadre :

- Les marginaux : il s’agit des jeunes ayant rencontré des problèmes en raison d’activités criminelles, de séjours en prison, de l’usage de drogue (9 % du panel) ;

- Les intermédiaires : il s’agit des jeunes qui ne sont pas affectés par les problèmes précédemment cités mais qui dépendent de l’aide de leur famille ou du système de protection avec de faibles niveaux d’éducation et avec un futur incertain (21,6 % du panel) ; - Les intégrés : il s’agit des jeunes qui vivent de manière indépendante, avec un emploi stable

et un revenu satisfaisant pour consolider leur vie ou qui étudient à l’Université tout en continuant à vivre au sein de leurs familles d’accueil (69,4 % du panel).

Les auteurs considèrent que ces trois catégories sont similaires à celles identifiées par Stein en 2008.

Selon ces résultats, seulement une petite partie de ces personnes présentent un problème d’exclusion sociale (9 %), 70 % d’entre eux étant considérés comme intégrés. En revanche, les

chiffres produits dans ce cadre font état d’une différence importante pour les hommes et les femmes, spécialement en ce qui concerne les « marginaux » (80 % d’hommes dans cette catégorie).

L’ensemble de ces chiffres mettent en évidence l’importance du lien entre le jeune et les membres de la famille qui l’accueillent. La création d’un lien d’attachement apparaît en effet nécessaire au développement de l’enfant. Par ailleurs, les interviewés eux-mêmes mettent l’accent sur le fait que cet accueil au sein de la famille étendue permet de garder un lien avec leurs racines familiales, offrant ainsi un sentiment d’appartenance et d’identité (Broad et al., 2001; Burgess et al., 2010;

Farmer, 2009) qui facilite le passage à l’âge adulte (Stein, 2008).

L’étude montre que les jeunes placés au sein de leur famille étendue font l’objet d’un passage à l’âge adulte compressé et accéléré comme le reste des autres jeunes pris en charge en dehors de leur milieu d’origine. Néanmoins, contrairement à d’autres, ces jeunes continuent de bénéficier d’un soutien familial tout au long de leur placement. Cet accueil permet ainsi d’obtenir des résultats plutôt positifs.

Les auteurs soulignent enfin les biais de l’étude, un nombre important de jeunes n’ayant pas répondu à celle-ci. Par ailleurs, ils proposent de continuer les recherches en constituant un groupe de jeunes pris en charge par un ou plusieurs foyers afin de permettre des comparaisons entre les différents types de prise en charge.