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Chapitre 2 Comment retracer des réseaux chercheurs africains et leurs travaux sur

2.3 Diversité d’outils et de stratégies de recherche pour retracer les chercheurs africains et leurs

2.3.2 La recherche universitaire sur les RTA en Afrique de l’Ouest

Selon le théologien zimbabwéen Ezra Chitando, les RTA, après s’être fait dénier pendant une longue période « the status of religion by European colonizers » (Chidester, 2008: 313), font partie, depuis les luttes d’indépendance des pays africains dans les années 1950 et 1960, des programmes d’études de nombreuses universités africaines (Chitando, 2001: 43-44). Par exemple, elles sont enseignées dans les départements de théologie, de religious studies (et leurs variantes : « for the study of religions » de théologie et de religious studies, de religions, etc.), dans les Facultés des arts, des humanités ou des sciences sociales (Platvoet, 1989: 113). L’étude des RTA fait également partie du curriculum de collèges universitaires, d’instituts de recherche et de séminaires de différentes églises (Ejizu, 1998: 4; Westerlund, 1985: 9). Cependant, on retrouve peu de programmes de formation dédiés uniquement à l’étude de ces traditions religieuses (Olupona, 1996b: 192).

Le développement de la recherche et de la formation sur les RTA a suivi les grandes transformations dans les milieux universitaires africains. En Afrique de l’Ouest anglophone (Olupona, 1996a: 212-217), les premiers collèges universitaires ont été créés en 1827 en Sierra Leone (Fourah Bay College à Freetown fondé par l’Anglican Church Missionary Society) et en 1862 au Libéria (Liberian College à Monrovia). Ces collèges universitaires étaient affiliés respectivement à la University of Durham et à la University of London. Très tôt, des départements de théologie y ont été ouverts. Ceux-ci visaient entre autres, lors de leur création, la formation de pasteurs (par exemple, le premier évêque anglican nigérian Samuel Ajayi Crowther, qui a lutté pour l’abolition de l’esclavage en Sierra Leone, a étudié au Fourah Bay College). L’indépendance de ces collèges universitaires a entrainé, entre autres le changement de noms de ces universités et la création de départements séculiers d’étude des religions (Olupona, 1996a: 22-25; Chitando, 2008: 106-107). Ces départements d’étude des religions ont été mis en place, notamment au Ghana et au Nigéria. Créées toutes les deux en 1948, l’University College at Achimota est devenu l’University of Ghana en 1961 et l’University College at Ibadan est devenue l’University of Ibadan en 1962.

À l’University of Ibadan, au Nigéria, le programme de religious studies a été approuvé en 1948. Parrinder a contribué à l’introduction de l’étude des West African Indigenous Religions :

By introducing as an integral part of the Religious Studies programme at Ibadan, Parrinder broke new ground by insisting that the study of the beliefs of African peoples, which had been transmitted from generation to generation through oral traditions, should be given the same academic status and credibility as the study of Christianity and its written scriptures. Andrew Walls (2004: 211) underscores the significance of this act: ‘It was the first time that the subject has appeared at university level in the English speaking world.’ (Cox, 2007: 17).

Des départements de religious studies ont été créés ensuite dans de nombreuses universités nigérianes à Nsukka, Jos, Calabar, Lagos, Ilorin, Benin City, Ife, Ekpoma, etc. (Chitando, 2008: 107 ; Olupona, 1996a: 212-215; Hackett, 1988: 37; Westerlund, 1985: 24). Andrew Walls écritque les départements de religious studies du type de celui créé à Ibadan, bien que concernés par le champ d’étude de la religion, étaient dans les faits construits autour de quatre facteurs : « strong interest in African religion, the abundance of local research material, respect for African heritage, and the fact that most of the teachers and most potential students were Christians » (Walls, 2004: 212).

Selon Olupona (1996a: 215), plusieurs chercheurs ghanéens (Dickson, Pobee, Oduyoye, Gaba, etc.) et nigérians (Idowu, Omoyajowo, Awolalu, Kalu, etc.) ont effectué des études doctorales en Angleterre avant de retourner dans leur pays pour contribuer au développement des départements de religious studies. Le milieu académique, en s’africanisant (professeurs africains et formation des professeurs en Afrique), est devenu un environnement plus interreligieux77. Autrement dit, la révision des programmes universitaires, parallèlement à la reconnaissance du pluralisme des pays africains indépendants, aurait permis aux études sur les RTA comme à celles sur l’islam d’être plus intégrées dans différents programmes aux côtés des études sur le christianisme dans les universités de traditions chrétiennes78. Le curriculum de l’University of Ife dans les années 1980, aujourd’hui Obafemi Awolowo University, était assez typique de ces

77 Selon Westerlund, plusieurs étudiants ou professeurs auraient eu néanmoins des réserves à étudier d’autres

religions que la leur (Westerlund, 1985: 24).

78 Bien entendu, comme le rappelle Olupona, dans certaines universités de traditions chrétiennes dans le sud

du Nigéria, l’islam est peu enseigné tout comme dans certaines universités de traditions musulmanes dans le nord du Nigéria, le christianisme est peu enseigné (Olupona, 1996b: 188-189).

changements: « The basic objective of the Department is to provide an opportunity for the student to acquire the basic knowledge of the three main religions of the country » (Westerlund, 1985: 23)79. L’objectif secondaire était de sensibiliser les étudiants aux autres « grandes religions du monde » : l’hindouisme, le shintoïsme, le bouddhisme et bahaïsme. D’après Andrew Walls (2004: 1980), professeur émérite de religious studies en Écosse et fondateur du département de religious studies à Aberdeen en 1970, et Rosalind Hackett (1988), professeur de religious studies à l’University of Tennessee, de tels départements de religious studies axés sur le pluralisme religieux n’existaient pas à la même époque en Angleterre. D’ailleurs en 1975, la Nigerian Association for the Study of Religion (NASR) a été mise sur pied, laquelle est devenue membre de l’International Association for the History of Religions (IAHR) en 1980. En plus d’être étudiées dans les départements de religious studies, il importe de mentionner que les recherches et l’enseignement sur les RTA ont été développés dans de nombreuses disciplines telles que l’histoire, la sociologie, la psychologie, la littérature, l’anthropologie, etc. (Platvoet, 1989: 120-123).

L’exploration du développement de l’enseignement et de la recherche sur les RTA en Afrique de l’Ouest m’a donné accès à une somme imposante d’auteurs, de travaux et à tellement d’information ethnographique sur les auteurs et sur le dynamisme de chaque université que j’ai commencé à compiler l’information dans File Maker Pro. J’ai réalisé qu’aborder les spécificités de ce champ de recherche pour toute l’Afrique de l’Ouest demanderait un travail de longue haleine, juste pour me familiariser avec des univers culturels extrêmement nombreux et variés. J’ai donc choisi d’explorer l’état de la situation de l’enseignement et de la recherche sur les RTA au Nigéria. Devant la complexité d’appréhender la diversité des milieux universitaires nigérians, j’ai décidé d’approfondir la situation dans le sud du Nigéria, ayant réussi à me familiariser davantage avec certains réseaux de chercheurs de cultures chrétiennes qu’avec des réseaux de cultures musulmanes. Une lacune que je souhaite combler lors de mes recherches doctorales.

79 D’après Westerlund (1985: 23-24), à cette époque, chaque département était généralement bâti autour d’un

professeur d’expérience et de chargés de cours; l’enseignement et les tâches administratives se faisaient souvent au détriment de la recherche. Quelques-uns seulement s’y consacraient, puisqu’il y avait peu de fonds pour soutenir la publication des résultats.

2.3.3 La situation universitaire nigériane : l’exemple de quatre universités du Sud