• Aucun résultat trouvé

RECHERCHE DANS DES SITUATIONS SPÉCIFIQUES

Introduction

Les urgences cliniques sont des situations où l’urgence est imprévisible et une action rapide nécessaire – par exemple un arrêt cardiaque, un accident vasculaire grave, ou une blessure à la tête engageant le pronostic vital. Les traitements efficaces de bon nombre des problèmes de santé engendrant de telles urgences sont très limités, aussi la recherche est-elle essentielle pour le développement de véritables thérapies s'appuyant sur des données établies. En l’absence de telles recherches, on ne peut s’attendre à des améliorations du pronostic pour les patients. Cependant, la conduite de recherches pose, dans ce contexte d’urgences cliniques, un problème éthique car il est alors impossible de remplir l’exigence essentielle sur le plan juridique et éthique, d’obtention du consentement éclairé de la personne et, du fait de l’urgence de la situation, il est également impossible d’obtenir une autorisation pour la participation de la personne à la recherche (voir Chapitre 6). Cependant, de façon exceptionnelle, une recherche sans consentement/autorisation, peut être autorisée par la loi, dès lors qu’elle s’accompagne de mesures de protection strictes .

7.A.1 Conditions protectrices

Des deux instruments européens juridiquement contraignants en matière de recherche médicale (voir Chapitre 3) – la Directive 2001/20/CE et le Protocole additionnel du Conseil de l’Europe relatif à la recherche biomédicale – seul le Protocole traite spécifiquement de la recherche en situation d’urgence. Les conditions de protection définies dans le Protocole (Article 19) sont que :

i. une recherche d’une efficacité comparable ne peut être effectuée sur des personnes ne se trouvant pas dans des situations d’urgence ;

ii. le projet a été approuvé spécifiquement pour des situations d’urgence; et

iii. toute objection pertinente exprimée précédemment par les participants et portée à la connaissance des chercheurs doit être respectée.

Le Protocole permet des recherches sans bénéfice potentiel direct, sous réserve du respect de la condition protectrice supplémentaire suivante : la recherche ne présente pour la personne concernée qu’un risque minimal et une contrainte minimale16. A titre d’exemple, en cas de blessure à la tête, la recherche peut impliquer le recours à un scanner cérébral dans le but d’en savoir davantage sur la façon dont la blessure entraîne un œdème cérébral.

Enfin, le Protocole exige que les personnes participant à la recherche ou, le cas échéant, leur représentant, reçoivent toute information appropriée relative à leur participation au projet de recherche, dès que possible, et que leur consentement ou l'autorisation à la prolongation de la participation soit demandé.

16

Voir note 2

7.A.2 Examen par le CER

La figure 7.1 souligne les questions clés que doivent se poser les membres des CER lorsqu’ils examinent des projets concernant des situations d’urgence clinique.

Figure 7.1: questions clés pour l’examen par le CER

 Est-il possible d’obtenir des résultats similaires en menant la recherche sur des personnes qui ne sont pas en situation d’urgence ?

 Les participants à la recherche seront-ils dans un état les empêchant de prendre une décision éclairée ?

 Quelle est l’urgence de la situation ? Le délai imparti est-il trop court pour contacter les représentants du patient en vue d’obtenir leur autorisation ?

 La recherche peut-elle comporter un bénéfice potentiel direct pour les participants ?

 En l’absence de bénéfice potentiel direct, la recherche vise-t-elle à produire des résultats susceptibles de bénéficier à d’autres participants à la recherche ou à des personnes souffrant des mêmes troubles/maladies ?

 Quels sont les risques et les contraintes associés à la recherche ?

 S’il n’y a pas de bénéfice potentiel direct, les risques et contraintes sont-ils minimaux ?

 Quelles sont les procédures fixées par les chercheurs pour garantir :

 L’obtention de l’autorisation des représentants du participant, telle que définie la loi ?

 La communication, dès que possible, aux participants - ou le cas échéant, à leurs représentants - de toutes les informations appropriées relatives à la participation à la recherche ?

 La demande, dès que possible, du consentement ou de l’autorisation de prolongation de la participation à la recherche ?

7.B Personnes privées de liberté Introduction

L’expression « personnes privées de liberté » est empruntée à l’Article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les personnes peuvent être non seulement privées de leur liberté pour des raisons de sécurité (par exemple pour avoir commis une infraction, dans le cadre du système de justice pénale -prisonniers -) mais aussi pour des raisons de santé (par exemple, parce qu’elles présentent un danger pour elles-mêmes et/ou autrui).

L’élément essentiel est que ces personnes représentent un groupe particulièrement vulnérable de participants potentiels à la recherche, en raison de leur dépendance vis-à-vis des personnes qui leur procurent des vivres, des soins de santé ou autres commodités de la vie. Cependant, refuser totalement à ces personnes la possibilité de participer à la recherche peut leur être préjudiciable, dans la mesure où cela limite leur accès à des thérapies efficaces et parfois vitales. Dans certains pays, ce type de recherche n’est toutefois pas autorisé par la loi.

7.B.1 Quels sont les problèmes éthiques ?

La limitation des recherches sur ce groupe est considérée comme une mesure de protection des droits de l’homme, afin d’éviter que de telles personnes soient abusées ou utilisées, en raison de leur vulnérabilité. Toutefois leur interdire toute participation à la recherche peut avoir des conséquences négatives pour les raisons suivantes :

 La recherche peut apporter un bénéfice potentiel aux participants à la recherche et, dans certains cas, la participation à la recherche peut être la seule alternative possible à l’absence de traitement ou à un traitement inefficace ;

 La recherche peut apporter un bénéfice potentiel aux personnes privées de liberté, en général - par exemple la tuberculose multi résistante est largement répandue au sein des populations carcérales ;

 Enfin, les personnes privées de liberté conservent leur autonomie et devraient avoir le droit de décider de participer ou non à une recherche biomédicale.

Les deux premiers arguments sont très forts car (i) interdire toute participation à une recherche susceptible de produire un bénéfice direct (notamment lorsqu’elle constitue la seule alternative) ne peut pas être justifié ; de plus (ii) sans recherche sur certaines catégories de personnes privées de liberté (par exemple les détenus), il serait impossible de développer des traitements pour des troubles (relativement) spécifiques à leur catégorie/environnement.

De ce fait, les considérations éthiques portent pour l’essentiel sur la recherche menée, sur les personnes privées de liberté, sans que cette recherche présente pour ces dernières un bénéfice potentiel. Même dans ce cas, l‘exclusion totale de ces personnes de ce type de recherche serait inéquitable, car contraire au principe de respect de leur autonomie.

Avant toute approbation d’une recherche entreprise sur des personnes privées de liberté, le CER devra disposer des éléments lui permettant de s’assurer qu’il existe des garanties adéquates pour éviter tout recours abusif à ces participants. Avec réalisme, certains pays interdisent ces recherches (du moins en partie) au motif que ces garanties font actuellement défaut.

7.B.2 Critères de participation à la recherche

Lorsque la législation nationale autorise la réalisation de recherches sur cette catégorie de personnes, des mesures de protection spécifiques devraient être mises en place, au delà de la protection générale accordée à tous les participants à la recherche. Les mesures de protection communes qui s’appliquent à tous les types de recherche impliquant des interventions sur l’être humain, telles que celles qui concernent en particulier, la prévention de toute forme de pression, s’appliquent aussi aux recherches impliquant des personnes privées de liberté. Des protections supplémentaires s’appliquent aux recherches ne présentant pas de bénéfice potentiel direct.

7.B.3 Mesures supplémentaires pour les recherches sans bénéfice potentiel direct En Europe, l’instrument juridique international le plus explicite sur ce sujet est le Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, du Conseil de l’Europe, relatif à la recherche biomédicale, qui établit trois critères spécifiques pour ces recherches :

i. Une recherche d’une efficacité comparable ne peut être effectuée sans la participation de personnes privées de liberté ;

ii. La recherche a pour objet de contribuer à l'obtention, à terme, de résultats permettant un bénéfice pour des personnes privées de liberté ;

iii. La recherche n'entraîne qu'un risque minimal et une contrainte minimale17.

Les deux premiers critères visent à prévenir l’exploitation des personnes privées de liberté au bénéfice d’autres qui ne le sont pas. Ainsi, si les objectifs peuvent être atteints par des recherches sur des personnes non privées de liberté, il conviendrait de ne pas autoriser la réalisation de cette recherche sur des personnes privées de liberté. Par ailleurs, même si le premier critère est satisfait, la recherche ne doit pas être entreprise, si son objectif à terme ne bénéficie pas à des personnes privées de liberté. Le dernier critère limite la recherche à ce qui n’engendre qu’un risque minimal et une contrainte minimale.

L’ensemble de ces trois critères permet d’éviter que soient effectuées des recherches sur des personnes privées de liberté qui ne seraient pas acceptables sur un plan éthique 7.C Grossesse et allaitement

Introduction

La recherche biomédicale effectuée sur des femmes enceintes est importante, car elle permet de mieux connaître les caractéristiques et les traitements des maladies liées à la grossesse. Ces maladies peuvent toucher la femme, le fœtus, ou les deux à la fois. La recherche peut avoir ou non, un bénéfice potentiel direct. Dans les deux cas, les critères communs applicables à tout type de recherche doivent être respectés. En outre, le CER doit disposer d’éléments lui permettant de s’assurer qu’aucune recherche ayant une efficacité comparable ne peut être effectuée sur d’autres personnes.

Dans le cas d’une recherche avec bénéfice potentiel direct, l’évaluation du risque/bénéfice doit prendre en considération l’état spécifique de la grossesse. La recherche sans bénéfice potentiel direct doit contribuer à l’obtention, à terme, de résultats permettant un bénéfice pour d’autres femmes en relation avec la procréation, ou pour d’autres fœtus. Dans ce type de recherche, les critères du risque minimal et de la contrainte minimale18sont impératifs.

Lorsqu’une recherche est entreprise sur des femmes qui allaitent, il convient de veiller tout particulièrement à éviter tout impact négatif sur la santé de l’enfant.

7.D Essais randomisées par grappe

Les essais randomisés par grappe (CRT, cluster randomised trial) tiennent une place de plus en plus importante dans la recherche concernant la santé publique et les services de santé. Les membres des CER ont besoin, par conséquent, de connaître les problèmes spécifiques que posent ces essais. Dans les « CRT », ce ne sont pas des individus, mais des groupes de personnes, (les “grappes”) qui sont affectés aléatoirement au groupe traité et témoin ; les résultats sont mesurés sur les individus au sein de ces « grappes ». Les CRT sont aussi appelés ‘essais randomisés en groupes‘ ou ‘essais randomisés de communauté’.

Les CRT sont fréquemment utilisés dans les essais de dépistage sur une population (par exemple, pour le dépistage mammographique du cancer du sein) et lors d’interventions comportementales (visant par exemple, à réduire l’obésité), où la randomisation individuelle pourrait fausser les résultats de l’analyse. Par exemple, si des personnes vivant dans une zone géographique donnée, participent à un dépistage, avec randomisation individuelle, les personnes auxquelles le dépistage est proposé, pourraient en parler à des amis non inclus dans cette étude, lesquels pourraient ensuite souhaiter

17 Voir note 2

18 Voir note 2

faire le dépistage. De la même façon, les patients d’un centre de soins invités à participer à une thérapie comportementale en vue de perdre du poids pourraient partager cette information avec d’autres patients du même établissement, et il serait alors impossible d’évaluer l’efficacité de la thérapie. Les CRT sont aussi utilisés pour les études impliquant un membre particulier du personnel d’un centre de soins. Tel sera le cas, par exemple, si l’on veut déterminer, dans le contexte des soins primaires, si une information individualisée dispensée par une infirmière spécialiste du diabète bénéficie davantage aux patients diabétiques que la méthode d’information classique, qui consiste simplement à distribuer des brochures. Dans cet exemple, certains centres de soins primaires seront affectés aléatoirement à la méthode d’information individualisée, et d’autres à la méthode classique. Les CRT jouent aussi un rôle important dans les pays en développement, par exemple pour les études visant à évaluer les effets d’un nouveau type de vaccin contre une maladie contagieuse. Du fait que les vaccins ont un effet direct sur la sensibilité des individus à l’infection et un effet indirect sur le risque de transmission de l’infection à d’autres individus, le nouveau vaccin devra être administré à certains groupes, et les résultats comparés à ceux des groupes qui n’auront pas reçu ce vaccin.

L’analyse statistique des CRT est plus complexe que les essais à randomisation individuelle. Les chercheurs devraient justifier leur choix d’un essai par grappes dans les informations soumises aux CER ; les dossiers de demande devraient aussi apporter des garanties concernant les méthodes statistiques proposées par les chercheurs qui devraient être appropriées d’après l’évaluation scientifique. Les questions d’éthique que les CER devront examiner concernent (i) l’accord pour la randomisation par « grappes » et (ii) le consentement des individus à être soumis à l’intervention. Ainsi, dans l’exemple du dépistage mammographique du cancer du sein, on ne pourra pas demander aux femmes de consentir individuellement à ce que l’étude de dépistage randomisée soit, ou ne soit pas, menée dans leur zone géographique. Cependant, si elles sont affectées au groupe de dépistage, on devrait leur demander si elles consentent à subir une mammographie, et les femmes des deux groupes devraient recevoir des informations sur l’essai. De la même façon, dans l’exemple relatif à la vaccination, on ne pourra pas demander aux individus de consentir à la randomisation dans leur zone géographique, mais leur consentement individuel à recevoir le vaccin devrait être recherché. Les CER devront aussi s’assurer de l’existence de moyens adéquats de représentation des intérêts de la « grappe », grâce à un mécanisme de représentation ou grâce à une personne désignée à cette fin (guardian).

Ceci pourra décider de la participation de la « grappe » au projet de recherche envisagé, et de son retrait si le projet ne répond plus aux intérêts du groupe. Par exemple, il pourra s’agir, selon le cas, d’un haut responsable du secteur des services de santé pour le dépistage mammographique, ou du conseil des aînés d’un village pour un essai sur un nouveau vaccin.

Pour qu’un projet de recherche soit approuvé par le CER, il faudra donc, d’une part, la confirmation par le mécanisme de représentation, que l’essai proposé sert l’intérêt du groupe (et qu’il ne revienne pas, par la suite, sur cette position) et d’autre part, la mise en place de procédures appropriées d’information et de consentement pour les participants à l’essai.

Documents relatifs