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La recherche en cancérologie comme étude de cas 1)Première moitié du XXème siècle

Chapitre 3-Science pure, science inspirée par l'usage: quelles relations dans la lutte contre le cancer?

III) La recherche en cancérologie comme étude de cas 1)Première moitié du XXème siècle

Nous avons étudié, dans le chapitre 1, comment la recherche en cancérologie s'est progressivement édifiée, dans la première moitié du XXème siècle, autour de trois niveaux d'investigation distincts. Le premier niveau concentre les activités de soin, c'est à dire la

pratique clinique. Le deuxième niveau, que nous avions rapproché du concept moderne de biomédecine rassemble les activités de recherche menées autour d'une question précise

concernant les thérapies anti-cancéreuses et l'épidémiologie des cancers (comment agissent les radiations sur les cellules tumorales? Peut-on trouver des corrélations entre le développement de formes déterminées de cancer et un environnement donné?). Le troisième niveau, défini de manière peu précise car peu dynamique dans la période étudiée, correspond à la construction de modèles généraux de fonctionnement de l'organisme, sain et pathologique (biologie fondamentale). Ces niveaux ont été défini en terme d'objectifs poursuivis et de

méthodologie adoptée. Le niveau 1 a pour finalité de soigner, individuellement, des patients. Il

utilisera, pour ce faire, les techniques et protocoles mis au point précédemment, qu'il pourra éventuellement modifier et perfectionner de manière entièrement empirique. Le niveau 2 se nourrit de questions précises émergeant de la pratique clinique. Il tente d'y répondre en utilisant toutes les méthodologies à sa disposition: expérimentation animale, culture cellulaire, observations microscopiques...L'analyse du cas de la radiothérapie nous a montré que pour mener à bien les objectifs qui leur sont assignés, les scientifiques opérant dans ce niveau de recherche peuvent être amenés à généraliser la question initiale: ainsi, est-on passé de «Comment optimiser l'utilisation des rayons X en cancérologie?» à «Quel est l'effet biologique des radiations?». Cette transition d'une interrogation purement pratique à une problématique de plus haut niveau de généralité a eu deux vertus. En premier lieu, elle a

permis de générer des idées nouvelles quant à la distinction entre cellules différentiées et cellules non-différentiées, et ses liens avec le caractère proliférant ou quiescent. Ces notions alimentent clairement la réflexion biologique la plus fondamentale -au sens de Bush-, en ce qu'elles fournissent des idées générales sur la structure des organismes, indépendamment de la recherche spécifique de thérapies anti-cancéreuses. Réciproquement, la recherche de niveau 2 a contribué à l'intégration de l'objet « cancer » dans un cadre plus général, incluant les mécanismes de croissance et de développement des organismes. D'autre part, les concepts mis en place ont été réutilisés pour rationaliser et harmoniser les protocoles guidant l'utilisation thérapeutique des rayons X. Nous en avions donc déduit que le niveau 2, dont l'importance s'est accrue tout au long des premières décennies du XXème siècle, se caractérise par: ses

objectifs, déterminés par les besoins concrets du niveau 1, sa méthodologie, utilisant toutes les

techniques à disposition dans les laboratoires, et l'ambivalence de ses implications, importantes tant pour la résolution des problèmes pratiques que pour la croissance des connaissances fondamentales. Cette tension entre la finalisation des objectifs et la portée double de ses conclusions rapproche le niveau 2 du quadrant de Pasteur, défini par Stokes comme une zone où se mêlent le souci de résolution de problèmes pratiques et la construction de connaissances fondamentales. L'exemple de la cancérologie permet en outre de préciser certaines dynamiques à l' œuvre au sein de cet espace, et leurs évolutions.

Nous avons en effet montré que la cancérologie, dans la première décennie du XXème siècle, s'est caractérisée par une forte dépendance du niveau 2 au niveau 1. Les interrogations émanant d'une pratique clinique fortement teintée d'empirisme conditionne l'apparition progressive d'une médecine expérimentale entièrement vouée à construire des protocoles utilisables par les praticiens. Dans cette dynamique, la démarche à l'aveugle des cliniciens (notamment dans la mise au point des techniques de radiothérapie) génère une grande diversité de questionnements, qui sont autant de pistes d'investigation pour les scientifiques du niveau 2: l'apparition d'une inflammation est-elle nécessaire? Les rayons détruisent-ils sélectivement les cellules tumorales? La conjonction des observations cliniques et des démarches expérimentales menées pour répondre à ces interrogations permet alors, via un raisonnement abductif, de formuler des hypothèses explicatives. Par exemple, les travaux histologiques de Grubbe l'ont conduit à affirmer que l'effet délétère des radiations sur les tissus tumoraux passait nécessairement par une inflammation. A l'inverse, la démarche expérimentale mise en œuvre par Bergonié l'a poussé à construire la «loi de corrélation entre la fragilité des cellules aux rayons X et leur activité reproductrice». Ces travaux ont produit

des connaissances non utiles a priori, mais de haut niveau de généralité. Notamment, nous avons vu que les concepts crées par Bergonié, en liant les notions de prolifération et de

différentiation, éclairent d'un jour nouveau de nombreux mécanismes biologiques

(morphogenèse, dynamique de la lignée germinale) et intègrent le cancer dans ces problématiques globales.

Cette dynamique s'est peu à peu modifiée, avec l'essor de la radiobiologie. Nous avons vu en quoi la naissance de l'Institut du Radium a marqué un renversement des rapports de force entre les niveaux 2 et 1. On assiste alors, en effet, à une émancipation de la médecine expérimentale, qui tend, dans une certaine mesure, à définir ses propres thématiques de recherche. Notamment, la radiobiologie devient l'étude de l'effet des radiations sur les

cellules, normales ou pathologiques. Elle gagne donc en généralité, et peut prétendre à mettre

en place des protocoles d'investigation indépendamment des interrogations pratiques soulevées par la pratique clinique. Une autre dynamique dirige alors la recherche au sein du quadrant de Pasteur. La mise en place de thérapies nouvelles doit de moins en moins aux démarches tâtonnantes des cliniciens, et de plus en plus aux recherche réalisées en amont à l'Institut du Radium. Cela va de pair avec l'effort croissant de rationalisation de la lutte anti- cancer. Le centre moteur des recherches associées se déplace progressivement, depuis la clinique vers des préoccupations plus fondamentales. Ces mutations soulèvent alors la question du rôle de la biologie fondamentale (niveau 3) dans l'organisation de la lutte contre le cancer. Si l'on demeure au sein du formalisme de Stokes, le problème se pose en effet de définir précisément comment s'articule le versant la plus pur des sciences de la vie avec la recherche menée au sein du quadrant de Pasteur. D'autre part, il est intéressant de se pencher sur les évolutions dans l'après guerre de ces dynamiques diverses animant la biomédecine. La suite de ce chapitre sera donc consacrée à l'analyse historique de la construction des connaissances théoriques et pratiques sur le cancer dans la seconde moitié du XXème siècle. Notamment, nous étudierons les conditions d'émergence de la théorie génétique du cancer, et des rôles réciproques de la biologie fondamentale (quadrant d'Edison) et de la biomédecine (quadrant de Pasteur) dans ses étapes de formulation et de validation.

2) Les premiers pas de la chimiothérapie (1950-1975)

a) Introduction

Des avances notables ont été faites dans le diagnostic précoce du cancer, et dans les traitements radiologiques et chirurgicaux de la maladie. Ces résultats ont été acquis

grâce à une grande quantité de recherche fondamentale en médecine et dans les sciences précliniques, et par la dissémination de ces nouvelles connaissances jusqu'aux médecins1

Ces quelques lignes, figurant dans le rapport de Bush, ont pour but de justifier la pertinence du modèle linéaire en prenant en exemple la lutte contre le cancer. Pour le directeur de l'ORSD, il ne fait aucun doute que les progrès réalisés dans le traitement de la maladie au cours de la première moitié du XXème siècle soient uniquement redevables à la science fondamentale, c'est à dire, rappelons-le, à une science dont le seul moteur est la curiosité naturelle des chercheurs. L'analyse historique du premier chapitre entre directement en conflit avec cette interprétation. Nous avons en effet montré que la science fondamentale au sens de Bush avait très peu de part dans la mise au point des traitements radiologiques et chirurgicaux du cancer. Le dynamisme des niveaux 1 (clinique) et 2 (quadrant de Pasteur) est en effet la source principale du développement des protocoles de soin dans cette période. A l'inverse de l'affirmation de Bush, nous avons alors montré que la pratique médicale était le moteur principal portant la recherche de nouveaux traitements. Clairement, l'argument de Bush procède donc d'une reconstruction a posteriori, biaisée par l'idéologie qu'il défend. Il apparaît donc que la lutte contre le cancer, écartelée entre la nécessité de soigner la pathologie et la difficulté à en dégager une étiologie robuste, se retrouve au cœur des interrogations soulevées par Bush. Le rapport publié en 1945 stimula en effet les réflexions autour de l'organisation de la recherche anti-cancer. Faut-il comprendre le cancer pour le soigner? Cette question cruciale divisa alors les foules2. Elle avait d'autant plus de sens que les premiers pas de chimiothérapie se sont appuyés sur une démarche empirique en tout point similaire à celle ayant présidé à l'avènement de la radiothérapie. Comme nous l'avons rapidement abordé à la fin du premier chapitre, les pionniers de la lutte chimique administraient des molécules dont les effets biologiques étaient totalement inconnus, à l'image de Farber qui «avait réussi, après tout, à mener ses premiers essais cliniques sur la leucémie en ne sachant guère quel était le mode d'action de l'aminoptérine dans les cellules même normales»3.

Il semble donc clair, d'ores et déjà, qu'invoquer le modèle linéaire pour discuter les développements historiques de la lutte anti-cancer ne serait que la simplification fautive d'une dynamique complexe. Les liens unissant les niveaux 1 et 2 ont permis, la plupart du temps en

1

BUSH V. Science. The Endless Frontier. A Report to the President by Vannevar Bush, Director of the Office of Scientific Research and Development, op.cit. p.14

2

MUKHERJEE S. L'empereur de toutes les maladies : une biographie du cancer, op.cit., p.152.

3

dehors de tout cadre explicatif a priori de construire des représentations du cancer, utiles pour mettre au point des traitements. Cependant, aujourd'hui, la théorie génétique du cancer fournit un cadre théorique pour penser l'étiologie de la maladie et en dériver des traitements potentiellement efficaces1. Il y a donc eu construction d'un modèle explicatif replaçant le cancer dans le fonctionnement global des organismes. La question reste donc, tout d'abord, de comprendre comment a été bâti ce modèle. Notamment, quels ont été les rôles propres d'une hypothétique science pure, de la clinique, et de la recherche inspirée par l'usage? Deuxièmement, il faudra s'interroger sur la dynamique à l'œuvre dans l'utilisation de ce modèle explicatif: comment se fait le transfert des connaissances vers la génération de nouveaux traitements? A-t'on alors nécessairement besoin d'une science autonome pour en assurer l'efficacité? Troisièmement, il faudra aborder la question du pluralisme, qui sera développée plus en détail dans le dernier chapitre: l'autonomie de la science garantit-elle la diversité des pistes d'investigation explorées en cancérologie?

b) Les premiers programmes de criblage (1955-1975)

Les débuts de l'ère moderne de la chimiothérapie peuvent être directement reliés à la découverte de la moutarde azotée comme un traitement efficient du cancer (…) Goodman et Gilman proposèrent, en Mai 1942, que ce réactif pouvait détruire une tumeur lymphoblastique, sur la base d'autopsies de soldats exposés à du gaz moutarde durant la seconde guerre mondiale2

Les rémissions obtenues, par ce procédé, sur un patient atteint d'un lymphome non- Hodgkinien, établit le principe de la chimiothérapie : une drogue peut-être administrée pour induire la régression des tumeurs. Sans connaître les voies d'action des moutardes azotées, des chimistes se lancèrent donc dans la synthèse de nouveaux agents analogues à celles-ci. Malgré l'apparition rapide de résistances, et le retour inexorable du cancer après une première phase de régression, ces résultats ouvrirent la voie à une nouvelle forme de traitement du cancer.

Sydney Farber est l'autre figure clé de ces pionniers de la chimiothérapie. En injectant un analogue de l'acide folique à des enfants atteints de leucémie, Farber généra des rémissions spectaculaires. Cette vitamine avait été caractérisée en 1937 comme nécessaire à la génération de globules blancs. Par analogie, Farber formula l'hypothèse qu'en inhibant l'utilisation de l'acide folique par les cellules de la moelle osseuse -en injectant un analogue non fonctionnel-,

1

http://www.inserm.fr/thematiques/cancer/dossiers/cancers-les-mecanismes

2

la synthèse pathologique de cellules sanguine serait inhibée. Sans rien savoir du mécanisme d'action de sa drogue, il mit donc sur pied le premier traitement induisant des rémissions dans des cas de leucémie1. Sa molécule, le methotrexate, fut ensuite systématiquement testée sur différents types de tumeurs solides, avec quelques résultats marquants:

En 1958, huit ans après la découverte des antfolates par Farber, Roy Hertz et Min Chiu Li trouvèrent que les traitements par le methotrexate pouvaient soigner les choriocarcinomes 2

Ces premiers succès empiriques encouragèrent bientôt le développement d'un large programme de sélection de molécules actives. Le tout récent NCI (National Cancer Institut), dépendant du NIH, organisa le célèbre National Cancer Chemotherapy Programm (NCCP)3.

Nous allons, tout d'abord, en présenter les grandes lignes, avant d'étudier plus en détail le mode de construction des connaissances qui en découle.

Schéma général

L'organisation générale des protocoles de sélection de molécules anti-cancéreuse (screening) suit un schéma clair et abondamment documenté4. Comme le résume Emil Frei en 1982:

Un système linéaire a été organisé pour le développement de nouvelles drogues, incluant les étapes suivantes: (i) l'acquisition de nouveaux composés (ii) sélection (screening) (iii) production et formulation, (iv) toxicologie, (vi) essais cliniques

Ce schéma relie donc l'utilisation des molécules en clinique à un programme rigoureux de mise au point des traitements. Clairement, les phases les plus en aval sont les plus finalisées: les essais cliniques se déroulent suivant des règles définies où la créativité du chercheur entre peu en compte. A l'inverse, les phases (i) et (ii) sont plus floues quant au type de science qui doit y dominer. Il s'agit, en effet, de trouver et de sélectionner des molécules potentiellement actives. Intuitivement, une grande variété de type de raisonnements peut servir de point d'appui à cette démarche. On l'a vu, un raisonnement par analogie a ainsi permis de mettre au point des agents alkylants (moutardes azotées). L'utilisation des anti-folates par Farber est liée à une forme de raisonnement déductif (l'acide folique induit l'effet x, donc inhiber l'acide

1

MUKHERJEE S. L'empereur de toutes les maladies : une biographie du cancer, op.cit.

2

CHABNER B.A., Chemotherapy and the war on cancer, art. cité, p.66

3

FREI E. The National Cancer Chemotherapy Program. art. cité.

4

folique empêche x). Corrélativement à cette question des types de raisonnement, le problème des formes prises par l'organisation de la science est d'importance. La science pure, autonome, non directement assujettie à la lutte contre le cancer, a t-'elle été plus efficace qu'une recherche finalisée, entièrement tournée vers la découverte de molécules actives? Pour répondre à ces questions, nous allons préciser le fonctionnement de chacune des trois niveaux du NCCP, de l'aval vers l'amont: les tests et l'utilisation cliniques des drogues, l'étape de sélection (screening), et l'acquisition initiale des composés.

Utilisations cliniques: chimiothérapies couplées

Les tests cliniques, réalisés sur des patients, des molécules ayant passé l'étape de screening, fournissent aux praticiens une collection de molécules actives. Rapidement, la clinique devient un espace de tests empiriques, où des cocktails de cytotoxiques sont mis au point et administrés aux patients dans l'espoir d'augmenter la durée des rémissions. La chimiothérapie couplée (combination chemotherapy) s'impose alors comme l'activité de recherche principale des cliniciens. Le principe de base est le suivant:

La plupart du temps, le couplage des drogues est plus efficace que des agents uniques contre les cancers métastatiques1

La question à résoudre est alors celle-ci: étant donnée une gamme de x molécules à disposition, quel mélange est le plus efficace pour chaque type de cancer? A partir des années 60, et les premiers tests menés par Skipper, Frei et Freireich «combinant la vincristine, l'améthoptérine, le 6-MP et la prednisone2», la chimiothérapie se mua en une recherche constante des combinaisons médicamenteuses les plus efficaces. Les années 60 et 70 ont ainsi vu se développer des traitements couplés pour soigner différents types de lymphomes3. Dans les années 90, des résultats ont été obtenus de cette manière dans le traitement du cancer du côlon4. De manière générale, les méthodes de traitement mises au point par test empiriques dans la seconde moitié du XXème siècle forment la base des traitements actuels des cancers, comme le rappelle Chabner dans son article de review paru dans Nature (2005):

1

CHABNER B.A., Chemotherapy and the war on cancer, art. cité., p.66

2

MUKHERJEE S. L'empereur de toutes les maladies : une biographie du cancer, op.cit., p. 177.

3

MOXLEY J. et al., Intensive combination chemotherapy and X-radiation in Hodking's disease, Cancer res 27, 1967

4

MOERTEL C. et al. Levamisole and fluorouracil for adjuvant therapy of resected colon carcinoma. N Eng J. Med 322(6),1990

Les principes de base du traitement du cancer, développés dans les années 1950 à 1980, restent les même. Les tumeurs humaines forment un groupe très divers, même au sein des classifications histologiques, et manifestent rapidement cette diversité lorsqu'elles sont exposées aux chimiothérapies. Le défi, pour la prochaine décade, sera de mettre au point des essais combinant les drogues ciblées et les cytotoxiques d'une manière plus efficace

Il est frappant de constater que les méthodes employées par les acteurs de la lutte contre le cancer restent très empruntes d'un empirisme similaire à celui des cliniciens du XIXème siècle. Des outils sont à disposition, mais dont l'efficacité dépend en grande partie de tests cliniques menés sur la base des connaissances pratiques engrangées au fil des traitements. La chimiothérapie obéit donc en grande partie à la logique suivie, en son temps, par la radiothérapie. La question qui émerge alors immédiatement est celle des rapports entre les protocoles de soin et les travaux réalisés au sein du quadrant de Pasteur. Dans le cas de la chimiothérapie, il s'agit donc de s'interroger sur les méthodes de sélection et de criblage (screening) des molécules actives.

Méthodes de criblage (screening)

Les stratégies de criblage ont pour but de sélectionner, au sein d'un grand nombre de molécules proposées a priori, celles qui sont dotées d'un potentiel thérapeutique. Ces programmes de criblage étaient réalisés, originellement, sur deux lignées de souris présentant des formes de leucémies. Ce modèle, bien que peu cher et facile d'emploi, introduisait un nombre importants de biais vis-à-vis des tumeurs solides humaines1. A la fin des années 80, les méthodes de criblage ont donc connu une série de mutations importantes. Notamment, en 1989, le NCI adopta un protocole incluant un groupe de soixante lignées cellulaires, représentatives d'un grand nombre de cancers humains (cerveau, colon, leucémie, poumon, ovaire, reins). Les drogues sont testées in vitro sur ces lignées cellulaires. En suivant ce protocole, il a été possible, pour chaque molécule active, d'établir une liste des types de cellules sensibles. De manière intéressante, l'ensemble des lignées sur lesquelles agit une drogue est corrélée avec son mécanisme d'action2. Cette observation a des conséquences importantes vis-à-vis des implications du criblage sur la construction des connaissances théoriques et pratiques autour du cancer. Nous approfondirons cette idée dans la section c).

1

TAKIMOTO C. Anticancer drug development at the US National Cancer Institut. Cancer Chemoter Pharmacol 52, 2003

2

Avant cela, penchons nous sur l'étape la plus riche du NCCP: la sélection des molécules entrant dans le protocole de criblage.

Origines des molécules testées

Les médicaments de la liste de Frei avaient essentiellement trois sources.