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Recensement et comparaison d’études analogues à notre action

Chapitre 6 : Comparaison avec d’autres initiatives analogues,

2. Champ de la recherche : Didactique des langues étrangères

3.6.1. Recensement et comparaison d’études analogues à notre action

Les études que nous allons présenter et discuter ici sont issues de différents domaines de recherches, tels que la sociolinguistique ou la linguistique, et ont le point commun d’être incluses dans une recherche didactique. Les chercheurs, après des phases de cadrage théorique et diagnostique, ont admis l’hypothèse d’un impact potentiellement positif du plurilinguisme sur l’apprentissage d’une langue étrangère, et plus particulièrement du développement de la conscience métalinguistique des apprenants concernant ce plurilinguisme.

La première recherche que nous allons présenter a été menée sur deux ans par Auger (2008), selon une « sociolinguistique du changement » dont l’originalité consiste à proposer des outils de terrain (Auger, 2008 : 187). Elle a suivi un protocole méthodologique similaire à celui de la recherche-action, avec une phase diagnostique, l’élaboration d’un outil de classe et un recul évaluatif. Les chercheurs ont conçu un DVD permettant la comparaison de différents systèmes langagiers présents dans la classe. Cela permet à la fois une réflexion métalinguistique sur plusieurs langues, ainsi qu’une valorisation de la diversité des répertoires langagiers des apprenants. Comme nous, ils ont comparé les systèmes linguistiques du chinois, de l’anglais et du français concernant

le point particulier de l’expression de la temporalité du passé. Dans cette étude, le but final est l’empowerment7 des apprenants et des enseignants concernant les langues comparées.

Comme nous l’avions souligné dans notre cadre théorique, selon Otwinowska- Kasztelanic (2011) et Bono (2011) la conscience métalinguistique du plurilinguisme doit être développée chez les apprenants, mais aussi et surtout chez les enseignants. Car ce sont eux qui manipulent les outils et de leur réception vis-à-vis de ce produit dépendra aussi son accueil par les apprenants. Le recul évaluatif de cette étude s'est fait par une analyse de données récoltées auprès des enseignants. Cette analyse révèle certaines peurs chez les enseignants liées à la répartition préconçue du pouvoir dans une relation d’enseignement-apprentissage, car cet outil permet un travail sur des langues maîtrisées par les apprenants, mais pas par l’enseignant. La construction des connaissances se fait en commun, avec une « puissance » accordée aux apprenants.

La différence avec notre étude est que la nôtre ne concernait qu’un seul enseignant-chercheur, qui a utilisé ses propres outils, dans la perspective où il les avait conçus. Se faire interroger par un pair dans une perspective réflexive a cependant mis à jour certaines de nos préconceptions, auxquelles nous avons ensuite tâché de prêter attention dans la suite de nos recherches, notamment sur le statut que nous accordions aux langues en présence. Mais nous voyons que pour un outil similaire, visant une comparaison métalinguistique, mais utilisé à une plus grande échelle, il faudrait prendre en compte de manière plus spécifique les préconceptions de l’ensemble des acteurs de l’apprentissage qui sont destinés à l’utiliser. Nous devrons donc prendre en compte cette question en vue d’un élargissement éventuel.

Les entretiens avec les acteurs du secteur de l’enseignement du français langue étrangère en Chine nous ont révélé que les autres langues des apprenants peuvent être considérées par les enseignants comme un obstacle à l’apprentissage. Si pour certains elles sont l’objet d’une démarche conscientisée en fonction d’objectifs linguistiques et didactiques, pour d’autres elles sont utilisées uniquement en cas de « blocage ». Le plan d’action devrait contenir, sur une plus large échelle, un moyen de pousser les enseignants à interroger leurs pratiques.

7Empowerment : utilisé dans sa version originale dans le texte et traduit par le terme de « puissance ».

« Nous préférons ˝puissance˝ à ˝pouvoir˝ qui nous semble être une traduction de ˝power˝ » (Auger, 2008 : 190)

Il ne s’agit pas de juger ou de hiérarchiser les pratiques. Simplement, l’étude de Auger (2008) nous montre que pour qu’une mise en pratique d'un plan d’action soit efficace, il faut que les outils de classe qui le composent soient utilisés dans la perspective où ils ont été conçus, sous peine de rendre caduque toute évaluation de leurs effets. L’utilisateur de l’objet didactique a autant d’influence que l’objet en lui-même.

Nous allons maintenant présenter la méthode EuRom4 (Blanche, Benveniste et al. 1997) visant à l’intercompréhension de langues étrangères typologiquement proches. Cette méthode, issue de la recherche, est à présent un outil fonctionnel utilisé en classe afin de permettre à des adultes d’accéder en peu de temps à la compréhension d’autres langues romanes, cette méthode étant utilisée par des locuteurs de langue romane eux aussi. Le moyen pour atteindre cet objectif est similaire à celui que nous avons utilisé, en poussant les apprenants à comparer les différents systèmes linguistiques des langues afin d’effectuer des rapprochements. Cette méthode « repose […] sur l’utilisation maximale des ˝transparences˝ » (Caduc et Castagne, 2002 : 24)

C’est là une différence avec le plan d’action que nous avions mis en place. Dans notre cas, nous avons effectué une comparaison entre les langues, mais les apprenants étaient menés à noter autant les différences que les ressemblances entre ces langues. Nous pouvons d’ailleurs remarquer que l’objectif dont l’accomplissement est potentiellement le plus évident concerne justement celui d’une ressemblance entre le français et l’anglais, à savoir la nature même de l’expression de sa temporalité, avec des formes verbales fléchies pour marquer cette temporalité. Les objectifs s’appuyant sur les points de divergence entre le français et l’anglais ont au contraire eu une efficacité moins évidente, dans le cas de l’utilisation pragmatique de l’imparfait et du passé composé, voire non observable, dans le cas de la formation du passé composé.

Cela signifie peut-être qu’en poussant les apprenants à comparer des systèmes linguistiques typologiquement proches, il est plus efficace de mener les apprenants à établir des ressemblances entre les langues plutôt qu’à noter les différences. C’est-à-dire qu'il est peut-être plus efficace de favoriser les transferts positifs, et dans le même temps de diminuer la distance psychotypologique entre les langues, plutôt que d’essayer de limiter les transferts négatifs. Car un corollaire de la mise en évidence de différences entre les langues peut aussi être une défiance vis-à-vis de la langue en question de la part de l’ensemble des acteurs de l’enseignement-apprentissage. Le statut de la langue pourrait être influencé, avec le risque de limiter encore les transferts positifs.

Nous retenons de cette mise en comparaison avec des interventions didactiques similaires plusieurs points, qui seront à prendre en compte dans l’élargissement de ce plan d’action. Tout d’abord, il est important de prendre en considération les préconceptions des enseignants et des apprenants, ainsi que l’influence que le plan d’action pourrait avoir sur celles-ci. Ensuite, il pourrait être plus judicieux de miser sur la promotion des transferts positifs à faire entre les langues, par le biais de comparaisons des ressemblances entre les langues, plutôt qu’avoir l’objectif de limiter les transferts négatifs.

3.6.2. Élargissement de notre plan d’action à d’autres terrains et à d’autres objectifs