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CHAPITRE 4: LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS

1- Rationnel pour le choix d'un modèle d'étude des effets des PEs:

Les données obtenues sur les effets des PEs sont issues de différentes études: épidémiologiques, expérimentales, in vivo ou in vitro. Chaque type d'étude apporte des informations différentes pouvant se recouper. Les études épidémiologiques étant les données les plus pertinentes pour les effets sur l'homme mais il est difficile de contrôler strictement l'exposition [630]. La mise en place de cohortes ces dernières années où les individus sont suivis dès la grossesse apporteront certainement des données très intéressantes sur les effets à long terme des PEs. C'est le cas par exemple la cohorte ELFE (Etude Longitudinale Française dès l'Enfance) qui permet d'évaluer l'exposition de plus de 4000 femmes à divers PEs environnementaux durant leur grossesse [631, 632]. Les modèles expérimentaux in vitro et in

vivo permettent d'évaluer spécifiquement l'effet d'une molécule ou d'un mélange de molécules

et d'étudier finement les mécanismes d'action; ils posent toutefois la question de l'extrapolation à l'homme, notamment pour des expositions à de faibles concentrations.

1-1- Pourquoi le modèle in vivo plutôt que le modèle in vitro?

Si les tests in vitro, sont rapides, facilement reproductibles et sont relativement économiques, ils ne permettent cependant d’obtenir que certaines informations limitées et présentent plusieurs défauts. En effet,

- ils est impossible de stimuler in vitro des systèmes endocriniens entiers ni d'analyser les interactions intercellulaires qui existent dans un tissu vivant

- ils ne prennent pas en considération les interactions métaboliques qui existent dans un organisme in vivo

- ils ne permettent pas de répondre aux conséquences toxiques de l'exposition à une molécule sur l'organisme entier

- ils ne permettent pas d'étudier l'effet d'une exposition sur une condition donnée (pas d'espace spatio-temporel)

Dès lors, l'utilisation d'un modèle in vivo semble la plus adéquate pour étudier la réponse d'un organisme à une exposition à un PE. Elle nous permet en plus d'étudier l'effet de

l'exposition à cette substance à différents moment de la vie (exposition intra-utérine vs à l'âge adulte).

1-2- Recommandations de l'OCDE pour les modèles in vivo dans

l'exploration des effets chimiques sur la reproduction:

Différentes procédures OCDE ont été établies pour tester les molécules chimiques Nous avons listé dans le tableau suivant les protocoles les plus pertinents par rapport à l'exploration des effets d'une substance de type PE sur l'organisme.

Les objectifs de ces test sont (1) d’identifier le ou les organe(s) cible(s) et les effets adverses, (2) d’apporter des informations sur le choix des doses pour les études subchroniques et chroniques et (3) de participer à la détermination d’une dose sans effet (NOAEL) et de la dose la plus faible où un effet adverse est observé (LOAEL) [633].

Ce qu'il ressort néanmoins de ces recommandations, est que malgré les relectures et les modifications qui y sont apportées, et même si certaines prennent en compte la période péri-conceptionnelle (essais 414, 415, 416, 421 et 422), aucune ne fait d’observation de la descendance mâle adulte ni d’analyses cellulaires et moléculaires de la spermatogenèse.

Etant donné la spécificité des antiandrogènes (par rapport au développement du tractus génital mâle) et sur la base de travaux antérieurs du laboratoire [569], nous avons choisi d'étudier les effets d'une exposition in utero sur les fonctions testiculaires adultes. Pour ce faire, nous avons développé un modèle expérimental d'exposition in utero de 11 jours (du

10ème au 21ème jour de gestation). Cette période correspond à la fenêtre de vulnérabilité

aux antiandrogènes. Cette exposition fœtale est ensuite comparée à un second modèle d'exposition de même durée (11 jours) survenant uniquement chez le rat mâle adulte sexuellement mature (exposition du 66ème au 76ème jour). Ces modèles expérimentaux seront développés dans les chapitres suivants.

N° Titre Durée d'exposition

fenêtre d'exposition

Age de sacrifice Procédure Buts Référence

407 Toxicité orale à dose

répétée pendant 28 jours sur les rongeurs

28j Adulte à la fin du traitement

Administration par voie orale sur rats sexuellement matures

Identification des organes cibles, effets adverses et NOAEL [546] 408 & 409 Toxicité orale à doses répétées (rongeurs/non rongeurs) : 90 jours 90j Pré-pubère (juste après le sevrage et avant 9 semaines) à la fin du traitement

Administration par voie orale prolongée sur rats sexuellement immatures jusqu'à l'âge adulte

Identification des risques liées à une exposition longue [634] et [635] 414 Etude de la toxicité pour le développement prénatal 16j Gestationnel (GD5 à GD20) la veille de la mise bas

Administration par voie orale Information générales sur les effets d'une exposition prénatale sur la femelle gestante et les organismes en développement

[636]

415 Etude de toxicité

pour la reproduction sur une génération

>70j chez le mêle et >15j chez la femelle et arrêt après accouplement

Adulte 4 et7 j pour la F1 Administration quotidienne avant accouplement sur

minimum 70j pour les mâles et 3 semaines pour les femelles Les petits sont sacrifiés à 4 et 7j

Etude des effets sur la performance de reproduction [637] 416 Étude de toxicité pour la reproduction sur deux générations >70j chez le mêle et >15semaines chez la femelle et arrêt après accouplement Pré-pubère et adulte après le sevrage pour la F2 et dès lors qu'ils ne sont plus utiles pour les P et F1

Administration quotidienne avant accouplement sur

minimum 70j pour les mâles et 3 semaines pour les femelles

Effets d'une substance d'essai sur l'intégrité et la performance des systèmes reproducteurs mâle et femelle, et sur la croissance et le développement de la progéniture. [638] 421 Essai de dépistage de la toxicité pour la reproduction et le développement >28j pour les mâles et 63j pour la femelle

Adulte PND13 Administration quotidienne: 14j( femelle) et 70j(mâle) avant accouplement + 14j maximum pour l'accouplement + 22j de gestation +13j de lactation

Effets d'un produit chimique d’essai sur le fonctionnement de la reproduction chez le mâle et la femelle

422 Etude combinée de toxicité à doses répétées et de dépistage de la toxicité pour la reproduction et le développement 28j pour les mâles et 54j pour la femelle

Adulte PND4 + PND13 Administration quotidienne: 54j( femelle) et 70j(mâle) avant accouplement + 14j maximum pour l'accouplement + 22j de gestation +13j de lactation

Information sur les effets adverses et des effets (notamment des PEs) durant la période prénatale et naissance

[640] 426 Etude de neurotoxicité du développement GD6 à PND21 Fœtale et périnatale

PND22 et PND70 Administration quotidienne par voie orale des femelles

gestantes et allaitantes

Effets de l'exposition répétée à une substance pendant le développement dans l'utérus, et la phase post-natale précoce [641] 451 Etudes de cancérogénèse à partir du sevrage et avant 8 semaines Pré-pubère, adulte et adulte vieillissant

24 mois Administration quotidienne essentiellement par voie orale de rats mâles ou femelles

Identification des propriété cancérogènes et des risques néoplasmiques, des organes cibles. Identification de la NOAEL [642] 452 Etudes de toxicité chronique à partir du sevrage et avant 8 semaines

Adulte 12 mois Administration quotidienne essentiellement par voie orale de rats

Identification de la toxicité chronique d'une substance et des organes cibles. Identification de la NOAEL

[643]

1-3- Choix de la souche Sprague Dawley:

Les rats de la souche Sprague-Dawley (SD) utilisée dans le cadre de ma thèse sont des rats dits "outbred", c’est-à-dire qu’il s’agit d’une race génétiquement non homogène. Ce caractère est essentiel car il permet de détecter des sensibilités individuelles qui ne pourraient pas être observées sur des lignée "pures" génétiquement homogènes. Dans le cadre des études toxicologiques, le choix se porte donc sur des souches "outbred" de race SD ou Wistar Han (WH).

Les rats SD permet d'assurer une certaine homogénéité de poids et de taille à un âge donné, ce qui permet de diminuer les variations. Le choix de cette race est confirmé par les protocoles de l'OCDE et du programme toxicologique national (PTN) du département US des services de la santé et de l'homme. En effet, des études menées par le PTN ont montré que les rattes WH présentent une portée plus réduite que les SD avec un sex ratio asymétrique [644, 645]. Ceci peut fausser les résultats d'études portant par exemple sur l'effet d'une molécule sur la fonction de reproduction. C'est pourquoi, plusieurs protocoles portant sur la fonction de reproduction ont été réalisées sur des rats SD [646, 647]. Selon la littérature et les caractéristiques décrites de chaque souche, il semble que les rats SD développent naturellement moins de cryptorchidie que les WH [648]; ce qui fait que les SD ont plus souvent été utilisés dans les études portant sur le testicule [649-651] ou plus spécifiquement sur l'effet d'une exposition aux PEs sur le testicule [652-654].

Afin de limiter au maximum les artefacts, dans le cadre de ma thèse, nous avons choisi d'utiliser la souche Sprague Dawley plutôt que la Wistar Han.

1-4- Choix du perturbateur endocrinien antiandrogénique: le

Flutamide:

Le flutamide est un antiandrogéne synthétique non stéroïdien standard. De part son activité antagoniste, il est utilisé (1) chez l'homme à indication thérapeutique dans le cancer de la prostate par exemple, (2) comme substance de référence dans les tests toxicologiques de perturbation endocrinienne et (3) comme standard de bioactivité pour doser une pollution

environnementale par un mélange de PEs à activité antiandrogénique (voir chapitre PE précédant). Par ailleurs, nombreuses données sont disponibles dans la littérature quant au mécanisme d'action et des effets du flutamide. Ceci a justifié le choix de cette molécule dans notre étude.