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La suppression des faux positifs permet de diminuer le nombre de tests inutiles et ainsi de faire de substantielles économies. Il existe également d’autres méthodes permettant de sélec- tionner plus finement les composés à tester afin de maximiser les chances de succès par rapport aux objectifs du projet.

2.3.1 Composés "drug-like"

Idéalement, on souhaiterait ne tester que les molécules ayant un fort potentiel à devenir un médicament : absence de toxicité, grande efficacité thérapeutique, bonne absorption pour les médicaments destinés à la prescription par voie orale, etc. En l’absence de définition universelle ou de méthode prédictive parfaite, de nombreuses études ont tenté de faire la différence entre une molécule biologiquement active et une molécule "drug-like" se rapprochant du médicament idéal [46–50].

La définition la plus célèbre d’un composé "drug-like" est celle de Lipinski [51]. A partir de composés administrés par voix orale ayant passé avec succès la phase 2 des tests cliniques, il observe que les molécules ayant le plus de chances d’être absorbées par voix orale satisfont au moins trois des caractéristiques suivantes : (1) un poids moléculaire inférieur à 500 Dalton, (2) un LogP calculé inférieur à 5, (3) un nombre d’accepteurs de liaison hydrogène inférieur ou égal à 10, (4) un nombre de donneurs de liaison hydrogène inférieur ou égal à 5. Avec un objectif similaire, Veber et al. [52] étendent ces règles en ajoutant deux contraintes sur la surface polaire (inférieure à 140 Å2) et le nombre de liaisons pouvant tourner (inférieur ou égal à 10).

2.3.2 Composés "lead-like"

Le terme "drug-like", bien que souvent associé aux règles de Lipinski, est malgré tout assez flou et a donc été maintes fois décliné afin de désigner des classes de molécules plus spéci- fiques. De nombreuses études ont par exemple été menées dans le but de distinguer les leads des médicaments et autres molécules. Une fois encore, la définition d’un lead reste globalement suggestive et de nombreuses études ont essayé d’établir des règles analogues à celles énoncées par Lipinski. L’idée part du constat que les molécules entrant en phase clinique sont souvent plus complexes et plus grandes que les leads à partir desquels elles ont été dérivées [53–56]. Ainsi, des filtres plus restrictifs permettant d’obtenir des composés plus simples ont été créés, le plus cité étant celui de Hann et Oprea [55] :

— Masse moléculaire < 460Da ; — −4 < Log P < 4, 2 ;

— Log Sw >= −5 ;

— Nombre de liaisons pouvant tourner < 10 ; — Nombre de cycles < 4 ;

— Nombre d’accepteurs de liaisons H < 9 ;

De manière assez similaire, Congreve et al. définissent une règle analogue à celle de Lipinski mais adaptée à la sélection de molécules pour du criblage sur fragments [57]. Ici, l’idée est également de sélectionner des molécules plus petites et plus simples :

— Masse moléculaire < 300Da ; — Log P < 3 ;

— Nombre de donneurs de liaisons H < 3 ; — Nombre d’accepteurs de liaisons H < 3 ;

Sans l’inclure explicitement à la règle originale énoncée dans l’article, les auteurs suggèrent également une extension de cette règle en ajoutant deux critères supplémentaires : nombre de liaisons pouvant tourner < 3 et aire de surface polaire < 60 Å2.

Récemment, de nouveaux critères ont également été introduits afin de caractériser les molé- cules pouvant servir de modulateurs des interactions protéine-protéine. Ainsi, à partir d’un ensemble de 39 inhibiteurs d’interactions protéine-protéine, Morelli et al. [58] définissent une nouvelle règle de 4 permettant de définir le profil générique de tels inhibiteurs :

— Masse moléculaire > 400Da ; — ALog P > 4 ;

— Nombre de cycles > 4 ;

— Nombre d’accepteurs de liaisons H > 4 ;

D’autres critères ont également été introduits plus récemment. Le concept de "Ligand Effi- ciency" décrit par Hopkins et al. [59] suggère ainsi que le ratio entre l’énergie de liaison et le nombre d’atomes lourds est une mesure efficace pour sélectionner les leads. Elle permet en effet de distinguer une molécule active et très complexe, d’une molécule ayant une activité équiva- lente mais pour une complexité moindre, permettant ainsi de sélectionner des leads ayant un plus grand potentiel à être modifiés par la suite. D’autres indices de ce type ont été suggérés par d’autres groupes, en prenant cette fois en compte l’aire de la surface topologique polaire ou la lipophilicité [60–64].

2.3.3 Chimiothèques focalisées

Lorsque l’on dispose d’informations concernant l’existence de molécules actives sur une cible d’intérêt, des chimiothèques spécifiquement dédiées au criblage sur cette cible (ou sur une certaine famille de cibles, comme les Kinases) sont en général utilisées. Cette idée repose sur le principe de similarité, qui énonce que deux molécules similaires auront de fortes chances d’avoir des propriétés biologiques similaires [65–70]. En incluant dans une chimiothèque un certain nombre de molécules similaires aux actifs connus, on augmente théoriquement les chances de trouver de nouvelles molécules actives, avec pour effet de bord l’exploration d’une zone restreinte de l’espace chimique. La chémoinformatique et la modélisation moléculaire jouent alors un rôle important dans ce processus de sélection à travers l’utilisation de méthodes de recherche par similarité [69, 71,72], d’amarrage moléculaire ou de QSAR.

2.3.4 Chimiothèques diverses

L’une des méthodes ayant été beaucoup mise en oeuvre ces dernières décennies est la sélec- tion de molécules sur des critères de diversité. L’idée est à nouveau d’introduire plus de ratio- nalité en sélectionnant les molécules, non pas au hasard, mais de telle sorte qu’elles maximisent la couverture d’un espace chimique connu, tout en minimisant la redondance. De nombreuses études ont pu ainsi montrer qu’utiliser une chimiothèque diverse permettait d’augmenter le taux de hits lors de campagnes de criblage [73–80], permettant ainsi de maximiser les chances de trouver des molécules actives tout en optimisant les ressources allouées. La diversité reste par ailleurs une notion subjective, qui dépend notamment de la manière dont sont décrites les molécules, ainsi que de la métrique utilisée pour les comparer. Nous l’introduirons, ainsi que les moyens de la quantifier et de créer des chimiothèques diverses, plus en détails dans les sections consacrées à la chémoinformatique.

2.3.5 L’oeil du chimiste

L’ensemble des méthodes décrites sont issues de l’expérience accumulée au fil des ans au sein des équipes de criblage et on a vu qu’il existe de nombreuses études disponibles dans la littérature sur les bonnes pratiques à appliquer lors de la sélection des composés à cribler. Un facteur parfois omis est l’expérience même des chimistes médicinaux. Après tout, ce sont ces derniers qui, suite au criblage, vont travailler autour des molécules sélectionnées. Chaque chimiste ayant sa propre expérience, voire même sa propre "chimie", il sera lui même capable de reconnaitre du premier coup d’oeil un composé difficile à synthétiser ou modifier, ou même un composé qui ne possède pas les propriétés physicochimiques ou ADME pour en faire un bon

médicament. Ces critères de sélection, parfois subjectifs, sont néanmoins difficiles à mettre en oeuvre durant la phase amont de recherche. Ils sont en général appliqués lors de la sélection de

Leads.

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