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Rationaliser les interventions directes.

Dans le document Toute la mémoire du monde (Page 54-56)

Un nouveau modus vivendi avec les professions du cinéma.

III. Rationaliser les interventions directes.

Les outils d’intervention publique étatique existent : financement des Archives françaises du film, conventions de restauration, subventions à la Cinémathèque française, à la BiFi, à la Cinémathèque de Toulouse et à l’Institut Lumière de Lyon, soutien au réseau de la FCAFF (cinémathèques en régions). Les collectivités locales sont également impliquées dans le soutien aux institutions patrimoniales et le seront vraisemblablement davantage à l’avenir.

Le système actuel est cependant perfectible, tant en ce qui concerne l’adéquation entre institutions et missions que pour ce qui touche aux modes de financement des politiques publiques correspondantes.

Qui peut, en France, restaurer du matériel cinématographique ? Tout détenteur privé peut, évidemment, le faire sur ses propres deniers. Il peut également passer des conventions de restauration avec les archives françaises du film, par lesquelles l’Etat finance la restauration des matériels, dans les limites qu’elles définissent. L’Etat se voit alors verser un pourcentage de la recette d’exploitation future du matériel restauré. Il acquiert également un droit de valorisation du matériel restauré (à l’intérieur d’un périmètre fixé par la convention de restauration). En théorie, le système fonctionne comme une avance sur des recettes futures éventuelles, puisque le détenteur du matériel n’est pas tenu de l’exploiter après sa restauration. En pratique, c’est d’une subvention qu’il s’agit : le « taux de retour » effectif des recettes reversées au CNC est faible, de l’ordre de 3 %, pour une charge de gestion administrative lourde pour les ayants droit comme pour les services du CNC. En interne, la recette n’est pas affectée au budget des Archives françaises du film. Par ailleurs, la restauration n’est pas toujours systématiquement réalisée par les Archives, mais peut être sous-traitée par des laboratoires privés sélectionnés conformément au code des marchés publics : les conditions économiques dans lesquelles les archives

parviennent à acheter ces prestations déterminent la rentabilité de l’exercice ou, au moins, le niveau de crédits publics finalement engagés.

Le système actuel est marqué par une certaine confusion et un amalgame des missions, au sein de la Direction du patrimoine cinématographique et des archives. La DCP/AFF est à la fois prescripteur, financeur et opérateur de la politique nationale de restauration. Par ailleurs, les conventions présentent des inconvénients majeurs :

- D’abord, le système apparaît comme peu transparent puisqu’il n’existe pas un modèle de convention mais deux (une convention type et une convention particulière).

- En second lieu, le système ne permet pas à l’Etat d’élaborer les axes d’une politique de restauration du patrimoine, puisque c’est dans la plupart des cas l’ayant droit qui est à l’origine de la convention, dont il peut dans les faits imposer les termes à l’Etat, notamment au niveau de la restauration (photochimique ou numérique, restauration des masters vidéo ou du matériel film, etc.). L’Etat n’est évidemment pas en mesure d’imposer, pour des raisons d’intérêt public, à un ayant droit de faire procéder, par l’intermédiaire des archives, à une restauration : soumettre une politique publique de restauration au système actuel des conventions conduit à risquer de ne pas restaurer des éléments irremplaçables du patrimoine cinématographique.

- En troisième lieu, les Archives ont une faible capacité de suivi quant aux éventuelles recettes d’exploitation des films restaurés. La démarche de l’Etat n’est en effet pas commerciale et l’optimisation du taux de retour n’est pas recherchée.

À première vue, le système peut sembler comparable à l’Avance sur recettes. Dans les faits, il conduit à financer à fonds perdus des opérations de restauration sans permettre à l’Etat de déterminer une politique publique.

Dès lors, la mission a établi deux diagnostics :

- il est nécessaire de séparer ce qui relève de la détermination d’une politique publique de ce qui relève du travail technique, physique, de restauration des matériels.

- Il faut travailler sur de nouveaux mécanismes de financement de l’activité de restauration, en se référant, par souci de simplicité, à des dispositifs déjà existants.

Il a été recommandé supra d’éloigner fonctionnellement la Direction du patrimoine cinématographique des Archives françaises du film. Si la DPC dispose du pouvoir d’élaboration d’une politique publique, les Archives n’en sont, s’agissant de matériels détenus par des personnes privées et nécessitant une restauration, qu’un des opérateurs, en concurrence avec d’autres (les laboratoires privés). Il est donc déterminant que la DPC se comporte comme un prescripteur de normes applicables à l’ensemble du secteur et les Archives, pour leur mission de restauration, comme un opérateur autonome disposant d’outils d’analyse efficaces des coûts permettant en particulier d’éviter les subventions croisées, agissant dans un univers concurrentiel. C’est à cette condition qu’une certaine neutralité du dispositif peut apparaître, les Archives françaises du film jouant dans celui-ci le rôle d’un opérateur comme un autre.

Dans le cadre d’une telle évolution, il est nécessaire également de porter une attention particulière aux détenteurs de patrimoine que sont les cinémathèques, institutions de droit privé subventionnées gérant une collection issue la plupart du temps de dépôts volontaires. Il est clair en premier lieu, et ceci est particulièrement vrai pour la Cinémathèque française, que leur politique de restauration doit être guidée par une logique de programmation, avant d’être de servir les intérêts des déposants. En ce sens, la Cinémathèque française doit être en mesure de faire écran entre les déposants et le processus de restauration. En second lieu, les cinémathèques ne sont pas faites pour être directement des opérateurs de restauration. Enfin, un mécanisme incitateur généraliste doit tenir compte des spécificités de ces institutions, en préservant, voire en développant, leur patrimoine valorisable.

Dans le document Toute la mémoire du monde (Page 54-56)