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CHAPITRE III – ARTICLE 2

4.4 Odds Ratio Product (ORP)

La communauté de la médecine du sommeil émet des doutes, et ce depuis les années 90 (Kubicki & Herrmann, 1996), sur la réelle précision des stratégies de codification des tracés EEG du sommeil introduites dans les années 60 par Rechtschaffen et Kales (1968).

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Fait à noter, malgré plusieurs amendements (Iber, Ancoli-Israel, Chesson & Quan, 2007) ces règles sont encore à ce jour considérées comme la mesure étalon de la codification du sommeil (Kuna et al., 2013; Magalang et al., 2013; Malhotra et al., 2013; Merica & Fortune, 2011; Younes, Raneri & Hanly, 2016). Il est reconnu, à ce jour, que ces règles ne distinguent pas adéquatement les patrons des époques EEG de 30 secondes d’un même stade de sommeil (Merica & Fortune, 2011). Une nouvelle approche de correction des époques et des stades de sommeil, le Odds Ratio Product (ORP), a été développée par l’équipe du Dr. Younes (Younes, Ostrowski, Soiferman, Raneri, & Hanly, 2015) afin de répondre à cette critique. Fait à noter, l’ORP se différencie de la PSG traditionnelle par son approche envers la continuité et la profondeur du sommeil. La continuité du sommeil est calculée toutes les 3 secondes avec l’ORP comparativement à 30 secondes avec la PSG. De plus, l’ORP calcule les chances qu’un dormeur se réveille, d’où son nom de Odds Ratio. Plus les chances que le dormeur se réveille sont basses, plus l’indice ORP sera bas. La présente thèse est la première recherche qui explore l’impact de la tDCS sur la profondeur du sommeil ainsi que sa continuité avec un nouvel indice de cotation objectif du sommeil; le Odds Ratio Product. Plus précisément, les résultats ont montré que le groupe placebo avait augmenté son indice de sommeil ORP. Cependant, contrairement à notre hypothèse, le groupe expérimental n’a pas diminué son indice ORP dans aucune des catégories (0-1; 1-2; 2-2.5). Néanmoins, les participants du groupe expérimental ont augmenté subjectivement leur temps total de sommeil. Ces résultats suscitent plusieurs interrogations qui seront discutées dans la prochaine section.

Fait important à noter, le taux d’attrition d’environ 23% rapporté dans la présente thèse (Articles 1 et 2), est semblable à celui de la TCC-I, 26,2% selon la méta-analyse de Fernandez et collègues (2015). Le taux d’attrition de cette étude est donc attribuable à deux possibilités qui devront être prises en considération. Premièrement, l’attrition de 23% est due à un mauvais signal électrique enregistré par la polysomnographie ambulatoire. Cela peut être dû au fait que les participants n’ont pas suffisamment nettoyé leur visage (afin d’enlever la solution saline) à la suite de la stimulation tDCS, ce qui pourrait avoir eu pour effet de décoller les électrodes durant la nuit. La deuxième cause réside dans le fait que les nouvelles électrodes, en matière gélatineuse, n’adhèrent probablement pas suffisamment à la peau et se décollent trop facilement comparativement aux électrodes utilisées lors de la

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polysomnographie traditionnelle. Il est donc important de souligner que l’attrition n’est pas en lien avec le retrait physique des participants mais plutôt en lien avec les limites de la polysomnographie ambulatoire. Donc, afin de diminuer le taux d’attrition, les participants devront être mieux informés des répercussions quand leur visage n’est pas suffisamment nettoyé et des conséquences des résidus de solution saline sur leur peau. Pour ce qui est des électrodes, une meilleure matière gélatineuse devrait être utilisée ou, à tout le moins, du ruban médical adhésif devrait être utilisé afin de solidifier l’emplacement des électrodes pour une meilleure adhérence et un meilleur signal électrique des tracés EEG.

4.4.1 Différences hommes et femmes

Il existe des différences entre les hommes et les femmes en ce qui concerne la qualité du sommeil, l'architecture du sommeil, la durée du sommeil et la latence du sommeil dans la population en général et chez les étudiants-athlètes (Ohayon, Reynolds & Dauvilliers, 2013; Tsai & Li, 2004). Nos résultats montrent donc qu’autant les hommes que les femmes, à la suite d’une stimulation tDCS, avaient estimé leur durée de sommeil plus longue qu’ils ne l’avaient fait avant la stimulation. Cependant, il y a eu une augmentation objective de l’indice 0-1 de l’ORP chez les hommes, contrairement aux femmes qui ont présenté une diminution de ce même indice. Alors que les hommes du groupe expérimental ont augmenté leur indice 0-1 de 41.57 minutes en moyenne, les femmes ont diminué le même indice de 11.03 minutes en moyenne. Cette différence entre les hommes et les femmes pourrait s’expliquer par le fait que les hommes ont un os pariétal plus spongieux et les femmes ont un os pariétal plus dense (Russell, Goodman, Wang, Groshong & Lyeth 2014). En fait, le crâne est un os à haute résistance et complexe sur le plan anatomique qui a un impact majeur sur la densité du courant. Cependant, Russell et ses collègues (2014) ont indiqué que, pour la même intensité de courant et la même taille d'électrode, les hommes recevaient beaucoup plus de courant que les femmes, ce qui pourrait s'expliquer par les différences de densité osseuse. De plus, avec toujours la même intensité de courant et la même taille d'électrode, il y avait de grandes différences dans la quantité de courant reçue par les participants lors des comparaisons entre les sites frontaux et pariétaux (Russell, Goodman, Wang, Groshong & Lyeth 2014). Ces différences n'ont pas été prises en compte dans notre procédure et pourraient expliquer la différence entre les hommes et les femmes de nos groupes expérimentaux. Par ailleurs, des

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études antérieures ont montré que l'incohérence dans les résultats tDCS pourrait être attribuée aux différences individuelles au niveau de l'anatomie du crâne. Plus précisément, envers son épaisseur, qui peut grandement influencer la densité du courant qui pénètre durant la stimulation (Horvath, Carter & Forte, 2014; Kim et al., 2014). Compte tenu de l’incohérence persistante des résultats tDCS, ces différences appellent à des protocoles individualisés associés à la densité des os et à l’intensité du courant.

4.4.2 Estimation du sommeil

Nos résultats indiquent que, indépendamment du sexe, à la suite d’une stimulation tDCS, les groupes expérimental et placebo ont augmenté leur estimation de sommeil de 49,20 minutes en moyenne. Comme il a été récemment démontré, si on observe une estimation positive du sommeil, alors on observera une meilleure qualité du sommeil et un meilleur fonctionnement cognitif diurne chez la personne (Gavriloff et al., 2018). En moyenne, les hommes du groupe expérimental ont augmenté leur temps total de sommeil subjectif de 60 minutes, contre 45,60 pour les femmes. Ces estimations positives suggèrent donc une meilleure qualité du sommeil.

Cependant, objectivement, après la stimulation tDCS, la durée totale du sommeil des deux groupes était similaire, même si les hommes avaient tendance à davantage surestimer la durée de leur sommeil que les femmes à la suite des sessions tDCS. Ces résultats soulignent davantage la différence fondamentale dans la perception du sommeil entre les hommes et les femmes. Avant la tDCS, les hommes avaient tendance à sous-estimer le temps total de sommeil comparativement aux femmes. Toutefois, à la suite des stimulations placebos et réelles, les hommes surestimaient plus que les femmes leur temps total de sommeil. Dès lors, il est plausible de croire que les hommes peuvent être plus sensibles ou réactifs à la tDCS ou peuvent être plus influençables étant donné l’effet placebo. L’hypervigilance peut induire chez les gens ayant des difficultés de sommeil une surestimation de leurs difficultés ainsi qu’une sous-estimation du temps total de sommeil (Fernandez-Mendoza et al., 2011) qui ne sont toutefois pas corroborées par les données polysomnographiques (Bastien, Vallieres, Ivers, Forget & Morin, 2004). Fait intéressant à noter lors de la conclusion de son article, Frase et collaborateurs (2019) mentionnent que le niveau de base d’hypervigilance des participants était l’un des meilleurs prédicteurs de l’absence d’effet de la tDCS. Dès lors, le

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niveau d’hypervigilance des participants devrait être pris en compte, à l’aide de l’indice ORP en se référant à la mesure du niveau d’hypervigilance/nombre de micro-éveils et ce, dès le début de l’étude. Ce niveau devrait même faire partie des critères d’inclusion et d’exclusion des participants afin de pouvoir comparer l’estimation du sommeil subjectif des participants au niveau d’hypervigilance à la suite d’une intervention tDCS. De plus, nos résultats indiquent que les femmes passent plus de temps que les hommes dans les deux indices ORP (1-2 et 2-2.5) qui représentent un sommeil superficiel. Ceci pourrait donc, en partie, expliquer la différence dans l’estimation du sommeil entre les hommes et les femmes de la présente thèse. Même si la durée de sommeil objective entre les hommes et les femmes est similaire, un indice élevé ORP indique une qualité ainsi qu’une profondeur inadéquate du sommeil chez les femmes. Ces résultats soulignent le besoin fondamental d'une approche individualisée du sommeil chez les hommes et les femmes étant donné leur différence marquée en sommeil. Cela pourrait ultimement mener à des interventions plus adéquates et efficaces. Cependant, plus de recherches sont nécessaires afin de mieux comprendre l’impact de l’hypervigilance de base sur le sommeil ainsi que la manifestation de cette condition sur l’estimation du sommeil des deux sexes.