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Introduction de la première partie

Chapitre 1 Rassembler, reconstruire, gouverner (1944-1947)

À la Libération, le Parti communiste français fut confronté à un violent « choc thermique », passant de la lutte armée et clandestine menée par une organisation resserrée et illégale à la participation au gouvernement d’un parti devenu le premier de France, en suffrages et en effectifs. Chacune de ces deux phases politiques était totalement nouvelle et déstabilisante, et le rapide basculement de l’une vers l’autre pouvait l’être encore plus. À la fois pris dans les enjeux d’un passé récent et tenu par de nouveaux engagements, le PCF dut se livrer à un important effort de redéfinition. Comme nous allons le voir, ce travail sur soi de l’institution touche aux fondements de l’identité socio-politique du parti et de son fonctionnement et il met en jeu des équilibres subtils entre ses membres. En ce sens, l’enjeu de la période 1944-1947 dépasse largement la ligne politique et pose les bases de l’histoire du parti dans la seconde moitié du siècle.

Le PCF à la Libération : nouveaux enjeux

Nous ne reviendrons pas ici sur le détail des enjeux propres à la phase de libération du territoire français ni sur les ambiguïtés qu’elle généra. Nos propres recherches n’ont pas porté sur cet aspect et nous ne saurions donc apporter des éléments nouveaux sur les ambitions communistes ou sur l’existence d’une logique de « double pouvoir » entre l’été et la fin de l’année 1944121. Notre analyse envisage avant tout le PCF en aval de cette phase, à partir du ralliement officiel du parti à la légalité républicaine. L’ampleur de ce revirement peut varier selon l’interprétation que l’on fait de l’attitude communiste dans les mois précédents, mais il est indéniable qu’un important changement de ton s’opéra alors. Cette évolution fut en grande partie la conséquence de l’entretien Thorez-Staline du 19 novembre122 qui préparait le retour en France du secrétaire général du PCF, réfugié en URSS depuis 1939. Le virage fut définitivement amorcé après son arrivée à Paris le 27

121

Les débats historiographiques sur la stratégie communiste avant novembre 1944 sont résumés dans BUTON P. « Méthodologie et historiographie de la stratégie communiste à la Libération » in Communismes, n°45-46, Paris, l’Age d’Homme, 1996.

122

« Notes de l’entretien du Cam. IV Staline avec le secrétaire général du CC du Parti communiste français le camarade Thorez », archives présidentielles de la Fédération de Russie, F 45/0/1/D/390/ff. 85-93, publié dans

novembre 1944, lors de la réunion du Bureau politique et de sa première apparition publique au Vel’d’Hiv’, le 30 novembre. Dans son discours, Maurice Thorez fixait les objectifs des communistes français : « Faire la guerre. Créer une puissante armée française. Reconstruire rapidement notre industrie, avant tout notre industrie de guerre (…). Préparer et créer dans l’union des cœurs et des cerveaux la renaissance de notre patrie, pour faire une France libre, forte et heureuse123. »

Une identité remodelée

Affirmer la continuité de l’engagement communiste

En août 1939, à l’annonce de la signature du Pacte germano-soviétique les communistes français s’étaient efforcés de démontrer la cohérence entre cette alliance et la lutte anti-fasciste menée depuis 1934-1935 autour de la tactique de Front populaire124. Dans les premiers jours, la défense du Pacte sembla pouvoir s’agréger au discours patriotique et anti-hitlérien qui avait cours depuis 1936, sans toutefois que cet argumentaire n’empêche la désorientation de nombreux militants125. La demi-mesure disparut rapidement, au profit de la dénonciation imposée par l’Internationale et les Soviétiques du caractère impérialiste de la guerre. De fait, l’alliance germano-soviétique mit officiellement la ligne anti-fasciste entre parenthèses jusqu’au déclenchement de l’offensive hitlérienne contre l’URSS, au cours de l’été 1941. L’orientation mise en place en septembre 1939, évoluait vers une tonalité de plus en plus pacifiste, dans les premiers mois de l’occupation allemande, avec la tentative de reparution légale de l’Humanité, épisode complexe et encore débattu126. À partir de septembre 1940, les positions communistes s’infléchirent à mesure de l’exacerbation des tensions entre l’URSS et l’Allemagne et de la réorganisation du PCF, jusqu’à regagner une logique nationale et anti- collaborationniste127.

123

Discours de Maurice Thorez au Vélodrome d’Hiver, 30 novembre 1944, publié dans les Cahiers du

communisme, n°2 (nouvelle série), décembre 1944, p. 15.

124

Sur l’anti-fascisme communiste, voir la synthèse de GROPPO B. « Fascismes, antifascismes et communismes » in DREYFUS M., GROPPO B., INGERFLOM C., LEW R., PENNETIER C., PUDAL B., WOLIKOW

S. (dir.), Le siècle des communismes, op. cit., p.499-511.

125

Voir MAITRON J.,« Les déchirements des militants » et PENNETIER C.et PECHANSKI D.,« Partir, se taire, rester : le choix des élus de la Seine » in AZEMA J.-P.,PROST A.,RIOUX J.-P.,Le Parti communiste français des années sombres (1938-1941), Paris, Seuil, 1986, p. 205-225.

126

Voir BOURDERON R., La négociation. Eté 1940 : crise au PCF, Paris, Syllepses, 2001 et BESSE J.-P.et PENNETIER C., Juin 40, la négociation secrète, Editions de l’Atelier, Paris, 2006, p. 23-27.

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À la Libération, le parti plaçait pourtant l’ensemble de la période sous le signe de la lutte anti-fasciste et patriotique et insistait uniquement sur son engagement pour la libération nationale. Ce schéma interprétatif de la continuité se mit en place dès la clandestinité128 et en décembre 1944, il était au cœur du cours de l’école élémentaire consacré au parti129. La brochure était avant tout un argumentaire théorique sur la nature, le fonctionnement et les objectifs de l’organisation, mais le passé récent y était rappelé de façon détaillée. Une page entière était consacrée au Front populaire et trois130 des seize pages proposaient un récit de la période 1934-1944 autour du thème du « Parti de la vigilance française ». Elles se concentraient sur l’action anti-fasciste du parti, à partir de la contre-manifestation du 6 février 1934, et sur la dimension patriotique de sa politique intérieure et extérieure dans le cadre du Front populaire puis de l’opposition à Munich. Le Pacte germano-soviétique était totalement éludé du récit de la période 1939-1940 au profit de la dénonciation de la trahison de la « drôle de guerre ».

Quelques mois plus tard, entre mars et mai 1945, les Cahiers du communisme proposèrent les « Pages d’Histoire131 » de Maurice Thorez. Ce texte daté d’avril 1944 reprenait le même argumentaire de façon plus détaillée. Sans évoquer une seule fois le Pacte germano-soviétique, il interprétait l’interdiction du PCF en août 1939 comme la conséquence de « sa fidélité à la politique d’amitié franco-soviétique, dont le peuple entier mesure aujourd’hui toute la valeur132. » Déjà largement analysée dans un article spécifique au mois de novembre 1944133, la « trahison de Munich » devenait l’événement majeur de l’avant-guerre sur lequel les communistes appuyèrent la défense de leur politique et de celle de l’URSS. En juin 1945, le Xème Congrès du parti à Paris, résumait les sept années écoulées depuis le précédent congrès d’Arles, en décembre 1937, par la formule : « Sept ans de luttes ardentes au service du peuple contre l’hitlérisme et le fascisme, pour une France libre, démocratique et indépendante134 ».

L’image d’un parti continuellement ancré dans le camp antifasciste, national et résistant répondait à une double contrainte externe et interne. À l’extérieur du parti, cette

128

Voir la brochure « Comment se défendre », signée de « La commission centrale des cadres du Parti communiste français », édition d’avril 1944, Imprimerie du PCF, p.5.

129

« Le Parti » 8ème leçon de l’école élémentaire du PCF, brochure, éditée par la section centrale de l’éducation du PCF, décembre 1944.

130

Ibid, p.7-10.

131

THOREZ M., « Pages d’Histoire », Cahiers du communisme, n°5-7 (nouvelle série), mars-mai 1945.

132

THOREZ M., « Pages d’Histoire », Cahiers du communisme, n°5 (nouvelle série), mars 1945, p. 15.

133

THOREZ M., « Il y a six ans : Munich », Cahiers du communisme, n°1 (nouvelle série), mars 1945, p. 11- 14.

134

lecture s’imposait dans un discours qui combinait valorisation de l’URSS, unité nationale et lutte contre le nazisme et dans un climat politique qui plaçait la Résistance en tête des critères de légitimité politique, face aux gaullistes et aux socialistes. À l’intérieur de l’appareil, elle correspondait à la nécessité d’unifier les expériences résistantes tout en maintenant la légitimité de la direction d’avant-guerre, et au premier chef de Maurice Thorez, dont la désertion et l’exil en URSS trouvaient une justification dans l’attitude défaitiste et anti-soviétique des démocraties135. Ainsi, la valorisation de « l’Appel du 10 juillet 1940 », insistait sur la signature commune de Thorez et Duclos et accentuait la tonalité patriotique voire antifasciste du texte en minimisant les dénonciations de la guerre impérialiste136. Cette relecture du passé permettait aussi d’étouffer les voix de dirigeants comme Tillon, Frachon ou Guingouin qui s’étaient élevés contre la politique conduite par Duclos au cours de l’été 1940, sans oblitérer l’immense prestige acquis par chacun d’eux dans la lutte clandestine. Le schéma proposé alors par le parti fut durablement défendu par ses dirigeants, bien au-delà de l’immédiat après-guerre137 et resta la source de violentes crispations face aux attaques des adversaires politiques138. Toutefois, le récit partisan qui s’élabora à cette époque exerçait une contrainte forte sur certaines expériences et mémoires résistantes, engendrant des contradictions qui éclatèrent dans les périodes suivantes139.

L’image d’un PCF victime et vainqueur de la guerre

Le Parti communiste mettait également en avant les sacrifices consentis par ses militants pour construire l’image d’un parti victime de la guerre et de l’Occupation. Ce travail de légitimation par le sang versé avait déjà largement débuté dans les colonnes de la presse clandestine, par exemple autour de la figure des fusillés. En novembre 1944, Jacques Duclos rappelait que le PCF « avait l’honneur d’être considéré par les Boches comme l’ennemi n°1140 ». Le parti s’efforçait d’apparaître comme la première victime de l’Occupation au sens à la fois chronologique, qualitatif et quantitatif. Au sens

135

COURTOIS S.,« Luttes politiques et élaboration d’une histoire : le PCF historien du PCF dans la seconde guerre mondiale », Communisme, n°4, Paris, L’Age d’Homme, 1983, p. 5-26.

136

RACINE N. « 18 juin 1940 ou 10 juillet 1940, batailles de la mémoire » in COURTOIS S.et LAZAR M. (dir.),

50 ans d’une passion française. De Gaulle et les communistes, Paris, Balland, 1991, p. 197-215.

137

LAVABRE M.-C.,Le fil rouge. Sociologie de la mémoire communiste, Paris, Presses de la FNSP, 1994, p.

206-219.

138

Sur le difficile travail de réévaluation de la période 1939-1941, voir la présentation de Jean-Pierre Azema dans AZEMA J.-P.,PROST A.,RIOUX J.-P.,Le Parti communiste français des années sombres (1938-1941), op. cit., p. 7-13.

139

Voir infra, Chapitre 2, p. 106 et suivantes.

140

chronologique, parce qu’il fut rejeté dans la clandestinité dès août 1939, parce que ses élus furent arrêtés et jugés au cours du printemps 1940 et parce que de nombreux communistes figuraient parmi les otages fusillés en octobre 1941. Cette précocité de la répression devenait en creux le signe de la précocité de l’engagement résistant et de la continuité anti- fasciste de la politique communiste. Première victime au sens qualitatif et quantitatif également, comme l’affirmait entre autres la formule du « parti des 75 000 fusillés ».

L’argument de la répression entendait en particulier contredire la légitimité résistante gaulliste, en opposant résistance intérieure et résistance extérieure. Dans son article déjà cité, Jacques Duclos écrivait en effet :

« C’est le Parti communiste qui, dès le premier jour de l’occupation, tandis que le général de Gaulle appelait à la Résistance depuis le micro de Londres, engagea le combat contre l’occupant (…).141»

L’appel de de Gaulle, lancé depuis Londres, s’opposait ainsi implicitement à l’appel de Duclos et Thorez, rédigé depuis le territoire français. Derrière cette querelle encore étouffée, s’affrontaient surtout deux conceptions de l’action résistante et deux modalités de légitimation par la Résistance. D’un côté une forme de résistance ouvrière et populaire, que les communistes présentaient comme à la fois spontanée et menée par eux, de l’autre la « conception erronée et dangereuse d’une prétendue armée secrète qui n’interviendrait qu’au jour J et qui devrait jusqu’à ce moment-là se garder de toute action, sous prétexte de ne pas se découvrir prématurément et d’éviter la répression142. » Si les communistes avaient subi une répression si brutale, c’était parce qu’ils avaient appelé à la résistance sur le territoire national et qu’ils s’y étaient lancés aux côtés du peuple dans les actions de sabotage et de lutte armée sans attendre le soutien allié ou extérieur.

La victimisation allait de pair avec les processus d’héroïsation d’un certain nombre de figures communistes et plus globalement avec la promotion de l’image d’une classe ouvrière unanimement anti-fasciste et résistante, derrière le Parti communiste. Comme le signale Marie-Claude Lavabre, la mémoire communiste tisse un réseau de sens qui met en cohérence « la classe ouvrière, son parti et la patrie du socialisme unis contre un ennemi absolu143 ». Cette « matrice d’évocation » s’est constituée dès la Libération, comme le confirment également les mémoires de Gérard Belloin, qui évoque l’impact de cette thématique au moment de son adhésion, en 1944 :

« J’étais admis parmi des hommes et des femmes qui avaient, à mes yeux, la caractéristique d’avoir payé le plus lourd tribut au combat patriotique. Derrière eux se profilait la multitude de leurs

141

Ibid, p. 5.

142

THOREZ M., « Pages d’Histoire », Cahiers du communisme, n°7 (nouvelle série), mai 1945, p. 11.

143

camarades morts, dont le sacrifice constituait la référence lorsqu’ils parlaient de leur « qualité de communiste » ou de « l’honneur d’appartenir au Parti. » Le caractère bouleversant du moment de l’adhésion découlait du sentiment d’entrer dans une communauté dont les meilleurs avaient sacrifié leur vie pour les buts qu’ils poursuivaient. C’était à eux désormais que, dans le secret de ma conscience, j’aurais à rendre compte de mes actes.144

En valorisant son rôle dans la Résistance, le Parti communiste s’efforçait donc de conquérir une place prépondérante dans un champ politique structuré par les critères de la légitimité combattante et patriotique et, en retour, il contribuait lui-même à promouvoir ce mode de légitimation.

Nation et classe ouvrière

Le Front populaire avait marqué une première inflexion du PCF en faveur de la Nation. À cette époque, le patriotisme communiste empruntait beaucoup à la tradition de la Révolution française ou au socialisme jaurésien et s’appropriait une tonalité républicaine et populaire autour de symboles comme la Marseillaise et le drapeau tricolore. À la Libération, l’exaltation patriotique était poussée plus avant par l’engagement du parti dans la Résistance et dans la guerre contre l’Allemagne. De plus, le cadre unitaire du Front populaire s’élargissait à un horizon d’Union nationale, malgré les concurrences à l’intérieur du camp résistant.

Le Parti communiste s’efforçait donc à cette époque de réactiver et de structurer l’image de « champion de l’indépendance nationale » proposée par Thorez en 1935. Le nœud de cette définition résidait dans l’articulation théorique Nation/Classe ouvrière/Parti. Là encore, les cours de l’école élémentaire du PCF offrent une expression synthétique qui illustre parfaitement cet argumentaire. Dans un premier temps, la brochure démontrait le rôle de la classe ouvrière dans la perspective nationale :

« En se libérant des trusts qui l’exploitent, la classe ouvrière libère la Nation tout entière des trusts qui la pillent, l’affaiblissent, la trahissent. La classe ouvrière est ainsi devenue la force nationale décisive (…). La lutte menée par le prolétariat contre la classe décadente n’est plus une lutte sociale ; elle est essentiellement nationale145. »

Cette première assertion redoublait l’opposition classe ouvrière/bourgeoisie d’une opposition national/cosmopolite. Dans cette logique, la soumission des capitalistes à leurs intérêts de classe établissait entre eux une solidarité internationale qui contredisait l’intérêt national. En tant qu’adversaire de la bourgeoisie, la classe ouvrière se trouvait donc mécaniquement placée dans le camp de la lutte nationale. Ce raisonnement était largement

144

BELLOIN G., Mémoires d’un fils de paysans tourangeaux entré en communisme, Paris, Editions de l’Atelier, 2000, p. 85.

145

mobilisé dans l’analyse de la période 1938-1940, Munich ou la défaite de 1940 démontrant la « trahison des trusts » contre le peuple et la Nation.

L’usage de cet argumentaire fut particulièrement décisif dans la période 1944-1947, dans la mesure où il permettait d’assimiler lutte nationale et lutte de classes, en opposant la « bataille de la production » au « sabotage des trusts », dans l’espoir de rallier les ouvriers à l’effort de reconstruction. L’exemple de cette opposition nous est donné par la brochure préparant la 2ème conférence fédérale de Seine-Sud en mars 1946 :

« Le courage de la classe ouvrière, le sabotage des trusts, le fait que ceux qui poussent à l’insouciance et à la paresse sont les mêmes que ceux qui ont prêché l’attentisme pendant la guerre, révèlent le sens profond de cette bataille pour la Renaissance française et du mot d’ordre « produire » lancé par notre Parti. En même temps qu’une bataille nationale pour le relèvement de notre pays, il s’agit d’une bataille de classe, d’une bataille où les trusts qui n’ont rien de français, qui ont livré l’économie et les travailleurs français à Hitler, trahissent une fois de plus en sabotant la reprise économique, dans l’espoir que, du chaos, renaîtra le fascisme, et où la classe ouvrière et son Parti communiste entraînent la Nation vers de nouveaux destins.146 »

Le deuxième temps de l’articulation Nation-Classe ouvrière-Parti résidait dans le lien entre les deux derniers termes. La définition du PCF comme « parti de la classe ouvrière » n’était bien sûr pas nouvelle. Elle était déjà dans une large mesure aux fondements de la démarche léniniste147, et l’assimilation entre Parti et Classe ouvrière avait été systématisée en URSS148 comme dans les partis occidentaux. La situation du parti à la Libération introduisait toutefois quelques nuances importantes. On réaffirmait bien sûr le rôle du Parti communiste comme « état-major de la classe ouvrière [qui] achève l’organisation du prolétariat149 », mais le parti cherchait également à valoriser son rôle auprès d’autres couches sociales, et là encore les thématiques nationales étaient importantes :

« Ce n’est nullement par l’effet d’une tactique occasionnelle ou d’un calcul quelconque que le Parti communiste, avant-garde de la classe ouvrière, est devenu le Parti de la Nation contre les trusts qui la pillent et la trahissent. En devenant le grand parti national de la France, le Parti communiste franchit une étape nouvelle de sa mission historique.150 »

La valorisation du rôle national de la classe ouvrière permettait ici de maintenir, sur un plan théorique, sa centralité dans la politique du parti tout en légitimant, sur la base du combat patriotique, l’accueil massif de nouvelles franges de la société.

146

«Fédération Seine-Sud, 2ème conférence fédérale, 1, 2 et 3 mars 1946 », brochure (sd), p. 9.

147

Voir INGERFLOM C., « Le Parti » et SIGELBAUM L., « Les ouvriers et les communistes en 1917-1939 », DREYFUS M., GROPPO B., INGERFLOM C., LEW R., PENNETIER C., PUDAL B., WOLIKOW S. (dir.), Le siècle

des communismes, op. cit., p. 144-145 et p. 173-176.

148

FITZPATRICK S., op. cit., p. 11.

149

« Le Parti » 8ème leçon de l’école élémentaire du PCF, op. cit., p. 5.

150

L’ensemble du raisonnement proposé à l’époque par le Parti communiste peut apparaître à juste titre comme une accumulation de syllogismes et d’effets rhétoriques. Mais cet effort de définition et de légitimation traduisait en réalité la complexité des enjeux d’identité auxquels était confronté le Parti communiste à la Libération. En conformité avec les orientations internationales de Staline, la reconstruction de la France occupait une place essentielle dans sa politique et son action. Pour répondre à cet objectif tout en maintenant son assise organisationnelle et sa légitimité, le PCF devait trouver une cohérence à des logiques parfois contradictoires : solidarité pro-soviétique, logique patriotique, logique de classe et logique partisane. Mais au-delà des faiblesses internes du raisonnement,

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