La question de la relation entre la littérature et la réalité est vielle de plusieurs siècles.
Au temps des grands philosophes comme Aristote et Platon, le problème était d’actualité
Définie comme l’usage esthétique du langage écrit ou oral, la littérature est une pratique
humaine. En tant que telle, elle ne se dérobe pas à la question sociale. De ce fait, la littérature
africaine écrite, née d’une histoire douloureuse et produite dans un environnement d’injustice,
laisse le signe tutoyer le réel. Fortunat Obiang Essono, enseignant de littérature francophone
et critique littéraire gabonais affirmait : « La situation sociopolitique offre à la création
littéraire une matière que les écrivains pourraient tout au plus habiller par la rhétorique toute
proportion gardée
34». A cet effet, le rapport entre création littéraire et réalité au Gabon est
une occasion pour nous de mettre en exergue l’une des plus anciennes modalités de la mise en
texte. Ainsi, l’ordre du texte et l’ordre social, souvent présentés comme deux réalités
distinctes, s’inscrivent-ils en littérature africaine en général et gabonaise en particulier, selon
un principe corrélatif. Ian Watt, dans son article Réalisme et forme romanesque publié dans
l’essai Littérature et réalité
35, s’exprime en effet en faveur du rapport entre la vie et l’art.
Les différentes formes littéraires imitent la réalité à des degrés très
divers; et le réalisme formel du roman permet une imitation de l’expérience
individuelle saisie dans son environnement spatio-temporel, plus immédiate
que ne le font les autres littéraires. En conséquence, les conventions du
roman sont beaucoup moins exigeantes pour le public que la plus part des
conventions littéraires; ce qui explique certainement pour quoi la majorité
des lecteurs, depuis les deux derniers siècles, ont trouvé dans le roman la
forme littéraire la plus apte à contenter leurs désirs d’une correspondance
étroite entre la vie et l’art
36.
Le contexte d’élaboration en littérature gabonaise occupe donc une place importance
dans la mise en discours du texte littéraire. A travers le roman, nous constatons que l’alchimie
34 Fortunat Obiang Essono, Les registres de la modernité dans la Littérature Gabonaise, Volume I, Ferdinand Allogho Oke, Lucie Mba, Augustin Moussirou Mouyama et Ludovic Obiang, op.cit. p. 31.
35 Roland Barthes, Leo Bersani, Philippe Hamon, Michael Riffaterre, Ian Watt, Littérature et réalité, Editions du Seuil, 1982. p. 11.
36 Ian Watt, Réalisme et forme romanesque, article publié dans Littérature et réalité, Editions du Seuil, 1982. p. 42.
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entre fiction et réalité est une donnée systématique dans l’esthétique romanesque au Gabon.
Le roman gabonais se situe donc entre ces deux facteurs. L’approche réaliste s’inscrit dans la
transcription des phénomènes liés à l’environnement de l’écrivain. C’est elle qui nous permet
parfois d’apprécier les romans gabonais comme un récit historique ou comme un simple récit
documentaire. Alors que l’approche fictionnelle, c’est l’appropriation du réel par l’auteur.
C’est une certaine modélisation du milieu ambiant par le romancier. Cette approche est de
l’ordre de l’imaginaire. Certains critiques littéraires pensent que la littérature tient toute sa
singularité dans cet aspect. C’est pourquoi ils vont s’insurger contre le lien de causalité entre
le texte et son contexte d’élaboration. Marcel Proust, Todorov, Michael Riffaterre vont
défendre cette position. Michael Riffaterre va même publier un article au titre évocateur
L’illusion référentielle dans lequel il parle de « la croyance naïve en un contact ou en une
relation directe entre mots et référents […]. Les mots, en tant que formes physiques, n’ont
aucune relation naturelle avec les référents : ce sont les conventions d’un groupe,
arbitrairement liées à des ensembles de concepts sur le référent, à une mythologie du réel
37».
Ce refus de corrélation exposé par Michael Riffaterre ne trouve pas notre assentiment, encore
moins celui des romanciers et des critiques littéraires gabonais. Fortunat Obiang Essono
contredit Michael Riffaterre en affirmant: « Au Gabon, comme partout ailleurs en Afrique, se
perçoit une constante qui est de l’ordre de la psychologie sociale et historique : une
dialectique du réel et de l’imaginaire traverse toute l’esthétique littéraire
38». L’écriture
romanesque au Gabon est donc une écriture qui ne se pose pas des limites dans son rapport à
la société. La corrélation entre texte et réalité est le meilleur moyen dont dispose le romancier
pour diffuser un message au lecteur afin que celui-ci se sente concerné par l’action militante
du livre.
Le discours engagé dans le roman est l’une des meilleures manifestations du lien étroit
entre la fiction et l’histoire. L’analyse du roman gabonais ne peut se faire sans tenir compte de
cette alchimie. Ainsi, les romanciers gabonais comme Hubert Freddy Ndong Mbeng, Maurice
Okoumba Nkoghé, Ferdinand Allogho Oke, Lucie Mba, Augustin Moussirou Mouyama,
Armel Nguimbi Bissielou, Ludovic Obiang, Peter Ndemby et Chantal Magalie
Mbazoo-Kassa, pour ne parler que de ceux-là, ont-ils pour spécificité commune la peinture de la
société gabonaise qui amène le roman à être caractérisé par son aspect dénonciateur. Le
37Michael Riffaterre, l’illusion référentielle, article publié dans Littérature et réalité, Editions du Seuil, 1982. p. 92-93.
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roman gabonais serait donc un objet complet extra-littéraire et intra-littéraire. Pour légitimer
ce constat, nous avons choisi deux points. Il s’agit de l’héritage littéraire et de la structure
fondamentale du texte littéraire gabonais. Ces différents points nous permettront de mieux lire
les premiers indices d’élaboration romanesque dans un contexte gabonais.
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I.1.Héritage littéraire
Il est important de revisiter les motivations des écrivains négro-africains pour
comprendre les fonctionnalités du roman gabonais. La naissance à Harlem aux États-Unis
d’un mouvement nommé la Négro-Renaissance avait beaucoup occupé les mémoires des
intellectuels africains. Puisqu’il était question dans ce mouvement de faire le procès des
inégalités sociales. Aussi, fallait-il s’exprimer en faveur de la prise de conscience de l’identité
noire. Des figures de ce mouvement comme Langston Hugues, Claude Mc Kay, Jean Toomer,
James Weldon Johnson, Stirling Brown et Franck Davies vont fortement inspirer les pères de
la Négritude. Ces derniers n’auront d’autres préoccupations que d’imiter l’action des Noirs
des États-Unis. Ainsi, c’est à partir du retentissement des évènements de Harlem que
l’intelligentsia noire à Paris eut une prise de conscience collective. Senghor, cité par Jacques
Chevrier ne cachait pas sa subordination aux actions des Noirs des États-Unis.
Au Quartier latin, dans les années trente, [...] nous étions sensibles
par-dessus tout aux idées et à l’action de la Négro-Renaissance dont nous
rencontrions à Paris quelques-uns des représentants les plus dynamiques.
Pour moi, je lisais régulièrement The Crisis… [...]. Les poètes de la
Négro-Renaissance qui nous influencèrent le plus sont Langston Hugues et Claude
McKay, Jean Toomer et James Weldon Johnson, Stirling Brown et Frank
Marshall Davies. Ils nous ont prouvé le mouvement en marchant, la
possibilité, d’abord, en créant des œuvres d’art, de faire connaître et
respecter la civilisation négro-africaine
39.
On assiste ici à l’aveu selon lequel la première inspiration référentielle du texte
africain était sociale et avait pour espace référentiel les États-Unis d’Amérique. Une
identification géographique que Jacques Chevrier atteste dans son œuvre Anthologie de la
Négritude, la littérature africaine.
C’est à Harlem que s’est cristallisé le mouvement qui dénonçait le
sentiment de mendiant culturel de Noir américain, manifestait la prise de
conscience de son identité et traduisait sa volonté de réhabiliter un long
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passé déformé par l’idéologie esclavagiste. C’est la même volonté
qu’exprime Claude McKay dans son roman Banjo, publié en 1929, [...].
Senghor peut donc écrire à juste titre : « c’est ainsi… que le mouvement de
la Négritude (la découverte des valeurs noires et la prise de conscience par
le Nègre de sa situation) est né aux Etats-Unis d’Amérique. »[...]. Dans ce
climat moral et intellectuel vont éclore, parfois de manière éphémère, une
série de petites revues, La Revue du monde noir, La race nègre, Légitime
Défense, L’Étudiant noir.
40Les revues parues à cette période confirment ici la question d’influence. Le roman est
donc le témoin de cette situation. Car, pour mieux exprimer leurs sentiments, les intellectuels
africains et ceux de la diaspora le choisissent au détriment des autres genres littéraires. Avec
la prose, la littérature négro-africaine trouvait le canal nécessaire et approprié pour une
meilleure expression des maux sociaux. C’est en ce sens que Jacques Chevrier déclare à
propos de René Maran qu’« en témoignant de la vie quotidienne d’un petit village de
l’Oubangui-Chari, l’auteur nous fait ainsi découvrir au jour le jour les joies et les peines de
ses habitants, et il nous initie à leur mode de vie et à leurs traditions [...]
41»
Il nous semble donc nécessaire de rappeler de la structuration de la littérature en
Afrique avant de porter notre attention sur la question de l’indignation dans l’écriture
romanesque au Gabon.
40 Jacques Chevrier, Anthologie de la négritude, La littérature africaine, op.cit. pp.17, 18.
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I.1.1.Littérature et structuration
La nécessité de parler de la littérature africaine dans ses heures de Négritude est une
manière de montrer ses diverses mutations. Ce point sera aussi l’occasion de mettre en
exergue les différentes catégories d’influences, directes ou indirectes entre le mouvement de
la Négritude et la littérature gabonaise notamment à partir du roman. Ainsi pourrions-nous
affirmer ou infirmer une possible relation entre les romanciers gabonais et les autres
romanciers négro-africains. Il est important de dire que ce rapprochement est élaboré à titre
comparatif dans la mesure où le roman gabonais s’est manifesté tardivement, à priori en
marge de l’action du mouvement de la Négritude.
A cet effet, des sous points seront ouverts. Nous aborderons d’abord la question de la
genèse et les manifestations mimétiques pour tenter d’édifier le public sur les premières
illustrations de la prose gabonaise. Ensuite, nous parlerons de la question de la Négritude et de
l’héritage littéraire. Enfin, nous traiterons du rapport entre la Négritude et la prose au Gabon.
Il s’agira d’aborder la question des influences de la Négritude par rapport à la
Négro-Renaissance. Il sera aussi nécessaire de voir les occurrences de la littérature négro-africaine
comme une forme d’héritage littéraire au fil de l’histoire du mouvement de la Négritude. Des
occurrences que nous décrypterons et que nous vérifierons ensuite dans le roman gabonais.
Cette démarche vise à tenter d’établir des corrélations entre le mécanisme de fonctionnement
des textes de la littérature africaine pendant le mouvement de la Négritude et celui du texte
gabonais dans sa germination.
30
I.1.1.1.Historisation et principe mimétique de l’écriture romanesque
gabonaise
Partant du caractère juvénile de la littérature gabonaise, il est important de signaler
que, la première tentative romanesque se fait en 1971 avec la publication du texte de Robert
Zotoumbat, Histoire d’un enfant trouvé. Un ouvrage assez mal reçu par la critique. En effet,
pour certains théoriciens de la littérature, cette œuvre était plus une nouvelle qu’autre chose, à
cause de sa longueur (59 pages). Par contre, pour d’autres, le texte de Robert Zotoumbat est
bien un roman. Il répond à certaines caractéristiques du roman. On y trouve par exemple, une
fiction narrée, une absence d’intrigue portée par des dialogues.
Pendant près de neuf ans, la classe intellectuelle gabonaise ne s’accordait pas sur la
nature du texte de Robert Zotoumbat. Le Gabon avait donc là, sa première écriture
romanesque sans l’avoir. En 1980, la fille d’une figure politique importante du Gabon publie
un texte qui vient mettre fin aux neuf ans de querelle entamés en 1971 sur la nature du texte.
Sous la tutelle du patronyme de son père (Rawiri), la jeune romancière se fait une notoriété
dans l’univers littéraire gabonais. Son texte Elonga est hissé au rang de premier roman
gabonais. Il ravit cette consécration au texte de Zotoumbat qui divisait la classe littéraire
gabonaise. C’est dans ces conditions qu’Angèle Rawiri demeure la première romancière
acceptée par le lobby des écrivains et des critiques littéraires gabonais. A partir de ce moment,
Elonga devient le roman qui fait des années 80 au Gabon, la période charnière de l’avènement
du genre romanesque.
Pour notre part, le roman gabonais est né en 1971 et grandi en 1980. Nous ne nous
inscrivions pas dans certaines considérations locales qui voudraient occulter le jet de
Zotoumbat. Toutefois, le roman Gabonais ne se donne qu’une vitrine quantitative. C’est dans
cette phase que d’autres auteurs comme Laurent Owondo, Ferdinand Allogho-Oke vont
s’illustrer. Le roman au Gabon accuse tout de même une tergiversation par rapport aux autres
romans en Afrique. Des romans qui ont été aux premiers rangs dans l’action du mouvement
de la Négritude. Nous pensons aux romans du Sénégal, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire et
du Ghana.
En dépit de certaines corrélations structurelles et thématiques qui apparaissent, le
roman gabonais évolue en marge de l’action du mouvement de la Négritude. Pendant que les
questions liées à la décolonisation, à la revendication identitaire, aux Indépendances et plus
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tard à la désillusion des Indépendances en Afrique traversent tout le roman africain, le roman
gabonais s’illustre dans l’évocation de la problématique du terroir. Ainsi, traite-il des sujets
majeurs qui minaient la société gabonaise à cette époque (la vie au village, la question de
l’orphelin, du statut de la marâtre en passant par la relation tradition/ modernité et tout ce qui
la compose, la question de la pauvreté des populations). Ceci vient justifier le faible statut
international du roman gabonais. Il faut tout de même signaler que dans les années 80, le
roman Gabonais avait la possibilité d’emboîter le pas à la Négritude. Mais c’est de manière
délibérée que les romanciers gabonais se détournaient de la thématique désillusion des
Indépendances.
De manière récapitulative, le roman gabonais est un texte toujours en situation. Il se
décompose véritablement en trois grandes périodes. Nous insistons sur l’adverbe
« véritablement » car l’exercice de la prose s’illustre dans les années 70 comme nous l’avons
déjà dit. Cependant, nous n’insistons pas sur cette période car seul un texte avait été produit.
Les trois autres périodes sont particulièrement significatives, car elles proclament
définitivement la présence du roman au Gabon. D’abord, les années 80 sont marquées par une
grande prolifération des œuvres romanesques. Cette période s’est déroulée à la manière de
celle des hommes de lettres français entre le XVIe siècle et le XVIIe siècle. Une période à
laquelle il fallait écrire en français, produire des œuvres en français pour magnifier
l’empreinte de la langue française hors de la tutelle des discours en latin ou en grec. Pour se
remettre sur le roman gabonais, nous dirons que Okoumba Nkoghé à marque cette période des
années 80. Il a été le romancier le plus prolifique et ses œuvres sont inscrites dans la mémoire
collective et éducative au Gabon. Notamment son texte la « Mouche et la Glu ».
Ensuite, à partir des années 90, la parole littéraire se démocratise. Le discours littéraire
mue. On assiste à la monté d’une écriture engagé, à un changement thématique au Gabon. Les
romanciers expriment davantage leur spleen. Cependant, la tendance est toujours à
l’élaboration des récits sans rigueur langagière. Le romancier gabonais éprouve encore des
difficultés à s’approprier le langage. La littérarité reste encore difficilement perceptible. Le
roman gabonais est encore élaboré comme un documentaire. Sauf quelques textes comme
Parole de vivant d’Auguste Moussirou Mouyama, Le jeune officier de Georges Bouchard, 53
cm de Bessora, Les Matitis de Hubert Freddy Ndong, dans lesquels on retrouve un gros travail
stylistique. Il faut attendre la fin des années 90 et le début des années 2000 pour commencer à
découvrir le roman sous d’autres aspects.
32
Enfin, les années 2000 marquent l’entrée du roman gabonais dans une nouvelle ère,
celle de la modernité. La prose gabonaise revendique une modernisation. On rencontre
davantage des textes gabonais en marge de toute logique de linéarité. L’absence de linéarité
fait place désormais à la discontinuité et donc à la fragmentation du texte littéraire gabonais.
Le discours n’est plus orienté par le titre. Il se laisse apprécier au fur et à mesure que la
lecture se déploie. Le texte gabonais sort donc de son statut de récit d’aventure pour se donner
comme une aventure du récit. Le roman gabonais ne se contente plus de narrer. Il devient un
guide qui nous conduit vers les mystères de l’entre-texte pour tenter de décrypter les
différents sens qu’il renferme. C’est dans cette optique que les romanciers de la « dernière
génération » comme Peter Ndemby, Sylvie Ntsame, Chantal Magalie Mbazoo Kassa, Jean
Divassa Nyama, Janis Otsiéni, pour ne citer que ceux-là, s’inscrivent. La connaissance de
l’écriture romanesque gabonaise passe aussi par la compréhension des mécanismes de son
organisation. Le mimétisme en est une des composantes. Comme dans tous les romans, il est
un indice indispensable dans la construction de la prose au Gabon.
Le mimétisme n’étant pas propre au roman gabonais, nous avons jugé utile de faire un
rappel de cette notion. En effet, avec Aristote, le principe de l’imitation illustrait déjà le
rapport entre l’art et le réel. Pour lui, la création littéraire est une ré-construction de la réalité.
C’est le fait pour un écrivain de ré-créer le principe vital (energeia). Elle est une sorte de
dépassement de la servilité au modèle. On perçoit dans la logique aristotélicienne de
l’imitation une place accordée à la créativité dans l’art. Imiter le réel du point de vue artistique
c’est simplement se servir du réel comme modèle et non faire de l’art un clone de la réalité.
Alexandre Grefen affirme que : « l’artisan des mots ne produit pas des choses, mais seulement
des quasi-choses, il invente du comme si. En ce sens, le terme aristotélicien de mimésis est
l’emblème de ce décrochage qui, pour employer un vocabulaire qui est aujourd’hui le nôtre,
instaure la littérarité de l’œuvre littéraire
42».
La mimésis est une sorte de « comme si »de la réalité. A cet effet, le discours littéraire
traduit une idée ou une vision de la réalité mais non pas la réalité. Cette conception s’inscrit
dans la vision mimétique de la société au sens où l’entend Gérard Genette dans son texte
Mimologiques
43. En cherchant à représenter le monde, l’artiste laisse la sensibilité guider sa
production. L’impossibilité pour l’art de nous donner une représentation exacte du réel
42 Paul Ricœur, Temps et Récit, I, voir texte VI, cité par Alexandre Grefen dans La mimésis, p. 17.