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Rapport Barabé

Dans le document À BROMONT CRÉATION DU LAC MARCHESSAULT (Page 171-181)

Rapport d’enquête et d’audience publique - BAF’E

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Le 25 juin 1990

Monsieur André Thibault Commissaire

Bureau d’audiences publiques sur l’environnement

OBJET: Projet du lac Marchessault à Bromont - Capacité de support du site face à la récréation

Monsieur,

Vous m’avez convoqué le 22 juin dernier à.une séance de travail portant sur le projet en titre. Au cours de cette consultation professionnelle, je vous ai proposé un cadre de référence théorique et une sélection d’indicateurs de mesure permettant l’évaluation de la capacité de support d’un site à vocation récréo- touristique. Cette documentation théoriq~ue et méthodologique, dont je vous ai remis copie, forme un cadre d’analyse qui vous permet de juger de la capacité de maintenir l’intégrité du territoires du lac Marchessault compte tenu des activités récréatives et des infrastructures projetées par le promoteur du projet.

Suite à votre demande, je vous fais également parvenir un résumé,des principaux points discutés au cours de cette rencontre.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus distingués.

André Barabé, Ph.D.

Professeur-chercheur

Département des sciences du loisir Université du Québec à Trois-Rivières

/lg P.j.

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PROJET DU LAC MARCHESSAULT A BROMONT.

AvIs .cm LA CAPACITES DE SUPPORT DD SITE FACE-&L~ RI~CR~ATION

1. Capacité de support et développement durable

Depuis quelques années, le gouvernement du Québec a entrepris l’élaboration d’un plan d’action sur le développement durable de ses ressources naturelles

(Conseil de la conservation et de l’environnement, 1988; Forum québécois sur le développement durable, 1989). Le développement durable est défini comme une pratique assurant le développement économique tout en garantissant la pérennité des ressources et la qualité de l’environnement. Concept-clé d’une vision écologïque des rapports entre l’homme et son environnement, la notion de capacité de support constitue l’une des assises fondamentales de la conception du développement durable (Barabé, 19881.

Le secteur récréo-touristique forme unsous-système spécifique reconnupour sa grande consommation d’espace et de ressources naturelles: villégiature, parcs, territoires fauniques, stations touristiques, etc. De nombreuses études ont déjà démontré l’importance des impacts genérés par l’aménagement et la fréquentation des visiteurs sur les milieux naturels (Wall and Wright, 1977;

Ittner et al., 1979; Stankey and McCool, 1984; Lavoie, 1986). Ces constats ont contribué à mettre de l’avant le principe “d’aménager les espaces récréatifs en fonction de la capacité de tolérance du milieu”. ‘Le respect de ce principe vise à assurer une mise en valeur durable des zones récréatives: maintien dans le temps de la qualité du milieu et de la qualité des expériences récréatives et éducatives offertes au public. Appliqué à la récréation, le concept de capacité de support comporte trois dimensions distinctes et complémentaires: (1) une dimension reliée au milieu (capacité de tolérance biophysique; (2) une dimension reliée aux usagers (capacité de tolérance aux conflits); (31 une dimension reliée aux équipements (capacité d’accueil des infrastructures), (Wagar, 1964; Verburg, 1975; Shelby and Heberlein, 1984; Baretje, 1984).

Le projet du lac Marchessault, considérant sa localisation stratégique, présente un bon potentiel pour l’aménagement d’un parc récréo-touristique riverain. Toutefois, la conception et l’ampleur actuelle du projet ne reflètent pas une philosophie de planification et de gestion intégrant les préoccupations

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2 du développement durable. Le souci de préserver l’intégrité du milieu, d’anticiper et de limiter les impacts potentiels occupe peu de place dans le projet présenté. De plus, la capacité de support du milieu (capacité intrinsèque biophysique) est confondue avec la capacité d’accueil des équipements

(stationnement, plage, etc.), ce qui limite considérablement la portée pratique du concept.

2. Evaluation’de la capacité de tolérance du milieu biophysique

La ,détennination de ’ la capacité intrinsèque du milieu à supporter

l’utilisation récréative représente habituellement 1 ‘assise initiale du

processus. Le promoteur doit s’interroger sur l’importance des changements extérieurs que l’écosystème naturel visé peut absorber sans entraîner une dégradation irréversible de celui-ci. Une fois cette évaluation préliminaire complétée, il est possible d’établir le seuil maximum d’individus que le milieu biophysique peut supporter et maintenir tout en conservant ses propriétés caractéristiques (Rodgers, 1975; U.S. Army Enginerr, 1980; Getz, 1983).

L’approche préconisée pour la mise en valeur du lac Marchessault semble procéder à partir d’une logique inverse. L’intensité de la fréquentation du site est déterminée a priori, sans référence à la capacité intrinsèque du milieu

biophysique. La vulnérabilité de l’écosystème, les espèces végétales à

conserver, les rives à préserver ne sont pas des éléments pris en compte. Plus encore, on propose carrément une transformation irréversible du milieu initial (rivière méandrée) pour ensuite faire oeuvre de “renaturalisation artificielle et paysagée” (création d’un lac artificiel). Enfin, on établit la capacité d’accueil des équipements en fonction du milieu créé artificiellement.

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3 3. Evaluation de la capacité de tolérance des clientèles

La dimension psychosociologique du concept est d’appréhension plus subtile et de théorisation plus délicate. Néanmoins, c’est précisément cette dimension qui confère au concept de capacité de support appliqué aux espaces récréo- touristiques son originalité et son renouveau actuel (Organisation mondiale du tourisme, 1983; Shelby and Heberlein, 1984; Graefe et al., 1984).

La capacité psychosociologique vise la prise en compte des réactions de la population face aux conséquences environnementales et sociales découlant de la mise en oeuvre du projet. Les expériences vécues dans de multiples régions de destination touristique montrent que les populations locales acceptent la présence des visiteurs jusqu’à ce qu’ils atteignent un point de saturation, un seuil limite. Une fois ce seuil psychologique franchi, l’insatisfaction

croissante des populations résidentes pose un problème majeur pour les administrations Publiques~ locales. Ainsi, cette seconde évaluation vise principalement à prévenir les conflits opposant les populations résidentes et les visiteurs: investissements publics et taxation supplémentaire, congestion des sites et des services, pression sur le patrimoine bâti, etc. 1, D’autre part, la capacité de tolérance des clientèles vise aussi à minimiser les conflits entre les différents groupes de visiteurs: densité d’utilisation, perception d’entassement., influence sur la satisfaction et la qualité de l’expérience.

Considérant l’attraction actuelle de la station touristique de Bromont et l’envergure du projet de mise en valeur du lac Marchessault, il m’apparaft souhaitable d’anticiper l’effet de synergie potentiel et de mesurer la capacité de tolérance des clientèles.

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4. Evaluation de la capacité d’accueil des équipements

Une clarification préliminaire s’impose ici. Il faut éviter de confondre la capacité de support du milieu avec la capacité d’accueil des équipements.

La capacité intrinsèque biophysique fait référence à un processus endogène où, à partir de l’étude spécifique du milieu d’intervention, on définit des normes internes de capacité de tolérance et un nombre maximum d’utilisateurs. La capacité d’accueil des équipements est habituellement déterminée à partir de normes exogènes, empruntées à d’autres organisations ou à d’autres territoires.

C’est cette dernière approche que les promoteurs du projet ont utilisée.

L’approche normative, étant plus rapide et moins onéreuse d’application, est fréquemment utilisée. Toutefois, elle résiste rarement à une critique rigoureuse de ses fondements et de ses contextes d’application. Par exemple, les normes utilisées pour déterminer la capacité d’accueil de la plage sont tirées du guide d’intervention de “Berges Neuves”. La philosophie de ce programme axée sur la protection et la consolidation des rives des cours d’eau est contraire à l’idée de transformer la rivière en un canal de dérivation créant un lac artificiel.

D’autres références normatives conviendraient mieux à la situation du lac Marchessault. “L’Urban Research Development Corporation” dans son document intitulé “Guidelines for Understanding and Determining Optimum Recreation Carrying Capacity” fournit des normes de capacité pour les plages accompagnées d’une méthode de pondération permettant de tenir compte des réalités spécifiques des sites à aménager.

Enfin, l’approche normative utilisée par les promoteurs du projet s’appuie sur un rapport de similitude avec la plage du parc de la Yamaska. Ce rapport analogi~que est contestable par le fait qu’il ne tient pas compte de la grande différence entre les deux plans d’eau. Ainsi, le lac artifici~el sur le territoire de Bromont aurait une superficie de 0.65 km2 alors que la superficie du lac du parc de la Yamaska est de 3.2 km2.

André Barabé, Professeur-chercheur

Département des sciences du loisir Université du Québec à Trois-Rivières

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REFÉRENCES BIBLIOGRAHPIQUES

BARABÉ, A., (1988). Détermination des capacités de support dans le contexte du développement durable des espaces récréatifs en milieux naturels protégés.

Thèse de doctorat. Université de Montréal: Faculté de l'Aménagement, 457 P.

BARETJE, R., (1984). Tourist Carrying Capacity. Essai bibliographique, Tome

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Conseil de la conservation et de l'environnement, (1988). Vers une stratégie québécoise de la conservation et du développement. Document d'information et de consultation. Québec: Ministère de l'Environnement. 89 p.

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LAVOIE, J.-G., (1986). Le développement récréatif: problématique et impacts.

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WALL, G., WRIGHT, C., (1977). The Environmental Impact of Outdoor Recreation.

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Création du lac Marchessault if Bromont

Annexe 7

Dans le document À BROMONT CRÉATION DU LAC MARCHESSAULT (Page 171-181)