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b/ Le rapport aux apprentissages des enfants et des parents issus des quartiers prioritaires

Dans le document Dans l'intimité de l'objet livre (Page 30-33)

Dans la continuité de cette idée, nous pouvons y joindre la question du rapport aux apprentissages.

Nous appuyons cette analyse sur le rapport aux apprentissages sur le fait que dans les sciences de l’éducation, les chercheurs mettent en avant, le caractère contextualisé des apprentissages des élèves, contextualisés dans une classe, dans un établissement, mais aussi au sein de leur foyer.

25 Ceci met ici en avant un postulat que posent classiquement les chercheurs en sociologie, à savoir que l’environnement social influe sur les conduites individuelles donc sur le rapport aux apprentissages, au-delà des caractéristiques personnelles des acteurs.

En effet, depuis ses débuts, la sociologie de l’éducation s’est interrogée sur l’existence d’effets contextuels, c’est-à-dire tenant spécifiquement aux caractéristiques de l’environnement social (environnement scolaire, quartier et communauté d’appartenance…) sur les aspirations et la réussite des élèves.

Des effets contextuels, que bon nombre de chercheurs ont tenté d’analyser, car ils sont des facteurs de perturbation pour l’entrée et l’évolution dans les apprentissages des élèves.

Nous pouvons prendre l’exemple de l’américain Wilson (1959) qui dans ses analyses des projets de jeunes lycéens, s’intéresse à l’appartenance sociale. Définie à la fois au niveau individuel et au niveau de l’environnement scolaire, en mettant l’accent sur une certaine pression effectuée par la norme et notamment du groupe d’appartenance et en réfléchissant à l’impact de ce groupe, plus particulièrement de ses valeurs et autres idées sur chacun des membres.

Cela se rattache inexorablement à l’effet de groupe, dont Wilson marque les conduites au-delà des effets tenant aux caractéristiques personnelles. Un effet de groupe qui influence le comportement de l’élève face aux apprentissages.

Quelques années plus tard les travaux de Coleman (1966), abordent cette même question, mais en étant plus novateurs sur le plan de la méthode, il en vient à dissocier facteurs individuels et facteurs contextuels. Ce qui rend l’influence familiale importante pour l’appréhension par l’enfant des apprentissages qui lui sont proposés en milieu scolaire.

Dans la continuité de ces travaux, dans les années 60 coexistent des recherches visant avant tout à évaluer les effets du contexte scolaire de manière externe en particulier la mouvance du school effectiveness. Et des travaux plus qualitatifs tels que ceux de Campbell et Alexander (1965), posant le fait que les analyses des effets structurels doivent « se déplacer, des caractéristiques du système dans sa globalité, aux situations sociales auxquelles les individus se trouvent confrontés » (cité par Duru Bellat Marie, 2016, p. 1).

Aujourd’hui, cette question de rapport aux apprentissages en fonction d’un environnement semble éminemment d’actualité et prend par ailleurs une importance dans

26 l’actualité politique, comme le révèlent de manière récurrente les débats sur l’école qui se produisent régulièrement à chaque changement de ministre de l’éducation. Comme nous avons pu le voir avec la réforme de l’école primaire par Xavier Darcos en 2008.

Un thème revient toutes les lèvres, le thème de l’hétérogénéité des élèves qui révèle la conviction que le contexte scolaire proche fait des différences. En l’occurrence, l’hétérogénéité du public affecterait les progrès des élèves, plus précisément serait préjudiciable aux meilleurs et pénaliserait encore davantage les faibles, en lien avec le contexte familial.

Dans le même temps pourtant, la ségrégation, sociale et ethnique, qui touche de plus en plus les établissements scolaires (évolution au demeurant ténue, Trancart, 1998), est, elle aussi, dénoncée. Cette dénonciation se fait avec l’idéal de l’école républicaine intégratrice et plus subtilement avec des idées telles que celles l’ascenseur social. Une lumière est aussi effectuée parce que l’homogénéité des contextes qu’elle entraîne creuserait les écarts, de progression et de qualité de l'expérience scolaire entre les élèves.

Citons le thème du choix de l’école, sur lesquels certains s’offusquent, mais que d’autres défendent. Ces derniers s’appuient sur la conviction selon laquelle l’établissement fréquenté joue sur le devenir ou le vécu scolaire de l’élève mettant en marge de cela les groupements scolaires présents dans des quartiers dits défavorisés. De plus, cela ne met pas les élèves de ces quartiers sur un pied d’égalité avec les autres vu qu’ils n’ont aucun choix et qu’ils sont face à un mur invisible, qu’ils ne peuvent pas franchir. Ce sentiment d’être délaissé est un facteur qui pèse sur les parents, ce qui perturbe l’enfant dans son rapport aux apprentissages.

La question de l’importance du contexte sur le devenir scolaire est donc bien sous- jacente à nombre de préoccupations de politique éducative.

Dans cette contextualisation des apprentissages, il ne faut pas oublier un contexte très prégnant, et ce notamment pour les élèves issus de quartiers prioritaires : le contexte économique dans lequel évolue l’enfant. Aussi bien, les moyens économiques dans son cercle familial, que les moyens économiques des écoles qu’il peut fréquenter.

Pour illustrer cela de façon encore plus visible, on peut prendre l’exemple des pays les plus défavorisés de notre monde. Dans ces pays, les contraintes économiques, qui déterminent les conditions matérielles d’enseignement, peuvent s’avérer déterminantes et ségrégatives

27 alors qu’au contraire, si elles étaient « suffisamment bonnes » (et uniformes) elles n’influenceraient plus de façon significative la réussite et le rapport aux apprentissages.

Il est toutefois important de spécifier que l’évaluation des effets de tel ou tel aspect du contexte, comme l’évaluation en général, est nécessairement comparative. Dans la même perspective, il faut souligner que la notion même d’école efficace est nécessairement relative, au sein d’un échantillon donné, certains établissements s’avèrent plus efficaces que d’autres.

Cependant, Coleman souligne aussi que la seule caractéristique des écoles semblant exercer un effet significatif sur les progressions des élèves est : leur composition raciale. Les enfants des minorités ethniques réussissant mieux dans les écoles en difficultés. Il met aussi en avant le fait que les différentes facettes des effets du contexte (sur les progressions ou sur la socialisation) pouvaient diverger. Ainsi, dans ces contextes difficiles où ils réussissent plutôt mieux, les enfants des minorités ethniques possédaient une image d’eux-mêmes plutôt moins bonne et notamment en comparaison d’autres enfants non issus de ces écoles.

Depuis les années quatre-vingt :

« On entend réagir contre la démoralisation des enseignants, que nourrit le déterminisme des travaux sociologiques soulignant le poids de l’origine sociale des élèves, tout en rencontrant de fait une mouvance politique conservatrice (ou du moins critique par rapport à l’efficacité des institutions publiques) qui enjoint aux écoles de rendre des comptes sur leurs résultats, la question de l’inégalité des chances cédant alors le pas devant celle de l’efficacité des pratiques pédagogiques »

(Duru Bellat, 2003, p. 186)

La question du contexte de l’apprentissage est un élément qui s’avère central dans notre recherche. Les influences multiples pouvant avoir effet sur l’enfant représente des points d’ancrage pour construire nos outils méthodologiques. En effet, les parents et les enfants sont aux confluents de chaque élément, ce qui risque de modifier la perception et l’utilisation de l’objet livre.

III. c/ Le rapport au savoir des enfants et des parents issus des quartiers

Dans le document Dans l'intimité de l'objet livre (Page 30-33)