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Trois raisons de repenser le recrutement et la formation des maîtres

2. Seconde partie : La qualité des maîtres exige des parcours de

2.1. Trois raisons de repenser le recrutement et la formation des maîtres

2.1.1. La confusion des concepts et des pratiques

Le sujet de la formation des maîtres, qui devrait faire l’unanimité – car nul n’imagine qu’on puisse bien enseigner sans avoir reçu une formation, tant dans le domaine des connaissances à transmettre que de la façon de les transmettre – se révèle, à l’examen, traversé de fortes tensions sur ce que l’on peut attendre de cette formation pour produire un professeur de qualité, voire sur ce que recouvre le terme de « formation ».

Une définition imprécise, des exigences multiformes, une ambition de qualité qui se heurte à la réalité de viviers en diminution, une notion essentielle trop souvent plaquée sur une pratique désordonnée, ont contribué au fil du temps à brouiller le champ même de la réflexion sur la formation. Dans cette profusion, dans cette confusion, l’Etat-employeur a sa part, nous l’avons vu, car c’est bien souvent de son manque de détermination à assurer ses responsabilités que sont nées des ambiguïtés, et de ces ambiguï tés des conflits. Ces conflits obscurcissent une réflexion qui doit impérativement passer du quantitatif au qualitatif.

2.1.2. Le nouveau paysage universitaire européen

La recomposition en cours du paysage universitaire français en vue de son intégration dans un ensemble européen offre une occasion exceptionnelle de traiter la question de la formation des enseignants. La modification des parcours universitaires et des modes de certification aura inévitablement des conséquences sur les concours de recrutement, tant les deux sont étroitement

liés en France : le professeur de demain ne sera pas recruté dans les mêmes conditions que celui d’aujourd’hui et ce d’autant moins qu’il pourra parfois ne pas avoir acquis ses diplômes en France.

2.1.3. Le recrutement des maîtres dans une situation concurrentielle

Il est d’autant plus nécessaire de se pencher sur cette question que le recrutement des enseignants va poser à brève échéance de graves problèmes. Quel que soit en effet le rythme réel auquel les enseignants d’aujourd’hui vont partir en retraite, ils le feront massivement puisque 40 % des effectifs seront à renouveler dans les années qui viennent. Ces enseignants devront être remplacés dans tous les niveaux du système éducatif, de la maternelle à l’université, de l’établissement d’enseignement général à celui d’enseignement professionnel. Il y aura là un

« appel d’air » considérable, accrû par le fait que cet appel d’air se produira dans toute la fonction publique et dans tout le secteur marchand, que la génération du « baby boom » avait largement investis.

Le ministère de l’éducation nationale devra donc prélever chaque année pour ses besoins le quart environ des licenciés potentiels. Or, il va être confronté à de fortes concurrences :

• pour certaines catégories de diplômés (en mathématiques et en sciences, mais aussi dans certaines filières technologiques), il sera en concurrence défavorable avec le secteur marchand qui offre, sauf en période de crise économique, des rémunérations plus attractives que le service public ;

à l’intérieur même du système éducatif, on note d’ores et déjà des concurrences vives entre concours : si le ratio candidats / postes reste favorable pour les concours de recrutement de professeur des écoles, il devient de moins en moins favorable pour certaines disciplines où, en 2002, le ratio candidats ayant réellement composé /postes offerts est inférieur à 4 (en lettres modernes par exemple). De manière générale, et que l’on envisage le ratio théorique ou réel, on constate qu’il diminue dans la majorité des disciplines.

Mais c’est globalement que le vivier de remplacement, constitué par les étudiants titulaires d’une licence, risque de faire défaut dans des délais rapprochés. On observe en effet une forte diminution du nombre des licenciés, conséquence de l’arrivée de classes démographiquement creuses à ce niveau d’études. L’effondrement de la filière scientifique, amorcé depuis quelques années dès le lycée avec la désaffection pour cette voie, n’est pas un phénomène isolé, même s’il est plus aigu que dans les autres voies.

Le vivier des professeurs des disciplines technologiques et professionnelles est quant à lui insuffisant depuis un certain temps et alimenté déjà largement par des non titulaires ; dans la formation aux métiers, où le recrutement est constitué de professionnels issus de l’entreprise, plus du tiers des enseignants actuels est non titulaire.

Cet amenuisement du vivier ne pourra être compensé par un recrutement dans les pays étrangers : l’UNESCO signale que la pénurie de diplômés sera mondiale, même si elle ne doit pas toucher tous les pays en même temps.

Il serait donc hasardeux de compter sur d’heureuses surprises conjoncturelles ou sur d’éventuelles erreurs de prévision pour redresser une situation compromise. Si les conditions du recrutement et surtout de la formation ne changent pas, les solutions qui devront être adoptées à terme seront particulièrement difficiles à mettre en œuvre car il faudra :

• soit accepter que l’enseignement dans certaines disciplines soit assuré en majorité par des enseignants non titulaires, recrutés hâtivement, sans vérification des connaissances ni formation (ce qui est déjà parfois le cas dans des disciplines sinistrées dans le domaine technologique et professionnel) ; il y aur a donc création d’un enseignement à deux ou trois vitesses, dont les élèves les plus défavorisés deviendront les premières victimes ;

• soit procéder à des regroupements d’établissements en deçà d’un certain seuil d’effectif ; cette mesure affectera en priorité les zones rurales et aura des conséquences sur l’aménagement du territoire ;

• soit jouer sur les grandes variables d’ajustement que sont le nombre d’élèves par classe ou les temps de service des enseignants pour les augmenter ; certaines de ces solutions sont d’ailleurs adoptées dans d’autres pays européens ;

• soit modifier en profondeur les systèmes de gestion des personnels en revoyant le cas des titulaires sur zone de remplacement, les mises à dispositions, et les autres marges de souplesse créées au fil des ans par le système.

La mission a pris le parti de travailler dans la double perspective de la recomposition des parcours universitaires et du renouvellement massif des enseignants

Elle a considéré le moyen et le plus long terme mais ne s’est pas interdit, chaque fois que c’était possible, de proposer des aménagements qui pourraient prendre rapidement effet. Les propositions qu’elle fait sont organisées autour des trois nouvelles logiques qui devraient être mises en œuvre pour les années à venir :

• la recomposition des parcours ou des cursus, ainsi que des modes de validation, nouvelle logique de la formation ;

• une formation vécue comme un continuum individualisé ;

• des responsabilités mieux assumées par l’Etat-employeur, avec plus de rigueur dans ce qu’il s’impose et plus de souplesse dans ce qu’il peut offrir.