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II. Présentation des méthodes testées

2. Méthodes de capture

3.3. Radio-identification

La radio-identification, désignée par le sigle RFID pour « radio frequency identification », permet de mémoriser et de récupérer des données à distance en utilisant des marqueurs appelés transpondeurs, ou puces RFID en français. Le transpondeur lui-même est passif (il ne comporte pas de source d’énergie) ; c’est le lecteur qui est actif, en émettant une radiofréquence qui active le transpondeur devant lui, en lui fournissant à courte distance l’énergie dont il a besoin. L’identification des animaux par transpondeur est aujourd’hui très commune dans le cadre d’études scientifiques chez les oiseaux et les amphibiens, mais elle est encore peu utilisée chez les petits mammifères.

L’intérêt du marquage par transpondeur réside dans son absolue précision et sa durée, contrairement à la tonte des poils qui peut engendrer des erreurs de mémorisation et qui peut s’effacer quand les poils repoussent. J’ai été amené à utiliser cette technique dans le cadre de cette thèse lors de la campagne de CMR de l’été 2015 pour compléter les identifications commencées par tonte du pelage. Fin août, j’avais marqué 149 Rats des moissons et il me restait encore deux sessions de captures à réaliser, en septembre et en octobre : la radio-identification restait la seule autre méthode de marquage utilisable directement sur le terrain pour un grand nombre d’individus. Cette technique avait déjà été utilisée par l’équipe du Prof. Katharina Foerster (Université de Tübingen) sur des Rats des moissons en laboratoire, après anesthésie. Dans mon cas, il était impossible d’anesthésier les animaux sur le terrain, cette intervention n’étant autorisée que pour les vétérinaires.

Objectifs

- Tester la technique d’injection des transpondeurs sur le terrain sans anesthésie ;

- Evaluer l’effet de la radio-identification sur le taux de reprise des animaux (stress).

Méthodes

Les Rats des moissons équipés de transpondeur ont été capturés dans une grille de 180 pièges INRA surélevés, disposés dans la roselière du marais de Lavours (coordonnées centrales 45.80922 N 5.75105 E) du 18.06 au 27.10.2015. Jusqu’au 28.08, les animaux étaient marqués par tonte des poils, puis à partir de septembre, ils ont été équipés de transpondeur.

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Les transpondeurs doivent être miniaturisés à l’extrême. Ceux utilisés sont de la marque Peddy-Mark®, modèle PM162-8 (photo 17) : ils mesurent 8,4 mm pour 1,4 mm de diamètre. Il est tout à fait possible d’injecter le transpondeur sous la peau du cou d’un Rat des moissons sans anesthésie (photo 18) : le mouvement doit être rapide et sûr pour ne pas blesser l’animal. L’aiguille de l’injecteur doit piquer juste sous les doigts qui saisissent la peau, avec un certain angle, et s’enfoncer de 3 mm pour permettre au transpondeur de pénétrer complètement dans l’animal. On sent sous les doigts si le transpondeur est bien positionné. Après injection, il reste une fente de 2 mm dans la peau qu’il n’est pas nécessaire de suturer, elle cicatrise rapidement. Le lecteur est de la marque Trovan®, modèle LID 560. Sa distance de lecture maximale ne dépasse pas 5 cm.

Résultats

En 2015, 149 Rats des moissons ont été marqués par tonte des poils et 125 par puce RFID. On compte 686 reprises d’individus tondus et 406 reprises d’individus pucés. En moyenne, un animal tondu se fait recapturer 4,7 fois, contre 3,2 fois pour un animal pucé (fig. 18) ; cette différence n’est pas significative (test non-paramétrique de Wilcoxon W = 10208, p-value = 0.10).

On doit mentionner certains problèmes lors de l’injection des transpondeurs :

- dans 7 cas, le transpondeur mal injecté est ressorti immédiatement : un nouveau transpondeur est

alors injecté, sauf dans deux cas où l’animal était trop stressé et où j’ai fait une marque sur le pelage ;

- dans 3 cas, l’animal est mort pendant l’injection (2,4 % de mortalité à l’injection).

Figure 18 : Nombre moyen de recaptures des animaux tondus (rep_tonte) et pucés (rep_RFID).

Discussion

L’injection d’un transpondeur sous la peau du cou des Rats est possible sans anesthésie, directement sur le terrain. Toutefois, c’est une manipulation délicate qui nécessite beaucoup de précision pour ne pas blesser l’animal. Plus l’opération est rapide, moins l’animal va stresser. L’injection est facilitée chez les individus âgés qui ont beaucoup de peau sur le cou, qui roule sous les doigts, ce qui permet de mieux les saisir pour les piquer ; inversement, il est dangereux d’injecter un transpondeur à un Rat des moissons de moins de 6 g, qui

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est encore juvénile et qui a une peau très tendue sur le cou. Cela pose le problème de la radio-identification des jeunes.

L’injection d’un transpondeur dans les Rats des moissons ne semble pas modifier leur taux de recapture. La différence de recaptures observée en 2015 entre les deux méthodes d’identification, qui n’est pas significative, provient probablement davantage de la période où elles ont été appliquées. En effet, à partir de fin août, la population de Rat des moissons a tendance à se renouveler avec la disparition des anciens individus tondus et l’apparition d’un grand nombre de nouveaux individus pucés qui ne restent pas dans la grille de pièges. Le même phénomène avait déjà été observé en 2013, avec uniquement des individus tondus.

Conclusion

En dépit d’une relative facilité de mise en œuvre, cette technique doit être réservée aux études scientifiques menées dans le cadre de programmes de recherches et ne devrait pas être banalisée. En effet, les animaux sont malgré tout soumis à un stress intense et ils vivent ensuite indéfiniment avec un corps étranger.

Par ailleurs, sur le plan juridique, cette technique est encadrée par la directive européenne 2010/63/UE relative à l’expérimentation animale, qui concerne la recherche susceptible « de causer une douleur, une souffrance, une angoisse ou des dommages durables équivalents ou supérieurs à ceux causés par l’introduction d’une aiguille ». Par ailleurs, selon le code rural, une procédure expérimentale concerne « toute utilisation, invasive ou non, d’un animal à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques ou à des fins éducatives

» (article R214-89). Le marquage par transpondeur est donc une activité scientifique soumise à autorisation et doit être pratiqué par un personnel qualifié (Arrêté du 1er février 2013 relatif à l’acquisition et à la validation des compétences des personnels des établissements utilisateurs, éleveurs et fournisseurs d’animaux utilisés à des fins scientifiques).

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