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Rachid Madrane, ministre de l’Aide à la jeunesse, des Maisons de justice, des Sports et de

Dans le document PARLEMENT COMMUNAUTÉ FRANÇAISE (Page 25-28)

la Promotion de Bruxelles, chargé de la tutelle sur la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale. – Mesdames, Mes-sieurs, je vous remercie pour vos nombreuses questions et l’intérêt que vous portez aux change-ments annoncés dans l’accompagnement des jeunes placés en IPPJ et/ou dans le centre commu-nautaire pour jeunes dessaisis. La conférence de presse qui s’est tenue le 12 mai faisait suite à la décision du conseil des ministres du 10 mai 2017 relatif au projet de remembrement des IPPJ impli-quant un volet pédagogique, essentiel, et un volet immobilier. Nous avons eu l’occasion d’en parler deux jours avant, en séance plénière. Madame Nicaise, vous comprendrez qu’il aurait fallu at-tendre deux semaines pour nous réunir à nouveau et évoquer la question.

L’objet principal de cette présentation était d’officialiser la création d’une IPPJ en Région de Bruxelles-Capitale et, surtout, de confirmer sa localisation dans la commune de Forest. J’ai re-placé brièvement cette création dans le contexte de l’élaboration d’un continuum pédagogique dans les IPPJ. J’ai déjà eu l’occasion de vous commu-niquer au fur et à mesure en commission et en séance plénière un certain nombre d’informations sur ce dossier. Mais dans l’attente de la décision du gouvernement, je n’avais pu être tout à fait précis sur les options retenues et approuvées, celles-ci ayant été présentées au personnel pour une concertation préliminaire.

Ce débat est finalement une belle occasion de vous donner une information complète. Une IPPJ verra donc bien le jour pour la première fois en région bruxelloise, dans la commune de Forest.

Monsieur du Bus, je ne sais pas si, à l’avenir, on dira «IPPJ de Bruxelles» ou «IPPJ de Forest».

Nous verrons comment les professionnels se saisi-ront de ce nom. Monsieur De Bock, cette localisa-tion est en tout cas justifiée par la nécessité de tenir compte du fait que près de la moitié des jeunes placés en IPPJ sont bruxellois. Plus préci-sément, le pourcentage moyen des jeunes bruxel-lois entrés en IPPJ en 2015 était de 45,4 %; en 2016, ce taux était de 42,4 %. Une des explica-tions à ce phénomène, Monsieur De Bock vient d’un aspect institutionnel: il n’y a pas de conseil-lers à Bruxelles, les juges sont directement saisis de l’affaire. Mais je ne fais que lancer une hypo-thèse.

À l’heure actuelle, la capacité d’hébergement des IPPJ est de 246 places, toutes situées en Wal-lonie, parfois très loin des centres urbains et de Bruxelles. D’emblée, je vous signale qu’il n’y aura pas une place de plus dans les IPPJ, que ce soit dans le cadre d’un régime fermé ou ouvert. Il

y aura bien des places supplémentaires dans les

«kots supervisés» – quatre à Braine et quatre à Bruxelles –, mais aucune place supplémentaire en IPPJ.

Tous les professionnels le savent, et vous avez été plusieurs à le souligner, l’éloignement du lieu de placement par rapport au domicile com-plique le travail qui doit impérativement être mené avec les familles si nous voulons éviter les réci-dives. Le placement n’est pas qu’une parenthèse dans la vie d’un jeune ou d’un adolescent, il réin-tègre ensuite la cellule familiale. Je ne peux pas m’empêcher de vous parler de cette mère de deux enfants placés en IPPJ qui est venue me trouver. Il lui fallait faire le trajet aller-retour entre Ander-lecht-Saint-Hubert en transports en commun et elle mettait sept heures de porte-à-porte pour voir l’un de ses enfants pendant seulement vingt mi-nutes. Vous le reconnaissez tous: il était inaccep-table que les parents bruxellois dont les enfants étaient placés soient mis en difficulté. Et il était impossible de travailler avec ces familles.

Aujourd’hui, nous savons que le travail avec les familles est très important. Celles, victimes des difficultés à accéder aux différents lieux, sont pour la plupart des familles déjà précarisées sur le plan économique. Nous essayons de penser à ces familles qui vivent déjà des difficultés et, en plus, doivent gérer le placement de leurs enfants.

Comme vous l’avez signalé, le concept de la mise au vert, du grand air, de l’éloignement du milieu de la délinquance était dans le temps privi-légié. Aujourd’hui, nous devons aussi donner de la place au travail avec le milieu et la famille. Le mandant aura aujourd’hui le choix entre l’éloignement ou le travail près de la famille.

Le projet de cette IPPJ est innovant à plus d’un titre, non seulement du fait de son implanta-tion urbaine, car c’est la première fois que nous en aurons une à Bruxelles, mais aussi parce que cette institution réalisera pour la première fois l’accompagnement des jeunes des deux sexes. J’ai eu l’occasion d’aller visiter des IPPJ en Espagne, elles y sont mixtes et les dirigeants ne compre-naient pas pourquoi ce n’était toujours pas le cas en Belgique. Le site de l’IPPJ hébergera les deux sexes: les filles et les garçons ne vivront pas dans un même groupe, mais ils seront amenés à partici-per à des activités communes.

Les IPPJ ont pour mission de travailler à la responsabilisation des jeunes à la suite des actes qu’ils ont commis et des conséquences que les victimes éventuelles ont encourues. Elles ont aussi pour but de préparer la réinsertion sociale et fami-liale des jeunes.

Dans mon esprit, la réinsertion va de pair avec la formation, au niveau tant scolaire que pro-fessionnel. La réinsertion implique aussi des fré-quentations positives, ce qui passe par une mobilisation des ressources sociales et des res-sources familiales autour du jeune. J’ai donc

shaité que le projet éducatif de cette IPPJ soit ou-vert sur la cité et qu’il puisse s’inscrire dans des partenariats solides, à la fois avec les établisse-ments scolaires et les centres de formation, mais aussi avec les maisons de jeunes et, comme vous l’avez rappelé, Monsieur du Bus, avec les services AMO.

L’ouverture de l’IPPJ de Bruxelles est prévue entre la fin de l’année 2019 et le début de l’année 2020. Cette dernière date est sans doute plus réaliste, sachant que les travaux devraient débuter en 2018.

Cette IPPJ comprendra trois services d’éducation concernant dix jeunes chacun: deux sections pour les garçons et une pour les filles. Il offrira aussi un service d’accompagnement des jeunes dans leur milieu de vie hors ou après pla-cement. Dans des lieux de vie appelés «kots su-pervisés» ou «kots de transition», les jeunes seront préparés et accompagnés vers l’autonomie. Tout cela doit se faire de manière progressive. Les jeunes concernés sont, dans la plupart des cas, des mineurs proches de la majorité dont le retour en famille n’est pas ou plus possible pour de mul-tiples raisons.

Je voudrais rappeler enfin que la création de l’IPPJ de Bruxelles s’inscrit dans le cadre plus large d’une réorganisation des projets pédago-giques. Monsieur De Bock, je vous remercie d’avoir rappelé la vision globale: notre vision porte sur l’ensemble du territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il s’agit de réfléchir aux meil-leures façons de prendre en charge les jeunes qui nous sont confiés un temps, en essayant d’être le plus efficace possible et, surtout, d’éviter la réci-dive.

Tel est aussi l’objectif des IPPJ: faire en sorte que ces gamins et ces gamines ne tombent plus dans cette spirale permanente de la récidive et de la délinquance. Je le vois partout autour de moi, que ce soit à Bruxelles ou ailleurs. Je connais beaucoup de familles qui vivent cette situation.

C’est terrible quand les parents se sentent impuis-sants, car ils ne peuvent pas aider leur enfant placé momentanément.

En application de la déclaration de politique communautaire, il est décidé d’inscrire ces projets dans ce que j’appelle un «continuum pédago-gique». Il s’agit d’un trajet éducatif spécialisé et individualisé pour le jeune. J’ai aussi évoqué la nécessité de réaliser un bilan des besoins du jeune, de ses aptitudes comportementales et psycholo-giques, mais aussi un bilan de son environnement social et familial. Bref, un bilan des ressources sociales et familiales qui encadrent le jeune.

Ce bilan doit permettre d’informer rapide-ment les magistrats de la jeunesse sur la meilleure orientation possible pour le jeune, c’est-à-dire sur la nécessité de poursuivre un projet éducatif dans une IPPJ ou dans une autre structure d’hébergement, sur la nécessité ou non

d’accompagner le jeune maintenu dans son milieu de vie et sur aussi l’intensité de cet accompagne-ment.

Vous avez été plusieurs à le dire: le place-ment en IPPJ est l’ultime solution à laquelle le juge a recours pour venir en aide à un enfant. Mais la vérité aujourd’hui, chers Collègues, c’est que, depuis des années, le placement du jeune en IPPJ se fait rarement en fonction du projet pédagogique de l’établissement: il se fait en fonction des places disponibles, indépendamment des projets mis en œuvre. La réalité aujourd’hui, c’est que les juges placent les jeunes là où ils le peuvent.

Je vous rappelle une des conclusions de la commission «Pierre Rans» qui porte le nom de cet avocat général près la Cour d’appel de Bruxelles, qui avait été instituée par ma prédécesseure et qui avait mené un travail remarquable. Cette conclu-sion épinglait déjà la nécessite de permettre aux magistrats de disposer d’outils d’aide à la décision et notamment de bilans pour évaluer l’orientation des jeunes. C’est précisément de ce que nous réa-lisons avec ce service d’orientation et d’évaluation qui va permettre d’établir un bilan des jeunes.

En 2015, à la suite de cette recherche, j’ai chargé l’unité de délinquance juvénile du dépar-tement de criminologie de l’université de Liège de réaliser une étude sur ces problématiques. Il a été décidé d’utiliser un outil clinique, créé par les chercheurs permettant de rencontrer le modèle conceptuel adopté en Fédération Wallonie Bruxelles pour le traitement de la délinquance juvénile. C’est un modèle fondé, d’une part, sur la protection du jeune et sa réinsertion familiale et sociale et, d’autre part, sur sa responsabilisation, la réparation du dommage causé par le FQI et la prévention de la récidive. Les résultats de la re-cherche sont accessibles sur le site de l’administration de l’Aide à la jeunesse.

Les services d’évaluation, d’observation et d’orientation, c’est-à-dire les «services de dia-gnostic», réaliseront un bilan au moyen de l’outil clinique précité et seront localisés au centre de Saint-Hubert qui disposera de trois fois dix places plus trois places pour les cas urgents.

Dans un premier temps, la durée de la prise en charge dans le service est fixée à un mois non renouvelable. Le diagnostic marquera un temps d’arrêt; le jeune est envoyé à Saint-Hubert et, pendant trente jours, toute l’équipe éducative se mobilise pour établir le diagnostic de ce jeune.

Le site le plus difficile d’accès pour les fa-milles sert à héberger les jeunes pendant une phase courte et non renouvelable, que les magis-trats qualifient de «temps d’arrêt» et qui est mise à profit pour établir le diagnostic. Les autres ser-vices d’hébergement des IPPJ seront consacrés à une mission d’éducation, en milieu ouvert ou fer-mé, dans le cadre d’une prise en charge qui est, quant à elle, fixée à trois mois renouvelables.

Il est également prévu de créer deux services de dix places intégrant chacun la formule du

«temps d’arrêt», c’est-à-dire une extraction mo-mentanée du milieu de vie pour le jeune placé qui aurait commis un acte tel que l’agression d’un éducateur qui, faute d’alternative, le conduirait en IPPJ.

Aujourd’hui, le retour dans l’ancien service est souvent impossible, ce qui augmente le risque de voir le jeune tomber dans la délinquance. Nous proposons donc qu’à l’avenir, il puisse bénéficier de ce time-out, un moment de répit de quinze jours, renouvelable une fois. Ce «temps mort»

implique toutefois que le service accueillant le jeune accepte de le reprendre, lui évitant ainsi un séjour en IPPJ.

L’objectif est d’éviter les ruptures dans la prise en charge des jeunes, notamment lorsqu’ils sont accueillis dans le secteur subventionné, c’est-à-dire ces ASBL qui, soutenues par les pouvoirs publics, exercent une mission déléguée.

M. le président. – Monsieur le Ministre, puis-je vous demander de conclure.

M. Rachid Madrane, ministre de l’Aide à la jeunesse, des Maisons de justice, des Sports et de la Promotion de Bruxelles, chargé de la tutelle sur la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale. – J’essaie d’être le plus complet possible par respect pour le travail des parlementaires.

À la suite de la sixième réforme de l’état, les Communautés déterminent les mesures qui peu-vent être prises à l’égard des mineurs, en ce com-pris les dessaisissements. L’État fédéral reste compétent pour l’exécution des peines, mais les Communautés sont chargées d’accueillir les mi-neurs dessaisis et de gérer les centres.

Aujourd’hui, nous n’avons qu’un seul centre communautaire, situé à Saint-Hubert. Vous avez pu voir que les infrastructures réduites de ce centre rendait impossible d'y accueillir des jeunes filles dessaisies. Avant le transfert de compé-tences, personne ne disait rien. Les garçons étaient dessaisis et les filles étaient envoyées à Berken-dael. C’était incroyable! Aujourd’hui, nous propo-sons de créer une aile pour les jeunes filles dessaisies à Jumet. Je reviendrai sur ce point.

Pour répondre à M. De Bock, le nombre de jeunes dessaisis est proportionnel au nombre de jeunes placés en IPPJ. Ils sont très majoritaire-ment bruxellois: 64 % des entrées – depuis la communautarisation du centre le 1er janvier 2015.

Il est peu aisé de transférer ces jeunes vers les tribunaux et de leur permettre d’avoir des contacts avec leur famille. Il est même parfois difficile de les laisser voir leurs propres enfants. C’est pour-quoi il était nécessaire de les ramener dans un lieu beaucoup plus proche de Bruxelles.

Il fallait créer une infrastructure adéquate, indépendante et autonome pour les jeunes

dessai-sis. Ceux qui ont visité Saint-Hubert le savent, le centre communautaire comporte trois ailes occu-pées par l’IPPJ et une aile occupée par les jeunes dessaisis. Tout ce beau monde vit ensemble et cela ne fonctionne pas! C’est un enfer pour la gestion et pour le personnel. Il est donc prévu de trans-former l’IPPJ de Jumet en centre fermé mixte pour jeunes dessaisis tandis que ses deux services d’éducation seront transférés à l’IPPJ de Bruxelles.

Je vous ai présenté le cadre général de la ré-forme des projets pédagogiques. J’ai eu l’occasion de vous expliquer les motivations de cette ré-forme. J’ai bien entendu consulté et informé des chercheurs, le DGDE, l’administration, les acteurs de terrain et les magistrats pour définir ce cadre général.

L’installation de ces services qui accueillent des jeunes poursuivis pour un FQI suscite parfois des craintes chez les riverains. Avec le bourg-mestre de Forest, j’ai évidemment prévu de ren-contrer les habitants, les associations, etc. Nous prendrons les mêmes initiatives pour Jumet. De manière générale, j’ai cependant constaté que les riverains préfèrent des centres fermés parce qu’il y a moins de fugues et de sorties que dans un centre ouvert. Mais ceci est un autre débat.

M. le président. – Monsieur le Ministre, je dois vous demander de conclure!

M. Rachid Madrane, ministre de l’Aide à la jeunesse, des Maisons de justice, des Sports et de la Promotion de Bruxelles, chargé de la tutelle sur la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale. – Je ne pourrai pas répondre en détail à toutes les questions. J’ai en-core beaucoup à dire… Je vous suggèrerai, Mon-sieur le Président, de prévoir un temps de parole adapté quand vous organisez des débats de cette importance. Je regrette de n’avoir pu répondre à toutes les questions.

Pour terminer, voici quelques réponses ponc-tuelles.

Le nombre de places reste fixé à 246. En-suite, M. De Bock, je vous dirai que calculer un coût de 270 000 euros par tête en divisant 8 millions par trente jeunes n’est pas la bonne méthode. Il ne suffit pas de diviser le coût de l’infrastructure par le nombre de places pour obte-nir un coût annuel. Il faut teobte-nir compte de la durée du placement, car des dizaines de jeunes seront pris en charge dans ce même lieu.

D’autres parmi vous ont évoqué l’articulation entre réforme des IPPJ et secteur subventionné. Je vais renforcer les alternatives à l’IPPJ en orientant les moyens et les centres d’accueil spécialisés (CAS). En effet, je veux limiter au maximum le nombre de placements. Cette option doit rester une solution de dernier recours.

Je terminerai par les nouveaux projets éduca-tifs d’IPPJ qui ne figureront pas dans le futur

Code, mais qui feront l’objet d’un arrêté d’application sur le règlement et les projets d’IPPJ. Durant les travaux de rénovation de Saint-Servais, les «services de diagnostic filles» démé-nageront à Hubert pour revenir à Saint-Servais une fois les travaux achevés.

Le diagnostic et le continuum pédagogique seront réalisés aux environs de 2018. Par la suite, nous délocaliserons le centre communautaire à Jumet. Cela prendra au minimum deux années. Ce grand projet pédagogique et immobilier pour l’ensemble des IPPJ du territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles prendra donc quelques années, de cinq à sept ans – je suis optimiste.

Je répète à Mme Leal-Lopez qu’aucune perte d’emploi n’aura lieu. Je m’y suis engagé devant les syndicats et le personnel. Je le répète: aucune perte d’emploi! Certains seront éventuellement déplacés en fonction de leurs intérêts et d’autres seront peut-être créés pour superviser les «kots de transition».

M. le président. – La parole est à

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