rejoindre les groupes à risque et leurs cliniciens constitue une mesure importante pour limiter à l’avenir le nombre de personnes subissant les conséquences graves de la listériose.
RECOMMANDATION 1
CONSIDÉRANT l’importance des conséquences de la listériose chez les sous‐groupes de personnes à risque;
CONSIDÉRANT que l’année 2008 a mis en lumière l’importance de la listériose en tant qu’enjeu de santé publique;
CONSIDÉRANT la difficulté de la population avant et au moment de la crise de 2008 à bien comprendre le message de santé publique;
Le Protecteur du citoyen recommande au ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec :
De renforcer ses stratégies de prévention ciblées auprès des groupes à risque et auprès de tous les intervenants de son réseau qui font le suivi de ces clientèles.
3.3 RÔLES ET RESPONSABILITÉS DES INSTANCES DANS UN CONTEXTE DE TOXI‐INFECTION
3.3.1 Le ministère de la Santé et des Services sociaux et son réseau
La Loi sur la santé publique donne des pouvoirs étendus aux instances de santé publique pour intervenir lorsque la santé de la population est menacée16. De plus, cette loi confère aux directeurs de santé publique « le pouvoir de procéder à une enquête épidémiologique dans toute situation où il a des motifs sérieux de croire que la santé de la population est menacée ou pourrait l’être et, en particulier […] lorsqu’il reçoit une déclaration d’une intoxication. »17
Afin de réaliser leur mandat, le MSSS et les directions régionales de santé publique peuvent compter sur le soutien et l’expertise scientifique de l’Institut national de Santé publique du Québec. C’est ce dernier qui administre le Laboratoire de santé publique du Québec18. Le Laboratoire exerce une surveillance des souches de Listeria retrouvées chez les personnes affectées par la listériose et avise le MSSS lorsque plusieurs cas d’une même souche sont détectés. La santé publique exerce donc une surveillance régulière des cas de listériose et peut ainsi déclarer une éclosion lorsqu’elle constate une augmentation de cas ayant la même souche.
16. Loi sur la santé publique, L.R.Q., c. S‐2.2. L’article 2 de cette loi définit une menace pour la santé comme « la présence au sein de celle‐ci d’un agent biologique, chimique ou physique susceptible de causer une épidémie si la présence de cet agent n’est pas contrôlée. »
17 . Ibid., art. 96, 98 et 116.
18. Loi sur l’Institut national de santé publique du Québec, L.R.Q., c. I‐13.1.1.
L’intervention de santé publique dans le cadre de toxi‐infections alimentaires se limite à la gestion du risque chez les humains et à la prévention. Lors de la découverte de cas de toxi‐infections alimentaires, la Direction nationale de santé publique a le devoir de s’assurer que sont menées les enquêtes épidémiologiques auprès des cas humains et de transmettre au MAPAQ l’information nécessaire à l’exercice de son mandat en matière de salubrité alimentaire.
3.3.2 Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation
Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation a pour mission d'influencer et de soutenir l'essor de l'industrie bioalimentaire québécoise dans une perspective de développement durable19.
Plus spécifiquement, la Loi sur les produits alimentaires20 confie au MAPAQ le rôle de maître d’œuvre en matière d’inspection des aliments. Cette loi décrit les pouvoirs d’inspection et de saisie qui peuvent être exercés par les inspecteurs du MAPAQ afin de s'assurer de la conformité d'un produit avec les dispositions de la loi ou de ses règlements.
Cette même loi détermine également que les fabricants, distributeurs, détaillants et autres exploitants impliqués dans la production et la mise en marché d’aliments ont la responsabilité de s’assurer que les aliments qu’ils préparent, transportent ou mettent en marché sont sains et ne présentent pas de danger pour la santé21.
C’est par l’intermédiaire de son Centre québécois d’inspection des aliments et de santé animale que le MAPAQ assume sa responsabilité d’inspection des aliments22.
Le Centre québécois d’inspection a la responsabilité de contribuer à la protection de la santé publique et à l’amélioration de la santé animale en exerçant une surveillance de toute la chaîne bioalimentaire23. Les inspecteurs visitent les établissements alimentaires pour vérifier l’innocuité des aliments, l’hygiène et la salubrité.
Depuis 1996, la méthode de surveillance et de contrôle retenue par le MAPAQ est l’inspection basée sur le risque (IBR). Cette méthode repose sur une évaluation de la maîtrise de points critiques qui se divisent en cinq catégories, les « 5M », c'est‐à‐dire la matière, la méthode, la main‐d'œuvre, le matériel et le milieu. En évaluant la façon dont un exploitant maîtrise chacun des points critiques, l’inspecteur procède à une
19. MAPAQ. Plan stratégique 2005‐2008. Québec, p. 9.
20. Loi sur les produits alimentaires, L.R.Q., c. P‐29.
21. Ibid., art. 3.
22. Pour le territoire de Montréal, le MAPAQ délègue sa responsabilité d’inspection des établissements au détail et de restauration à la Ville de Montréal. En vertu d’une entente, les inspecteurs de la Ville appliquent la même procédure d’inspection que les inspecteurs du MAPAQ ailleurs au Québec.
23. Centre québécois d’inspection des aliments et de santé animale (CQIASA), MAPAQ, Rapport annuel de gestion 2007‐2008, p. 10.
évaluation de la charge de risque que représente cet établissement. Cette charge de risque sert à déterminer dans quel délai doit se faire la prochaine inspection IBR24.
Si, dans le cadre de ses activités d’inspection ou à la suite d’une toxi‐infection alimentaire25, un inspecteur a des motifs raisonnables de douter de l’innocuité26 d’un produit, il pourra exiger de l’exploitant qu’il le retire ou, à défaut, il pourra le saisir et en disposer lui‐même27. Ce retrait de produit peut être accompagné ou non d’une procédure de rappel, selon les circonstances28.
Le Règlement sur les aliments29 précise les normes en vigueur et les pouvoirs du MAPAQ pour certaines activités, notamment les règles de salubrité et d’hygiène pour les opérations de manipulation et de transformation d’aliments. On y trouve également, depuis juillet 2008, des règles particulières concernant la fabrication du fromage au lait cru ou thermisé.
Il y a également des normes qui, bien qu’elles ne se trouvent pas dans les lois ou les règlements, servent de base aux contrôles et inspections du MAPAQ. 30 Ainsi, la législation et la réglementation prévoient que les entreprises du domaine alimentaire sont responsables d’assurer l’innocuité des aliments destinés à la consommation humaine. Par contre, le MAPAQ joue un rôle de contrôle, de surveillance et d’encadrement des pratiques de ces entreprises en matière de salubrité alimentaire.
3.3.3 L’interaction entre le MSSS et le MAPAQ
Le MSSS et le MAPAQ ont conclu, en 1996, une entente de collaboration pour prévenir, surveiller et contrôler les toxi‐infections alimentaires. Cette entente a été renouvelée en 2007.31 Elle prévoit le partage des responsabilités entre le MSSS et le MAPAQ ainsi que les modalités d’échange d’information. Essentiellement, le MSSS intervient lorsqu’il est « question de gestion du risque chez les humains ».32 Le
24 . Nous référons le lecteur au chapitre 7 du présent rapport pour une vue d’ensemble des pratiques régulières d’inspection du MAPAQ.
25. Voir à cet égard la section 3.1 du présent chapitre.
26. L’innocuité se définit ainsi : « Assurance que les aliments sont sans danger pour le consommateur quand ils sont préparés/consommés conformément à l’usage auquel ils sont destinés ».
27. Loi sur les produits alimentaires, Op. cit. note 20, art. 31 à 39 et 57.
28. Voir l’Annexe 2 qui décrit les principaux éléments de la procédure de rappel du MAPAQ.
29. Règlement sur les aliments, c. P‐29, r.1.
30. Parmi les ouvrages de référence utilisés par le MAPAQ, on trouve notamment : le Programme d’amélioration de la salubrité des aliments (PASA) qui permet la mise en place de systèmes d'analyse des dangers et de la maîtrise des points critiques (système HACCP ‐ Hazard Analysis and Critical Control Point), des manuels d’inspection de l’Agence canadienne d’inspection des aliments ainsi que le Codex Alimentarius, un recueil de normes internationales en matière de salubrité et d’hygiène alimentaire.
31. Entente de collaboration et communication de renseignements concernant la prévention, la vigie, la surveillance et le contrôle des toxi‐infections alimentaires ou de toute autre maladie transmissible par les aliments. Entente intervenue entre le MAPAQ et les Autorités de santé publique et l’Institut national de santé publique du Québec. 2007.
32. Ibid., p. 11.
MAPAQ, par ses pouvoirs d’inspection et d’analyse, « évalue le risque afin de permettre et d’orienter les interventions visant la santé et la sécurité des consommateurs ».33
Les Directions régionales de santé publique recueillent des renseignements auprès des personnes atteintes d’une toxi‐infection alimentaire pour commencer l’enquête alimentaire. Dans les cas sporadiques, elles transmettent directement cette information à la Direction de l’inspection des aliments de leur région. Les inspecteurs du MAPAQ prennent alors en charge l’enquête sur les produits ciblés par la personne malade, auprès des établissements alimentaires. Les inspecteurs communiquent avec le « coordonnateur TOXI » du MAPAQ pour avoir des précisions sur l’enquête qu’ils doivent mener.
En situation d’éclosion de listériose, l’échange d’information entre la santé publique et le MAPAQ suit le même parcours. Par contre, les enquêtes menées par les Directions régionales de santé publique sont plus complètes puisque les cas de listériose sont étudiés avec l’aide d’un questionnaire détaillé. Ces questionnaires sont envoyés à la Direction de l’inspection des aliments de la région concernée, puis acheminés au « coordonnateur TOXI » du MAPAQ.
Lorsque l’éclosion touche plusieurs régions, la Direction nationale de santé publique du MSSS regroupe les données sur les cas de listériose. Le MSSS est responsable de s’assurer qu’une enquête épidémiologique est faite au besoin sur ces cas. Une mise à jour régulière de l’information concernant les cas en situation d’éclosion est transmise aux intervenants du MAPAQ. Durant l’éclosion de listériose, cette mise à jour était faite lors d’une conférence téléphonique quotidienne entre les intervenants du MSSS et ceux du MAPAQ.
Le Laboratoire de santé publique du Québec collabore également avec le MAPAQ en réalisant la caractérisation des souches de la bactérie Listeria monocytogenes isolées des aliments par le MAPAQ. Dans le contexte de l’éclosion de listériose, toutes les souches ont été analysées par le Laboratoire qui transmettait, souvent verbalement, l’information disponible au « coordonnateur TOXI » du MAPAQ.
4 GESTION DE LA CRISE DE LA LISTÉRIOSE : PROTECTION DE LA SANTÉ DE LA POPULATION