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Les laboratoires (selon la terminologie nord-américaine) ou les travaux pratiques (selon la terminologie européenne) ont un rôle très variable dans la formation scientifique primaire et secondaire selon les divers systèmes éducatifs. Par exemple, les jeunes Grecs arrivent à l’université sans avoir fait la moindre expérience (Psillos et Niedderer, 2002) alors que les Québécois devraient connaître les bases du calcul d’incertitude et la manipulation des chiffres significatifs à la fin du secondaire. Il est alors difficile de parvenir à discerner le rôle exact des laboratoires dans l’apprentissage des sciences en général. Résumons donc simplement l’opinion des principaux chercheurs du domaine, sur le rôle que les laboratoires devraient (ou pourraient) jouer.

Selon une synthèse très fouillée et largement citée, celle de Lazarowitz et Tamir (1994), les rôles des laboratoires peuvent se décrire ainsi:

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Tableau II - Buts poursuivis par les laboratoires selon Lazarowitz et Tamir. 1. Fournir des expériences concrètes et une opportunité de faire évoluer les

conceptions préalables erronées des étudiants.

2. Manipuler des données à l’aide d’outils informatiques.

3. Développer des habiletés intellectuelles de raisonnements logiques et d’organisation, par exemple par la triade science-technologie-société (STS). 4. Construire et communiquer des valeurs propres à la nature de la science.

Selon Lazarowitz et Tamir, les laboratoires sont des lieux (ou un moment) où les étudiants peuvent constater directement l’adéquation de leurs conceptions préalables en manipulant des objets concrets dans un but particulier (e.g. «c’est bizarre que l’accélération vers le bas du plan incliné soit la même pour toutes les masses!»). Ainsi, les laboratoires peuvent servir à identifier les réseaux conceptuels alternatifs (alternative frameworks) de deux façons. Premièrement, en observant, écoutant et questionnant les étudiants en situation d’action et deuxièmement en conduisant, a posteriori, des entrevues structurées basées sur leurs observations et leur choix de manipulations.

Sur le deuxième rôle (manipuler des données à l’aide d’outils informatiques), il semble, à priori, évident que l’avènement massif de la micro-informatique dans les laboratoires a eu des effets didactiques indéniables que l’on peut résumer de la manière suivante. 1) Cela procure des occasions de percevoir la globalité d’un processus expérimental plutôt que des portions discontinues en raison de la rapidité avec laquelle les données peuvent être cumulées. 2) La représentation graphique instantanée des données est l’occasion de tracer des parallèles avec les notions théoriques. 3) Le même phénomène peut être analysé de différentes manières (e.g. la vitesse en fonction de la position plutôt que le sempiternel vitesse en fonction du temps). 4) La mesure simultanée à l’aide de différents capteurs augmente les capacités d’observations (mesurer le pH, la température et la concentration en oxygène sur une période de 24 heures). 5) Le rôle des étudiants s’approche de celui des

chercheurs véritables. 6) La motivation des étudiants peut être accrue lorsqu’un laboratoire s’éloigne de la norme.

L’absence d’habiletés psychomotrices constitue cependant un aspect contestable, comme nous le verrons bientôt, de ce choix pointu de limiter la prise de données à la micro- informatique.

En relation avec le troisième rôle, si, a priori, les liens STS se tissent aisément dans un cours de science on voit moins bien comment ils s’imbriquent dans un laboratoire et encore moins en quoi ces liens viennent bonifier les habiletés intellectuelles de raisonnement. Pourtant, un regard plus attentif montre qu’au-delà des concepts, les étudiants doivent aussi former leur système de valeurs et leur esprit de décision. Les laboratoires de sciences sont une occasion privilégiée de manipuler du matériel concret qui donne un sens à leur apprentissage (recyclage de l’aluminium, fabrication de robots, de lentilles, etc.) tout en leur fournissant l’opportunité de défendre un point de vue avec des arguments logiques et empiriques. On a qu’à penser à la popularité des expos-science pour s’en convaincre. Le dernier rôle contient un élément controversé, soit la définition de la «nature de la science», qui est encore objet d’un vif débat (voir Alters, 1997 et la réplique de Eflin, Glennan et Reisch,1999, pour un exemple). Il existe néanmoins un consensus: lors de la réalisation d’un laboratoire, les étudiants peuvent vivre une expérience ressemblant au mode (ou à un mode) de fonctionnement de la science. Un des objets de la controverse évoquée en début de paragraphe est de savoir si la démarche expérimentale proposée dans les laboratoires est un reflet fidèle du déroulement d’un «vrai» laboratoire dans un milieu de recherche. Par exemple, le prix Nobel Peter Medawar a écrit un article intitulé: «Est-ce que l’article scientifique est une fraude ?» (Medawar, 1963). Le modèle OHERIC (Observations - Hypothèses - Expérimentation - Résultats - Inférences - Conclusion) traditionnellement présenté aux étudiants comme étant LA méthode scientifique s’écarte bien souvent du véritable processus ayant mené à une découverte.

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Les buts préalablement exposés ne sont pas universellement partagés. À titre de comparaison, voici, selon Elizabeth Hegarty-Hazel (1990, p.15), les buts que les laboratoires devraient viser:

Tableau III - Buts poursuivis par les laboratoires selon Hegarty-Hazel.

1. Enseigner les habiletés psychomotrices (manipulation d’appareils) et améliorer la compréhension des appareils de la part des étudiants.

2. Induire la compréhension d’une investigation scientifique et l’expérimenter concrètement.

3. Se pratiquer à concevoir et mettre à exécution des expériences qui génèrent des données à analyser et à interpréter.

4. Développer des attitudes utiles dans un laboratoire de science: créativité et débrouillardise.

5. Introduire une nouvelle discipline, tenir compte des différences individuelles, fournir des expériences d’apprentissage concrètes.

6. Placer les étudiants en situation de succès et de contrôle face à la science (motivation).

On peut remarquer la quasi-absence complète de buts cognitifs. Les laboratoires semblent ici isolés et poursuivant des buts parallèles à ceux de la partie magistrale du cours. Il faut aussi souligner l’absence d’habiletés de communication des résultats.

Lors du «European Labwork in Science Education project », Welzel et al. (1998) ont identifié les buts suivants comme étant ceux poursuivis par les professeurs de science en Europe.

Tableau IV - Buts des laboratoires selon Welzel et al. 1. Lier la théorie à la pratique.

2. Apprendre des habiletés expérientielles (sic).

Comme cette énumération de buts divergents l’illustre sans ambage, il n’existe pas de consensus sur les rôles des laboratoires dans l’enseignement. On peut toutefois remarquer que les quelques niveaux de lecture mentionnés dans l’introduction s’y retrouvent (faire apprendre, développer les habiletés psychomotrices, expérimenter un mode de fonctionnement propre aux disciplines scientifiques, susciter des passions propres à augmenter la motivation des étudiants). Comme mentionné précédemment, d’autres lectures sont également possibles (développement de la créativité et de la débrouillardise, par exemple) (Kirschner et Meester, 1988).

Pour mieux cibler notre instrument de mesure, il convient d’établir des objectifs opératoires plus concrets et circonscrits. Bien entendu, une liste complète et universellement acceptée des objectifs liés aux laboratoires n’existe pas, cependant deux chercheurs hollandais se sont attelés à cette tâche de recension.

1.3.2 Objectifs liés aux laboratoires de science et justification de notre choix

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