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Le rôle significatif des cadres relatifs aux droits humains pour une gouvernance sensible au genre

Dans le document Genre et gouvernance (Page 61-64)

5. G OUVERNANCE MONDIALE ET GENRE

5.2 Genre, gouvernance mondiale et rôle de l‟ONU

5.2.1 Le rôle significatif des cadres relatifs aux droits humains pour une gouvernance sensible au genre

Le système de l‟ONU est fondé sur l‟idée d‟universalité des droits humains, consacrés par la Déclaration universelle des droits de l‟Homme en 1948 et 1997, qui soutient que tous les être humains devraient être considérés de manière égale et devraient bénéficier de certaines libertés, telles que la liberté de critiquer leur gouvernement. Les principes d‟égalité, de liberté et de dignité pour tous les êtres humains sont centraux à la Déclaration (voir chapitre 1). Depuis la création de l‟ONU, ces principes de base se sont traduits par des conventions et des traités que les pays membres sont censés ratifier et faire respecter par obligation

juridique. Les instruments internationaux relatifs aux droits humains qui mettent explicitement l‟accent sur l‟égalité de genre sont : la CEDEF, la Convention sur les droits politiques de la femme, la Déclaration sur l‟élimination de la violence à l‟égard des femmes et la Déclaration sur la protection des femmes et des enfants en période d‟urgence et de conflit armé. Comme mentionné dans les chapitres précédents, les gouvernements ont un rôle important à jouer en adhérant pleinement aux conventions qu‟ils ont ratifiées, ou qu‟ils se sont engagés à faire respecter (Gruger et Piper 2007; Jayal 2003). Pour ce faire, ils ont besoin d‟un programme d‟application clair, développé de façon participative dans toutes les instances de gouvernance locale et dans tous les réseaux citoyens avec la médiation des OSC. Nous nous concentrerons ci-dessous sur la CEDEF, en analysant son utilité en tant que catalyseur et mécanisme de responsabilité qui promeut l‟égalité de genre dans un contexte mondial.

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF)

La CEDEF définit ce qui constitue la discrimination à l‟égard des femmes et établit un programme d‟actions nationales pour mettre fin à cette discrimination. Les Etats qui ont ratifié la Convention s‟engagent à planifier et à mettre en œuvre un ensemble de mesures pour combattre la discrimination à tous les niveaux de la société, y compris en assurant l‟égalité des chances dans la vie politique et publique, et un accès égal à l‟emploi, à l‟éducation et à la santé. La Convention est unique en ce sens qu‟elle reconnaît les droits reproductifs des femmes. Elle appelle aussi à la transformation des pratiques culturelles et sociales des hommes et des femmes lorsqu‟elles empêchent d‟atteindre l‟objectif d‟égalité de genre.

Le mécanisme d‟application de la CEDEF s‟appuie sur un système de rapports : les pays qui ont ratifié la Convention doivent soumettre un rapport sur le statut des femmes dans l‟année qui suit la ratification, puis un rapport tous les quatre ans pour faire état de leurs avancées dans la diminution des obstacles à l‟égalité,

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sur la base du premier rapport de « référence » (Tang 2000 : 8 ; Site Internet de la CEDEF). Le Comité des Nations unies en charge de la CEDEF demande aux OSC de jouer un rôle de « surveillance » dans ce processus, en assurant que les gouvernements ne signalent pas seulement leurs réussites. Cette contribution officielle que peuvent apporter les OSC s‟opère sous la forme de rapports alternatifs, accompagnés d‟exposés informels (voir étude de cas ci-dessous).

L‟avancée la plus importante est sans doute l‟introduction en 1999 du Protocole facultatif, qui donne aux individus et aux groupes le droit de porter plainte auprès du Comité de la CEDEF sur les violations des droits des femmes et permet par ailleurs au Comité de mener des enquêtes sur ces violations dans les pays qui ont ratifié la Convention. D‟après le Protocole facultatif, on peut demander aux Etats parties de s‟expliquer sur les plaintes relatives aux violations graves et de prendre des mesures ; des investigations peuvent être initiées. Bien que le Comité des Droits de l‟Homme de l‟ONU n‟ait pas, jusqu‟à présent, mis en place de mécanisme juridique contraignant, la commission en charge de l‟investigation a le pouvoir de rendre les violations publiques, et « une telle publicité négative est potentiellement très nuisible » (Tang 2000). La CEDEF peut donc potentiellement être utilisée en tant qu‟instrument pour palier un système juridique

national faible. Cependant, ceux qui font appel à la CEDEF doivent prouver qu‟ils ont épuisé tous les recours juridiques nationaux (ibid.).

Dans quelle mesure la CEDEF est-elle efficace pour promouvoir l’égalité de genre ?

« Nous avons observé un changement notable quant au statut des femmes grâce à l’utilisation de la CEDEF. Nous l’avons senti. Nous l’avons vécu. Nous recommandons donc aux ONG partout dans le monde d’utiliser cet instrument. C’est très important et cela peut changer beaucoup de choses dans la vie des femmes ».

(Dr Afaf Marei, Directrice de l‟Association égyptienne pour l‟amélioration de la participation communautaire, lors d‟une communication personnelle, Novembre 2008) Les points de vue sont mitigés quant à l‟efficacité de la CEDEF en tant qu‟instrument international, en partie parce que peu de rapports formels sur son application et ses effets sur la gouvernance aux niveaux national et local ont été produits. Cela n‟est pas dû à l‟absence d‟impacts positifs, mais au fait que les témoignages de changements pour lesquels la CEDEF a joué un rôle n‟ont tout simplement pas été signalés24

. Les quelques témoignages reçus laissent penser que la CEDEF et le système de rapports alternatifs ont contribué à une législation plus équitable en matière de genre dans certains pays. On peut citer : les changements dans les lois turques qui avaient deux définitions distinctes de l‟adultère pour les hommes et les femmes, l‟entrée en vigueur d‟une législation sur l‟accès égal à l‟emploi au Japon et la création d‟un Comité de la condition de la femme en Ukraine (McPhedran et al. 2000). La pression internationale pour que l‟on s‟attaque aux inégalités de genre, exprimée dans la BPfA et dans l‟OMD N°3, et renforcée par les forums relatifs aux droits des femmes et à l‟égalité de genre, a permis une meilleure reconnaissance de la CEDEF et une adhésion au mécanisme des rapports alternatifs dans de nombreux pays, notamment ceux du Moyen-Orient. Un membre du comité responsable du rapport alternatif en Egypte a dit :

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« Par exemple, an Arabie saoudite, on a entendu parler d’organisations de la société civile qui travaillent sur les droits des femmes, qui les font appliquer et qui préparent des rapports alternatifs pour ces pays. Personne n’aurait cru que cela puisse se produire en Arabie saoudite, mais cela se produit. Les choses changent, les choses changent, parce que l’environnement international est favorable à cela et parce qu’il existe un mécanisme international qui est approuvé par le pays…Et la société civile devient plus forte dans ces pays, plus consciente de ses droits et de l’existence de ces mécanismes ».

(Afaf Marei, communication personnelle, 2008) Bien que la CEDEF ait été ratifiée par 185 pays, de nombreux pays refusent de la ratifier, y compris les Etats-Unis et cela constitue une préoccupation importante. En réalité, parce que les Etats-Unis n‟ont toujours pas ratifié la CEDEF, la ville et le comté de San Francisco ont introduit une régulation pour l‟appliquer sur le plan local. Dans le cadre de son application, l‟administration de la ville doit mener une analyse, sous l‟angle du genre, de la répartition budgétaire, de ses services et de ses pratiques en matière d‟emploi (Groupe de la CEDEF de San Francisco / Commission de la condition de la femme (CSW) 2000). Même lorsque les gouvernements ont ratifié la CEDEF, on ne peut pas garantir qu‟ils ne cherchent pas seulement par là à obtenir l‟approbation et le soutien de l‟ONU et de ses Etats membres (Grugel et Piper 2007: 8). La faiblesse des mécanismes de gouvernance mondiale qui demandent aux Etats de rendre des comptes afin qu‟ils sont conformes à la CEDEF et à d‟autres instruments internationaux relatifs aux droits humains reste un

inconvénient majeur et l‟application dépend de la volonté des Etats d‟incorporer les principes à leur législation nationale (Tang 2000). Ainsi, dans de nombreux cas, les gouvernements émettent des réserves sur certains articles de la CEDEF, prétextant qu‟ils contredisent les lois statutaires et coutumières, telles que la Shari‟a.

Le mécanisme des rapports alternatifs de la CEDEF

Le système des rapports alternatifs de la CEDEF offre un moyen officiel de garantir que les gouvernements ou autres institutions de gouvernance nationale assument leurs engagements – il peut tenir compte de toutes les dimensions de l‟égalité de genre dans un pays ou se concentrer en particulier sur une question, un secteur ou une région du pays. Cela est bien illustré par le 6ème rapport du Royaume-Uni soumis au Comité de la CEDEF en 2008 :

Rapports alternatifs du Royaume-Uni

En 2008, en plus du rapport officiel soumis par le gouvernement, un certain nombre de rapports alternatifs relatifs à la CEDEF ont été soumis et notamment :

La Commission nationale des femmes (Women’s National Commission) – une instance publique

de conseil non ministérielle – a pris en charge la dimension nationale ;

Le Centre de ressources des femmes (Women’s Resource Centre) s‟est concentré sur la situation

du secteur des ONG de femmes ;

La Plate-forme des femmes européennes d‟Irlande du Nord (Northern Ireland European Women’s

Platform) s‟est concentré sur les femmes en Irlande du Nord ;

La London School of Economics et L‟Université London Metropolitan ont soumis un rapport intitulé : „Violence Against Women in the UK Shadow Thematic Report‟ [Rapport alternatif thématique sur la violence faite aux femmes au Royaume-Uni].

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