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Rôle protecteur et mécanismes de résistance extrinsèques

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A. Niche hématopoïétique

3. Rôle protecteur et mécanismes de résistance extrinsèques

Au-delà de son rôle dans le processus de leucémogenèse, permissif ou partiellement conducteur, le microenvironnement médullaire confère une protection

81 aux cellules leucémiques. Ce rôle s’exerce à travers des mécanismes qui recoupent les caractéristiques évoquées plus haut : facteurs solubles, interactions cellule-cellule et cellule-MEC, basse pression en O2. Nous allons artificiellement les séparer pour

présenter certaines données mais elles sont extrêmement intriquées et se produisent de manière concomitante.

a. Rôle des facteurs solubles

Différentes cytokines et facteurs de croissance ont largement été impliqués dans ces phénomènes :

Le FLT3-ligand est une cytokine dont la sécrétion et le niveau plasmatique augmentent après les chimiothérapies aplasiantes, notamment au fur et à mesure des chimiothérapies de consolidations de LAM. Ces taux élevés de FL diminuent fortement l’efficacité des FLT3-ITK.290 D’autres travaux ont démontré que cette résistance aux

FLT3-ITK était secondaire à une augmentation STAT5-dépendante de BIRC5, inhibiteur des voies apoptotiques. Parallèlement, les SOCS étaient inhibés par méthylation, permettant de maintenir la signalisation STAT5-dépendante.291

Le rôle de la TPO dans ce contexte est encore discuté. Son rôle central dans le maintien des CSH normales pourrait suggérer un rôle similaire dans l’hématopoïèse leucémique. Son niveau d’expression semble plus élevé chez les patients atteints de LAM, et son rôle dans la résistance aux chimiothérapies conventionnelles a été proposé.292 Son niveau sérique au diagnostic est corrélé aux leucopénies et

thrombopénies, mécanismes reliés au niveau d’expression de son récepteur par les cellules leucémiques. Ces dernières captent la TPO, qui est moins biodisponible pour les CSH normales, provoquant des cytopénies.293 Environ 50 à 60% des LAM

expriment le récepteur MPL,294 et si la survie globale et les taux de RC ne semblent

pas affectés directement par son niveau d’expression, la durée de RC est significativement plus faible chez les patients MPL+.295 In vitro, son rôle pro-prolifératif

est démontré sur les blastes MPL+,296 dans un modèle de LAM de type CBF. La TPO

active alors la voie PI3K/AKT/mTOR,297 puis vraisemblablement BCLXL.298

Dans les travaux cités ci-dessus, l’IL-3 induit une réponse similaire alors que l’IL-6 et le SCF sont sans effet. L’IL-3 joue vraisemblablement un rôle au moins aussi important dans la LAM que la TPO puisqu’une sous-unité de son récepteur, le CD123

82 est surexprimé dans la majorité des LAM,67 notamment FLT3-ITD.299 La proportion de

LIC qui l’exprime est directement corrélée à un mauvais pronostic,300 et à de plus

grandes capacités de greffe dans un modèle murin.67 Le récepteur est composé de 2

sous-unités, la sous-unité α (CD123) confère la spécificité du ligand alors que la sous- unité β est commune aux récepteurs au GM-CSF, à l’IL-3 et à l’IL-5 (Figure 7).

D’autres chimiokines sont impliquées, notamment l’axe CXCL12/CXCR4 qui joue un rôle non seulement dans le maintien des LIC dans leur microenvironnement, mais aussi dans la résistance aux chimiothérapies in vivo.301 Plus généralement, le

rôle des cytokines et des facteurs de croissance a aussi été démontré par l’efficacité des inhibiteurs de JAK1/2 dans la suppression de la protection permise par les co- cultures stromales, incluant la protection contre les inhibiteurs de BCL2,302 ou encore

à travers le rôle important de STAT5 dans la protection contre les ITK dans la LMC.303

Les facteurs de croissance tels que le VEGF sont aussi impliqués,304 le rôle de ce

dernier pourrait être particulièrement important car hautement régulé par les basses pressions en O2.

b. Rôle des interactions cellule-cellule et cellule-MEC

Les interactions des cellules leucémiques avec leur environnement, particulièrement les LIC, participent à cette protection contre les traitements, en partie à travers les facteurs solubles discutés plus haut mais aussi via les molécules d’adhésion.

Le contact cellule-cellule implique des mécanismes de protection passant par de multiples voies : autophagie,305 modifications métaboliques,306 transferts de

mitochondries,307 activation des cellules endothéliales et quiescence leucémique,308

etc. Certains travaux ont suggéré un mécanisme contre-intuitif : sur stroma, l’inhibition du FLT3 stimulerait la prolifération de CSH FLT3-ITD.309 Cet effet suspecté du rôle

pro- « stemness » des ITK, avait déjà été suggéré dans la LMC, dans laquelle l’imatinib restaure l’expression d’une signature souche de cellules Phi+ dans un modèle d’« induced pluripotent stem cells ».310 Récemment, Giustacchini et al. ont identifié,

grâce à une approche en « Single Cell Analysis » ex vivo sur des échantillons de patients atteints de LMC, la présence de deux populations étiquetées « Phi+ LIC ».

Une population présentait une signature transcriptomique « proliférative » et une seconde présentait une signature « quiescente ». Cette dernière bénéficiait d’une

83 expansion, et non pas d’un simple maintien, au cours du traitement par imatinib. Ces « Phi+ LIC » étaient caractérisées par une dérégulation des voies TGFβ, TNFα et

JAK/STAT suggérant, selon les auteurs, que le microenvironnement était responsable de la persistance et de l’expansion de ces « Phi+ LIC » quiescentes, sous imatinib.311

L’ensemble de ces concepts, plus aisés à appréhender dans la LMC que dans la LAM FLT3-ITD, reste à démontrer dans les hémopathies aiguës mais pointent des perspectives de recherche et de développement autour de nouvelles cibles thérapeutiques particulièrement intéressantes.

Le contact cellule-MEC est aussi impliqué, notamment à travers le CD44, récepteur entre autres au collagène, qui est particulièrement exprimé aux pourtours de l’endosteum, participant au maintien à un stade indifférencié des cellules leucémiques, et à leur « stemness ».68

c. Rôle des basses pressions en O2

Le rôle de l’hypoxie dans la protection des cellules cancéreuses a, initialement, été évoqué et défini dans les tumeurs solides qui présentent de nombreuses régions hypoxiques.

Le niveau d’hypoxie a été corrélé à la résistance à de nombreux traitements, chimiothérapie et radiothérapie, ainsi qu’à un mauvais pronostic avec une incidence plus fréquente de rechutes locales et de métastases. Il a même été démontré que l’hypoxie tumorale laissait une empreinte de quiescence dans les cellules cancéreuses de la tumeur primaire, qui disséminaient ensuite sous forme métastatique. A l’issue, ces cellules perdaient la signature « hypoxique » mais conservaient la signature « quiescente ». En d’autres termes, les niveaux d’O2 variables dans la tumeur primaire

laissent leurs empreintes jusque dans les métastases.312

Dans les leucémies aiguës, il est démontré que la stabilisation de HIF1α par les basses pressions en O2 induit une chimiorésistance HIF1α-dépendante. L’inhibition de

HIF1α, pharmacologique ou génétique, restaure la sensibilité aux traitements malgré l’hypoxie et inversement la stabilisation pharmacologique de HIF1α en condition « normoxique » induit une chimiorésistance, dans les LAL,313 et les LAM.314

84 Par ailleurs, l’hypoxie à 1% d’O2 induit un raccourcissement permanent de la

demi-vie de la protéine FLT3, néanmoins réversible si les cellules sont replacées en normoxie, indépendamment de son statut ITD ou WT. Ce mécanisme de régulation n’est pas retrouvé pour l’EGFR, KIT ou l’EPOR. Parallèlement, la sensibilité à un FLT3- ITK ne semble pas modifiée mais les auteurs ont utilisé du sorafenib, un inhibiteur multi-kinase. Inversement, la sensibilité à l’aracytine est diminuée par les conditions de culture hypoxique.315 D’autres travaux dans les LAM FLT3-ITD ont retrouvé que

l’hypoxie induisait une suractivation de la voie PI3K/AKT/mTOR et que la co-culture avec des cellules stromales en hypoxie induisait une résistance au sorafenib, contre- passée par des inhibiteurs de la voie PI3K.316

In fine, la niche hématopoïétique est permissive au remplacement de

l’hématopoïèse normale par une hématopoïèse leucémique à travers des modifications de son microenvironnement.

Au cours des traitements, les différentes composantes de cette niche permettent de maintenir un réservoir de LIC à travers des mécanismes dépendants de contacts cellule-cellule ou cellule-MEC, des facteurs solubles incluant TPO, IL-3, et CXCL12 et de basses pressions en O2, activatrices de la voie PI3K/AKT/mTOR impliquée dans la résistance à l’apoptose.

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