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Rôle du pharmacien d’officine

Dans le document Cannabis et grossesse (Page 87-95)

6.2) Le centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD)

7) Rôle du pharmacien d’officine

En tant que pharmacien d’officine, nous sommes régulièrement confrontés aux personnes ayant un problème de consommation de substances psychoactives, licites ou illicites (y compris le tabac ou les médicaments détournés de leur usage). Auprès des femmes enceintes nous pouvons jouer un rôle important en termes d’éducation pour la santé.

Chez les jeunes femmes en âge de procréer et chez les femmes enceintes, la consommation de cannabis est devenue un véritable problème de santé sanitaire.

L’aveu de la consommation de cannabis chez les femmes enceintes n’est pas évident. Leur peur d’être stigmatisées, jugées ou encore étiquetées peut les amener à refuser de se confier et à ne pas accepter notre aide. L’apparition d’un sentiment de culpabilité de la mère, parfois présent dès la connaissance de la grossesse, et pouvant être renforcé par nos propos ou nos actes rend nos interventions plus délicates.

ŹIl est important dans un premier temps de redéfinir la place qu’occupe le cannabis dans notre société.

Le cannabis est une drogue « à part ». En effet, sa consommation se banalise et est de plus en plus fréquente. Cette drogue est devenue plus accessible tant au niveau financier qu’au niveau de sa facilité d’accès et bien qu’elle reste une drogue illégale et illicite en France, ce n’est pas, ou plus le cas dans de nombreux pays voisins.

Les tabous autour du cannabis sont nombreux, mais il est temps de les lever. Chez les femmes enceintes, son usage croissant en fait un problème de santé publique qui doit être abordé !

ŹComment le pharmacien peut-il agir dans la lutte contre le cannabis, en particulier chez les femmes enceintes ?

pouvons et nous devons toujours tenter d’ouvrir le dialogue avec les personnes ayant un problème avec leur consommation quelle qu’elle soit. Nous pourrons ainsi :

- les prévenir - les informer - les écouter

- les orienter vers des structures de prise en charge spécialisées. [87] [96]

7.1)

Prévenir

Dans les salles d’attente des cabinets médicaux, dans les hôpitaux, de nombreuses affiches « zéro alcool » et « zéro tabac » sont désormais présentes et l’information autour de ces sujets est disponible et accessible pour les femmes enceintes. En ce qui concerne les autres drogues, comme le cannabis, les informations se font plus rares.

Pourquoi ne pas diffuser au sein des pharmacies d’officine, au même titre que pour l’alcool et le tabac durant la grossesse, des « dépliants », des affiches, voire des spots télévisés de lutte contre le cannabis. Ces supports pourraient contenir des informations sur le cannabis, sur ses effets à plus ou moins long terme. Un feuillet pour la femme enceinte pourrait aussi être créé, informant la future mère des risques encourus face à une telle consommation.

[97]

En ce qui concerne le cannabis, nous ne pouvons pas jouer notre rôle préventif comme cela se fait avec les autres drogues (vente de seringues, de stéribox® et de préservatifs).

En effet, inhalé ou ingéré, le cannabis n’expose pas à des risques de transmissions de VIH ou d’hépatites comme les drogues administrées par voie intra-veineuse, et il ne s’utilise pas dans les mêmes conditions « extrêmes » que les autres drogues (rave parties…).

Notre rôle de suivi et de conseil lors d’un sevrage cannabique se retrouve aussi limité par l’absence de traitement pharmacologique ou de traitement de substitution spécifique à cette drogue.

Malgré cela, il est concevable que d’autres actes de délivrance puissent s’accompagner de conseils sur la consommation de cannabis. Par exemple :

Ɣ Lors de la délivrance d’un test de grossesse :

La grossesse n’étant pas encore avérée et ne sachant pas si elle est désirée ou non par la patiente (et si elle sera poursuivie), il semble délicat d’aborder la question du cannabis dans le cas présent. De plus, les conseils sur le mode d’emploi de ce dispositif, ainsi que les actions à entreprendre selon le résultat du test sont les conseils prioritaires à donner.

Ɣ Lors de la délivrance de substituts nicotiniques :

- Si nous n’avons pas la connaissance d’une grossesse chez la patiente, il semble délicat de la questionner sur cette éventualité. Interroger sur la consommation de tabac, afin d’évaluer le dosage du patch à délivrer, est devenu un acte banal et incontournable. Mais ceci est loin d’être le cas pour le cannabis, parce que le sujet reste délicat.

- Si la grossesse est avérée et « visible », aborder la question du cannabis de but en blanc semble peu faisable. Cela pourrait braquer la patiente, dont la démarche pour diminuer ou stopper sa consommation de tabac durant sa grossesse est déjà à féliciter et à encourager.

Conseiller la patiente sur le dosage qui lui correspond, ainsi que sur la durée de pose du patch est un acte prioritaire. En effet, elle ne doit pas garder son patch 24 heures d’affilée mais au maximum 12 à 14 heures par jour, et le dosage ne doit pas excéder 14mg/h. Par la suite, lui rappeler qu’un suivi médical est toujours préférable (suivi régulier du sevrage, examen médical et soutien psychologique).

Ɣ Lors de la délivrance de compléments alimentaires pour les femmes enceintes : Une telle délivrance, qu’elle fasse l’objet ou non d’une prescription médicale, peut s’accompagner de conseils sur l’hygiène de la grossesse.

Il faut informer la patiente sur son alimentation, lui rappelant les besoins essentiels durant sa grossesse, puis lui rappeler quelques astuces simples sur l’hygiène, comme les précautions à prendre pour ne pas contracter de maladies infectieuses telles que la toxoplasmose ou la listériose.

7.2) Informer

Afin d’augmenter la sensibilisation de nos patientes sur l’utilisation de cannabis durant la grossesse, nous devons les informer des risques et des conséquences pour elles et leur(s) enfant(s).

Pour cela il est nécessaire d’améliorer nos connaissances à ce sujet. Pour ce faire, il existe une nécessité d’effectuer de nouvelles études, sur de plus grands échantillons, en tenant compte des multiples sources de biais, afin d’évaluer plus précisément les effets comportementaux et psychiques sur le fœtus.

D’après la Haute Autorité de Santé, chaque femme enceinte doit être informée sur les risques liés à la consommation de substances psychoactives pendant la grossesse.

Dans la mesure du possible, il faut donc informer les femmes enceintes des risques obstétricaux encourus lors d’une consommation de cannabis (risques accrus d’accouchement prématuré), ainsi que des risques pour le fœtus (petit poids de naissance, diminution de la taille et du périmètre crânien) et pour le nouveau-né (troubles du comportement à plus ou moins long terme) lors d’une exposition in-utéro.

La grossesse ou le désir d’une grossesse est un moment privilégié pour amorcer des changements, notamment en ce qui concerne la consommation de substances psychoactives. Il s’agit d’une période propice au sevrage, avec des chances de réussite importantes. Il est donc important d’expliquer à la patiente l’intérêt d’un arrêt total de sa consommation, insistant sur le fait qu’il n’existe pas de quantité sans risque, ni de période de la grossesse où le bébé est protégé.

[99]

7.3) Ecouter

Notre disponibilité et notre accessibilité pousse parfois les patients à ce confier sur leur vie, leurs problèmes. Nous devons être capables d’écouter ces personnes avec respect, empathie et non-jugement. L’existence d’une zone de confidentialité est donc très importante dans la perspective d’un entretien pharmaceutique. Cette zone peut être étendue à une salle où le patient désireux de se confier pourrait le faire dans une totale intimité et à l’abri des oreilles indiscrètes.

Il s’agit de favoriser l’expression des patients, à l’aide de questions ouvertes et non moralisatrices. Nous leur proposons une écoute et les accompagnons dans leur réflexion. Une relation de confiance peut être instaurée et notre engagement auprès du patient doit lui être signalé. Cependant nous devons rester dans la limite de nos compétences et faire le lien avec d’autres acteurs de santé.

7.4) Orienter

Notre rôle consiste aussi à orienter les patients en difficulté avec leur consommation de cannabis, pour une meilleure prise en charge.

Nous pouvons les diriger :

- Vers leur médecin généraliste. Il s’agit de la porte d’entrée la plus fréquemment empruntée par les usagers de drogues. Cependant la qualité de réponse apportée par les médecins de villes est très hétérogène. Celle-ci varie d’une forte implication (pour une minorité de médecins généralistes, devenus des spécialistes implicites en addictologie) à un refus catégorique de prise en charge [87].

- Vers des structures spécialisées en addictologie. Chaque pharmacien doit ainsi connaître les structures de soins et les différents intervenants en toxicomanie dans son secteur.

Pour les patients qui refusent de consulter, informons-les de la permanence de plateformes téléphoniques dédiées aux addictions, leur proposant :

- un soutien adapté aux besoins de chacun,

- des informations sur : les effets, les risques, la loi et les lieux d’accueil ainsi que des conseils de prévention,

- une orientation vers des professionnels compétents.

L’existence de divers sites internet leur permettront aussi de trouver de nombreuses informations liées à leur problème ainsi que les coordonnées de médecins addictologues et de

THESE SOUTENUE PAR : LACHARME Coline TITRE : Cannabis et Grossesse

CONCLUSION :

Le cannabis est actuellement la drogue la plus consommée par les femmes en âge de procréer et les femmes enceintes. Bien que les résultats sur les paramètres de croissance fœtale et la tératogénicité paraissent peu inquiétants au niveau clinique, les conséquences psychologiques et comportementales sur l’enfant à moyen et long terme semblent plus préoccupantes.

Cependant ces données restent difficiles à évaluer du fait de la pauvreté des informations recueillies lors des études, ainsi que la présence de nombreux facteurs de confusions. Il existe une nécessité de réaliser de nouvelles études, sur de plus grands échantillons, tenant compte des multiples sources de biais. Ceci permettrait d’évaluer plus précisément les effets d’une exposition in-utéro au cannabis.

La prise en charge des femmes enceintes consommatrices de cannabis est complexe. En effet, il n’existe pas de traitement pharmacologique spécifique du sevrage cannabique et la plupart du temps il s’agit de traiter une polyaddiction.

Cependant la grossesse reste un moment privilégié pour débuter un sevrage, avec des chances de réussite importantes. Ainsi, au même titre que ce qui est fait actuellement par les professionnels de santé pour le tabac et l’alcool, il est nécessaire d’informer et de développer des programmes de prévention en ce qui concerne la consommation de cannabis chez les femmes enceintes.

Le pharmacien d’officine est régulièrement confronté à ce type de patiente. Son rôle est primordial dans la prévention et l’information aux femmes enceintes consommatrices de cannabis, que ce soit par le biais d’informations écrites (dépliants, tracts), de conseils donnés lors d’une délivrance, ou encore lors d’entretiens pharmaceutiques. Son rôle est aussi de savoir orienter ces patientes lorsqu’une prise en charge spécialisée est nécessaire. Il s’agit de travailler en équipe avec les réseaux médico-sociaux, qui proposent une prise en charge globale et individualisée aux patientes.

Certes le cannabis est un sujet encore tabou dans notre société, en particulier chez les femmes enceintes, mais notre rôle est d’aller au-delà de ces interdits, afin de pouvoir apporter des réponses et des solutions à ces femmes, et ce au plus tôt de leur grossesse.

VU ET PERMIS D’IMPRIMER

Grenoble, le

LE DOYEN LE PRESIDENT DE LA THESE

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