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Rôle du médecin généraliste dans les structures de coordination des soins

Le médecin traitant a un rôle central dans la coordination car il accompagne les personnes dans la gestion de leur parcours de santé.

Nous allons le voir, lorsque ce rôle dépasse le champ de ses compétences, il peut passer le relais ou coopérer avec d'autres coordonnateurs de parcours : soit les coordonnateurs spécialisés qui s'occupent d'un domaine de compétences particulier (infirmière coordinatrice de SSIAD, coordonnateur de CLIC...) soit des gestionnaires de cas (case

manager) qui gèrent des situations complexes (gestionnaire de cas MAIA par exemple). Ces

trois personnalités sont interdépendantes. (2)

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En 1978, lors de la conférence d'Alma-Ata, l'OMS définit l'organisation la plus efficace pour le système de santé : celle d'une organisation territoriale des soins reposant sur une approche rationnelle de leur degré de difficulté technique. Ainsi elle divise l'organisation territoriale de soins en niveaux de recours. Le premier, celui des soins de premier recours, correspond aux soins usuels pour les pathologies légères et de diagnostic aisé, qui sont dispensés par les médecins généralistes.

Cependant, la France n'a pas fait le choix strict de cette organisation des soins, puisque la loi du 13 août 2004, relative à l'assurance maladie, qui institue le médecin traitant comme pivot dans le système de soins, laisse son libre choix au patient. Celui-ci peut donc choisir comme référent un médecin généraliste ou un médecin spécialiste autre qu'en médecine générale. De même l'accès direct à certaines spécialités (gynécologie-obstétrique, ophtalmologie...), ainsi que l'accès aux soins hospitaliers restent préservés. On ne peut donc considérer qu'il s'agit stricto sensu d'une organisation des soins fondée sur des niveaux de recours.(42)

Dans le cadre d'une approche territoriale de la santé, La Loi HPST du 22 juillet 2009 à l'article 1411-11, a défini les soins de premier recours comme l'ensemble des soins de qualité accessibles territorialement. Elle vise à mettre en place une offre de soins gradués, de qualité et accessibles à tous. Les soins de premier recours désignent donc les missions des professionnels des soins ambulatoires, c'est dire :

 « La pre vention, le de pistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients ;

 La dispensation et l'administration des me dicaments, produits et dispositifs me dicaux, ainsi que le conseil pharmaceutique ;

 L'orientation dans le syste me de soins et le secteur me dico-social ;

 L'e ducation pour la sante .»

De plus, elle définit les missions du médecin de premier recours : coordination et organisation de la prise en charge des malades chroniques en collaboration avec les autres professionnels, contribution à la prévention, au dépistage et à l'éducation à la santé. (43)

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Ces missions sont également reprises dans le code de santé publique sous cette forme :

Le guide DGOS sur les réseaux octobre 2012 précise que « la loi place le médecin généraliste de premier recours au centre de la coordination des soins(...), et lui confère un rôle pivot dans l’organisation et la mise en œuvre des fonctions d’entrée dans le système de soins (diagnostic, orientation, traitement), de suivi du patient et de coordination de son parcours (y compris dans le secteur médico-social), de relais des politiques de santé publique dont la prévention, le dépistage, l’éducation à la santé.» (44)

Ainsi, les récentes orientations législatives du système de santé français élargissent le rôle du médecin généraliste, traditionnellement tourné vers le soin en un rôle plus complet qui englobe la prévention, le dépistage, l’éducation…

Nous allons étudier maintenant ce nouveau statut assigné au généraliste et la façon dont il doit orienter sa prise en charge pour suivre ces directives.

Art. L. 4130-1 du code de la sante publique

Les missions du ge ne raliste de premier recours sont notamment les suivantes :

 contribuer a l’offre de soins ambulatoire en assurant la pre vention, le de pistage, le diagnostic, le traitement et le suivi du malade ainsi que l’e ducation pour la sante ;

 orienter le patient dans le syste me de soins et le secteur me dico-social ;

 s’assurer de la coordination des soins de ses patients ;

 veiller a l’application individualise e des protocoles et recommandations pour les affections longue dure e et contribuer au suivi des maladies chroniques ;

 assurer la synthe se des informations transmises par les diffe rents professionnels de sante ;

 contribuer a des actions de pre vention et de de pistage ;

 participer a la permanence de soins ;

 contribuer a l’accueil et a la formation des stagiaires de deuxie me et troisie me cycles universitaires.

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2 Le dispositif du me decin traitant et la notion de parcours de soin

Adoptée le 13 août 2004, et entrée en vigueur le 1er janvier 2006, la réforme de l'assurance maladie instaure la notion de parcours de soins coordonné dans lequel le médecin traitant joue un « rôle pivot ».

Le choix d’un médecin traitant n’est pas obligatoire. Cependant, les patients n'ayant pas déclaré de médecin traitant à l'assurance maladie se voient opposer des pénalités financières lors des consultations. Cette réforme, alliée à la loi HPST pose les bases d'un accès aux soins basé sur le libre choix organisé. Ainsi le respect du parcours conditionne la prise en charge normale des dépenses de santé pour le patient.

Au départ, le médecin traitant a été institué pour mieux réguler l'accès aux spécialistes. Mais les porteurs de la réforme ont également mis en avant une meilleure régulation des dépenses de santé et une meilleure efficience de la prise en charge, ainsi qu’une meilleure équité des soins. (45)

Le médecin traitant est donc chargé d'orienter le patient dans le système de soins et vers les spécialistes « correspondants » ainsi que de tenir son dossier médial. (46) (47)

L’adoption d’un principe de médecin traitant – et donc de gate-keeper – en France constitue l’un des signes de l’évolution du système de santé vers un modèle de fourniture de soins d’inspiration beveridgienne qui prévaut actuellement en Europe. Cela se traduit par une organisation davantage intégrée de l’offre des médecins – offre primaire (ou de premier recours), offre secondaire – tout en conservant en France la logique d’une médecine libérale. (48)

Alors que les politiques publiques ont longtemps été axées sur la bonne articulation entre offre de soins et services existants, on voit émerger depuis une dizaine d'années la notion de parcours de soins. Pour offrir à chacun un trajet dans le système de soins adapté, l'offre de soins doit se calquer sur les besoins des personnes. (49)

On peut noter que la première insertion dans le code de santé publique de la notion de parcours de soins coordonnés est faite en 2007 et concerne les greffes d'organes et de cellules hématopoïétiques. Selon le décret 2007-1257 du 21 août 2007, le personnel médical et paramédical qui assure cette activité comprend « des infirmiers expérimentés dont au moins un assurant la coordination du parcours de soins du patient. »

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Mis en place par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, celui-ci renforce le rôle des généralistes en tant que « porte d'entrée » dans le système de soins. Ce rôle, inspiré du gate-keeping du système de santé anglo-saxon, s'associe à une responsabilisation des patients quant à la gestion de leur santé et est donc censé diminuer les dépenses de l'assurance maladie.

Ainsi, dans son avis de 2012 « l'assurance maladie : les options du HCAAM », le HCAAM préconise que l'assurance maladie se mette au service d'une médecine de parcours. En effet, les secteurs médico-social et social doivent être intégrés au parcours de soins des assurés puisque leurs prestations font partie intégrante de la prise en charge des patients. (50)

Ce parcours de soins coordonnés nécessite donc la mise en place de nouvelles formes de travail, et notamment la fonction de synthèse médicale assurée par le médecin traitant ainsi que la fonction de coordination soignante et sociale, dans les situations complexes, qui peut être assurée par une infirmière, un autre professionnel de santé, voire une assistante sociale.

La mise en œuvre de ce parcours de soins coordonnés nécessite plusieurs conditions selon le HCAAM :

 « la production de donne es cliniques et sociales, leur e change et leur utilisation partage e ;

 l'e laboration par la HAS de recommandations de parcours notamment pour les malades chroniques et polypathologiques ;

 la recherche de l'utilisation optimale des compe tences professionnelles de chacun ;

 l'e volution de la tarification de l'assurance maladie pour inciter au travail collectif. » La structuration du cadre technique et financier de la coordination est confiée aux ARS. (51)

Récemment, l’article 25 du projet de loi santé 2015 reprend la définition du parcours de soins : « un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d'un même patient à la réalisation d'un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap ou de prévention de perte d'autonomie ou aux actions nécessaires à leur coordination ».

55 3 Fonction de synthe se me dicale

Le médecin traitant a la mission d'assurer la coordination entre les autres professionnels autour de son patient. Pour cela, il doit tenir à jour le dossier médical des patients, regroupant les données cliniques et paracliniques (examen de biologie, radiologie...) les concernant.

A partir de ce dossier, il peut établir une fiche de synthèse médicale qui comporte le projet thérapeutique avec un calendrier de suivi et les échanges avec les autres professionnels de santé.

4 L'e ducation the rapeutique du patient (ETP) et les missions de sante publique Le système de soins français a été reconnu par l'OMS en 2008 comme le système de soins le plus performant. Mais, l'OMS constate qu'en termes de mortalité prématurée évitable ainsi que d'inégalités sociales et géographiques de santé, le système de soins français se situe à un moins bon niveau que les pays qui privilégient une approche plus globale de la santé en intégrant à la médecine curative la médecine préventive.

En effet la politique française et les pratiques médicales ont été longtemps dominées par une approche curative, centrée sur l'accès et l'offre de soins. Pourtant, l'intégration des préoccupations de santé publique dans les dispositifs législatifs était déjà encouragée par l'OMS en 1986 lors de la conférence internationale pour la promotion de la santé réunie à Ottawa. Celle-ci définissait ainsi la notion de « promotion de la santé » « ayant pour but de donner aux individus davantage de maîtrise de leur propre santé et davantage de moyens de l'améliorer ».

On note une modification progressive des comportements des médecins. En effet, les mauvais résultats de la France en matière de santé publique, l'augmentation des pathologies chroniques ainsi que l'influence des textes internationaux ont poussé les pouvoirs publics à accentuer leurs actions sur la prévention et à sensibiliser les médecins à cette problématique. (49)

En matière de prévention, on observe que les médecins sont souvent plus à l'aise dans les activités de prévention médicales techniques (vaccination, dépistage, éducation des

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patients asthmatiques, diabétiques ou hypertendus...) que dans celles qui comportent une dimension éducative forte (alimentation, addictions, accident de la vie courante...).

Le fait d'être placé au centre de la coordination des soins par les lois de 2004 oblige le médecin généraliste à mieux prendre en compte les objectifs de santé publique. Cependant, tout en renforçant et en sensibilisant les professionnels de santé aux actions de prévention, celle-ci dépend encore de la motivation personnelle de chacun. Les freins à la diffusion de cette pratique de la prévention mis en avant par les généralistes sont un manque de temps, une rétribution insuffisante, un manque de formation et les obstacles liés à la relation médecin-patient. (52) Or cette relation médecin-patient peut être justement le socle où se développe la prévention comme le signale la convention nationale de 2005 : « Prévention et éducation thérapeutique trouvent naturellement leur place dans le colloque singulier ». Le Pr Drouais fait la même constatation dans son rapport sur la place du médecin généraliste dans le système de santé de 2015.(30)

Comme pour la prévention, la place de l’activité d’éducation thérapeutique est difficile à évaluer dans l’exercice médical car elle n’a pas de cotation et de rémunération propres. Cependant, son importance est primordiale comme le note la World Organization of Family Doctors (WONCA) dans sa définition de la médecine générale de 2007. Ainsi elle précise qu’un des rôles du médecin généraliste est : « de favoriser la promotion et l’éducation pour la santé par une intervention appropriée et efficace. ». (14)

Certes, au milieu de l’activité diagnostique et thérapeutique, l’éducation sur l’hygiène de vie (alcool, tabac, activité physique, nutrition…) a sa place. Cependant, en sus de sa teneur de conseil médical, elle peut receler une certaine part de conseil moral qui peut heurter le patient. Son acceptation va beaucoup dépendre de la capacité de communication du médecin et de sa relation avec son patient. (52) Ainsi l’activité éducative des médecins généra listes est fortement corrélée à leur motivation personnelle et dépend beaucoup du sentiment d’efficacité qu’elle va leur procurer. En effet, les différentes études montrent que lorsqu’il s’agit de donner aux patients des connaissances et des techniques pour gérer la maladie, la compétence perçue est forte Au contraire, elle est plus faible quand ce sont des conseils sur les habitudes de vie. (53)

Toutefois, la prévention et l’éducation thérapeutique imprègnent progressivement les pratiques des généralistes, et notamment de ceux qui exercent en équipe pluridisciplinaire

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comme dans les maisons de santé. En effet, bien souvent les projets de santé de ces maisons concernent la prévention et l’éducation thérapeutique des patients.

Nous verrons donc que le repérage de la fragilité, point d’entrée dans le PAERPA, qui doit être vu dans une dimension de prévention de la perte d’autonomie, peut mettre du temps à s’implanter dans la pratique des médecins généralistes. Certes, ils ne doivent pas être les seuls à assurer ce repérage ; pourtant leur adhésion au projet et leur participation à la Coordination Clinique Proximité (CCP) et à l’élaboration du PPS sont nécessaires par la suite et impossibles s’ils ne sont pas partie prenante dans cette démarche de prévention. (54)

5 Financement spe cifique de coordination

La prise en compte des nouvelles tâches du médecin traitant rendent nécessaire un mode de rémunération mixte devenu par ailleurs le modèle dominant européen. (48)

Ainsi, la rémunération sur objectif de santé publique, mise en place par la convention médicale du 26 juillet 2011 comporte un volet « organisation du cabinet ». Dans celui-ci se trouvent deux indicateurs qui peuvent se rapporter à la coordination des soins :

 l'informatisation du cabinet médical nécessaire aux échanges d'informations entre les professionnels de santé ;

 la rédaction d'un volet annuel de synthèse.

De plus, l’article 7 de l’avenant n°8 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 26 juillet 2011 a introduit une rémunération forfaitaire des médecins traitants pour leurs patients en ALD mais également un forfait de base pour l’ensemble de la patientèle. (55)

Ainsi, l’arrêté du 22 septembre 2011 reconnaît également la fonction de coordination du médecin traitant pour les patients en affection longue durée et leur attribue une rémunération spécifique ou forfait ALD : « Pour ses patients atteints d'une affection de longue durée qui l'ont choisi en tant que tel, le médecin traitant bénéficie en effet d'une rémunération spécifique afin de prendre plus particulièrement en compte le besoin de coordination médicale que nécessite la pathologie concernée. Cette rémunération intègre également la rédaction et l'actualisation du protocole de soins en liaison avec le médecin

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correspondant. » Cette rémunération forfaitaire est de 40 euros par an et par patient en ALD. (46)

Ce même arrêté met en place le forfait médecin traitant qui rémunère la fonction de coordination des soins du médecin traitant pour tous ses patients âgés de plus de 16 ans. Il est de 5 euros par an et par patient.

En plus de ces re mune rations et du paiement a l’acte, le Pr Drouais dans son rapport de 2015 pre conise l’introduction d’une re mune ration spe cifique du travail en e quipe pluridisciplinaire. (30)

Nous verrons que dans le contexte du PAERPA, la rémunération forfaitaire s’est plutôt axée sur la rédaction du PPS et que le manque de rémunération spécifique de la concertation en CCP peut être un frein à sa véritable implantation.

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