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À notre connaissance, la rugosité des couches de Si ne fait pas l'objet de nombreuses publications115 : en général, les couches formées sont très épaisses (plusieurs centaines de nanomètres à plusieurs mi-cromètres), et la rugosité n'est pas critique pour les applications visées (photovoltaïque de Si cristallin en couches minces). Dans cette section, nous étudions la rugosité de nos couches très minces, et pour ce faire, nous dissocions la rugosité propre à la couche de Si, et celle issue de la cristallisation d'une couche trop épaisse de a-Si, qui dans ce cas ajoute des marches à la rugosité initiale.

2.4.2.1

Rugosité de la surface

Un empilement Al (10 nm)/SiOx/a-Si (10 nm) a été recuit dans les mêmes conditions que précédem-ment, puis soigneusement gravé à l'eau régale, avant d'être désoxydé (30 s dans une solution de HF à 1 wt%). La couche formée est constituée de monocristaux de Si (111) isolés les uns des autres, comme exposés dans la section (§ 2.2.2.2, p. 55). Cet échantillon est observé à l'AFM (de la manière présentée en annexe § B.3, p. 192) (Fig. 2.4 2 (a)). Compte tenu du faible rapport d'épaisseurs Al/a-Si qui a été em-ployé, les monocristaux de Si sont bien séparés, et on peut aisément les distinguer. On dénombre cinq monocristaux sur l'image AFM de la Fig. 2.4 2 (a), schématisés en différentes teintes sur la Fig. 2.4 2 (b). Il est par ailleurs évident, au vu de cette image AFM, que les monocristaux de Si sont légèrement rugueux : ainsi, sans tenir compte des marches à leurs contours, leur rugosité est évaluée à Rq = 0,8 nm (nb : cette rugosité pouvait déjà être observée sur les images TEM en champ sombre, en raison du contraste observé, Fig. 2.2 8 (g), p. 50).

En s'intéressant au signal de phase (mode Tapping) (Fig. 2.4 2 (c)) et en imageant une surface plus restreinte (Fig. 2.4 2 (d)), on remarque que les détails de cette rugosité ressemblent aux grains d'un po-lycristal. Pour comprendre l'origine de cette rugosité à la surface des monocristaux de Si, nous devons adapter à l'échelle de nos couches le mécanisme de cristallisation décrit dans la littérature. En effet, nos couches d'Al ne sont en fait composées que d'un grain dans leur épaisseur.

Nous savons que lors de la cristallisation du a-Si, les grains d'Al sont déplacés les uns après les autres (comme mis en évidence par les expériences in-situ, § 2.3.2, p. 69) par le cristal de Si en croissance. Or, ce processus se fait exclusivement en phase solide (d'après nos expériences la cristallisation se produit dès 150 °C) : il est donc vraisemblable que le Si remplisse le volume qu'occupait initialement chaque grain d'Al déplacé. Nous devons donc comparer les dimensions typiques des rugosités des mo-nocristaux de Si et de la couche d'Al initiale (Fig. 2.4 2 (e)). Les deux rugosités sont quasi identiques : avec un Rq = 0,8 nm et une taille latérale moyenne d'environ 24 nm (analyse des images AFM). Nous pouvons donc envisager que la rugosité des cristaux de Si est héritée de la taille des grains de la couche d'Al.

Toute méthode permettant de limiter la rugosité de la couche polycristalline d'Al initiale pourrait donc potentiellement diminuer la rugosité des monocristaux de Si. On peut notamment penser à :

PUISSANCE DU MAGNÉTRON Nous avons multiplié par deux la puissance de pulvérisation (portée donc à 200 W) : la taille latérale des grains a alors diminué d'un facteur deux, et la rugosité est passée

100 nm – 30° 40° 500 nm 0 30 nm Al Al Si Si Grains d’Al a-Si Germe de Si Cristal de Si Monocristal de Si f a b c d e

Figure 2.4 2 Étude de la rugosité des monocristaux de Si (a) Image AFM de quelques monocristaux de Si. (b) Schéma des différents monocristaux isolés. (c) Image de phase correspondant à l'image  (a).

(d) Détail de l'image (c). (e) Image AFM (phase) des grains d'Al déposés initialement. (f) Mécanisme de cristallisation appliqué au cas de couches très minces (un seul grain d'Al dans l'épaisseur de la couche).

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de Rq = 0,8 à Rq = 0,5 nm. En revanche, l'augmentation de la puissance induit une diminution équiva-lente de la durée de dépôt, ce qui rend difficile la reproduction de dépôts de faible épaisseur.

POTENTIEL DE L'ÉCHANTILLON Utiliser un bias (potentiel électrique), sans modifier la puissance de dépôt, permet de jouer sur l'énergie déposée en plaçant l'échantillon à un potentiel électrique négatif (il est aussi bombardé par les ions Ar+), en utilisant un potentiel de 100 V, nous pouvons décroître la rugosité de 30%.

AUTRE MÉTHODES DE DÉPÔT Une autre méthode pourrait induire des tailles caractéristiques de grains différentes : CVD, MBE, etc.

COUCHE DE MOUILLAGE Les couches de Ge amorphe (a-Ge) sont connues pour leur proprié-té de mouillage par les métaux (dont Ag par exemple176). Nous avons donc déposé un empilement a-Ge (1 nm)/Al (10 nm)/SiOx/a-Si (15 nm), qui a été cristallisé lors d'un recuit d'1 h à 500 °C. Les mesures des couches d'Al initiale et de Si finale ont montré que leur rugosité avait décru d'un facteur cinq, avec Rq = 0,17 nm !

En revanche, puisque le a-Ge peut être cristallisé par le mécanisme AIC, et qu'il diffuse très bien dans les joints de grains de l'Al, les cristaux obtenus en fin de procédé ne sont pas du Si pur : il s'agit d'un alliage SiGe orienté [111], comme prouvé par diffraction des rayons X (déplacement du pic {220} vers les plus grands paramètres de maille). On estime sa teneur en Ge à environ 7%.

2.4.2.2

Formation de marches pour les rapports d'épaisseurs a-Si/Al élevés

La faible rugosité de Rq = 0,5 à 0,8 nm (3 monocouches de Si au maximum) observée précédemment n'est valable que si le rapport des épaisseurs des couches d'a-Si et d'Al déposées initialement reste modéré. En effet, lorsque ce rapport est trop important, une rugosité supérieure est mesurée. Ainsi, si l'on observe à l'AFM (Fig. 2.4 3 (a)) la surface d'un échantillon cristallisé et gravé, issu du recuit d'un empilement Al (10 nm)/SiOx/a-Si (20 nm), on mesure des marches de 10 nm (Fig. 2.4 3 (b)), en plus de la granulosité observée précédemment (§ 2.4.2.1, p. 77).

Cette rugosité de surface est décrite dans la littérature en termes de formation « d'îlots » (hillocks) à la surface du cristal de Si.130, 174–178 Ces îlots sont issus de la cristallisation du a-Si encore présent à l'aide de grains d'Al ayant déjà été déplacés au dessus d'un cristal de Si formé. Ce second niveau de cristallisation, qui utilise le a-Si encore non consommé, se fait en épitaxie sur le premier.174

Compte-tenu des travaux de P. I. Widenborg et de ses collègues,115 qui ont montré que la forma-tion d'îlot se faisait avec une énergie d'activaforma-tion de 2,4 eV (soit le double de l'énergie d'activation de nucléation–croissance, §  2.3.1, p. 61), il est avantageux d'utiliser une température modérée afin de limiter leur formation. Il faut néanmoins aussi limiter le rapport d'épaisseurs a-Si/Al, afin qu'il ne reste pas de a-Si non consommé pouvant conduire à un second niveau de cristallisation. Il existe donc un compromis à trouver pour ob-tenir un taux de couverture de la surface élevé, tout en limitant la rugosité des cristaux de Si à leur minimum. Nos essais ont montré que le meilleur compromis correspond à un rapport a-Si/Al de 1,5 (15 nm d'a-Si pour 10 nm d'Al) et une température de recuit la plus faible possible, comme démontré dans ce qui suit (§ 2.4.2.3).

2.4.2.3

Influence de la température sur la morphologie des grains