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Malgré la mutation du régime alimentaire mondial qui s’opère depuis le début des années 1990, les céréales demeurent de loin la principale source de l’énergie alimentaire humaine notamment dans les pays en développement. Environ 45% de la disponibilité énergétique alimentaire en 2013 provenait des céréales, principalement du riz, du blé et du maïs (figure 5.1). Grâce à l’augmentation rapide de leurs rendements au niveau mondial, le poids de ces trois céréales a augmenté au cours du temps. Entre 1961 et 2016, les rendements du riz et du maïs ont presque triplé tandis que celui du blé a plus que doublé (figure 5.2). De plus, même si le poids de ces trois céréales dans la disponibilité

alimentaire mondiale baisse depuis 1990, leur contribution dans l’alimentation mondiale en 2013 reste plus élevée qu’elle ne l’a été au début des années 1960. Ces trois céréales ont une influence considérable sur la sécurité alimentaire mondiale.

Figure 5.1 – Part des céréales dans la disponibilité énergétique alimentaire mondiale, 1961-2013 (données FAOSTAT)

Le tableau 5.1 délivre quelques statistiques sur la variabilité de l’offre alimentaire par groupes de produits sur la période 1990-2013. Sur un échantillon de 176 pays, on constate que les céréales présentent la plus faible variabilité. Que l’on considère la va-riabilité intra-individuelle (within) ou encore la vava-riabilité inter-individuelle (between), le résultat reste inchangé. Le fait que les céréales soient des produits non périssables et qu’elles soient cultivées dans toutes les régions du monde y joue un rôle capital. Ces caractéristiques font des céréales le produit alimentaire de refuge par excellence dans la mesure où elles constituent le groupe de produits alimentaires dont l’approvisionnement apparait le moins risqué. La grande disponibilité des céréales à travers le monde accroit l’accessibilité alimentaire de nombreux ménages pauvres et permet, a priori, à tout pays victime d’une sécheresse, par exemple, de s’approvisionner en quantité suffisante et à bon prix sur le marché mondial. En revanche, lorsqu’un choc affecte négativement l’offre d’un ou plusieurs grands pays exportateurs de céréales, cela entraine des tensions sur le marché mondial, pouvant conduire à un risque de pénurie dans les pays dont le régime

alimentaire est fortement concentré en céréales.

Quels enseignements peut-on en tirer concernant les troubles sociaux 2007-2008 ? Le degré de concentration en céréales du régime alimentaire dans la majorité des pays qui ont connu des troubles sociaux en 2007-08 est plus élevé qu’il ne l’est au niveau mondial (figure 5.3). Dans ces pays, la sécurité alimentaire est fragilisée lorsque la demande de céréales augmente sur le marché mondial ou si l’offre mondiale baisse brutalement (en cas de catastrophe naturelle extrême dans un grand pays producteur de céréales). Par contre, certains pays, importateurs nets de céréales, mais par ailleurs exportateurs de gaz naturel et de pétrole, tels que l’Algérie, ont les moyens de compenser cette augmen-tation brutale du montant de leur facture alimentaire par leurs excédents commerciaux. Cela pourrait expliquer que, malgré leur niveau élevé de dépendance alimentaire aux importations, ces pays sont moins soumis à des troubles sociaux soudains à carac-tère alimentaire, contrairement aux autres pays importateurs de produits alimentaires. Toutefois, la dépendance alimentaire ne suffit pas à expliquer l’apparition des troubles sociaux. Les cas de la Thaïlande et l’Inde témoignent de la possibilité de voir appa-raitre aussi de tels troubles appaappa-raitre dans des pays producteurs et exportateurs nets de produits alimentaires de base. Ces éléments nous confortent dans l’idée qu’il faudrait plutôt s’intéresser à la dépendance du régime alimentaire à une catégorie de produits alimentaires plutôt qu’à la dépendance aux importations.

Tableau 5.1 – Variabilité de la disponibilité énergétique alimentaire par groupes de produits, 1990-2013

VARIABLES Moyenne SD Overall SD Between SD Within Part ( %DEA)

Cultures oléag., Huiles vég. et graisses animales 1.37 10.35 2.32 10.1 0.13

Céréales – Exclusion Bières 0.37 4.62 0.88 4.54 0.42

Fruits – Exclusion Vin 2.11 16.11 3.143 15.81 0.039

Viande 1.53 10.26 2.13 10.04 0.076

Lait – Exclusion Beurre 1.87 16.27 3.23 15.94 0.06

Légumes sèches et produits végétaux 1.99 13.59 2.23 13.41 0.041

Sucre et Edulcorants 1.31 11.81 2.43 11.55 0.1

Racines Amyl 2.34 54.99 11.63 53.73 0.07

Autres catégories 1.82 10.36 2.04 10.16 0.06

Disponibilité Energétique Alimentaire (DEA) 0.5 2.39 0.56 2.32 1

Figure5.2 – Évolutions des rendements des céréales, 1961-2016, (données FAOSTAT)

En effet, le risque d’insécurité alimentaire dans un pays est fortement lié à la ca-pacité des consommateurs de substituer un produit par un autre produit du panier alimentaire. La concentration des paniers alimentaires est de nature à accroitre les prix en cas de choc (Prakash, 2011). Elle est probablement le principal élément de vulné-rabilité de la sécurité alimentaire qui explique la sensibilité des hommes politiques aux variations des prix des produits alimentaires (Byerlee et al.,2005).Demeke et al.(2009) documentent bien la suréaction des prix alimentaires dans certains pays en développe-ment lors de la crise alidéveloppe-mentaire de 2007-8 et les réponses politiques apportées. Par exemple, entre Août 2007 et Août 2008, le prix du riz local a augmenté de 65% au Bangladesh ; au Salvador l’augmentation a été d’environ 85% ; au Sénégal, le prix du riz importé a augmenté de 112% sur la même période. Les pouvoirs publics ont réagi en subventionnant les prix à la consommation, en contrôlant les prix et en mettant sur le marché les stock publics (Demeke et al., 2009). Malgré les réactions politiques, des troubles ont quand même étaient enregistrés.

l’appa-rition des troubles sociaux en Afrique en 2007-08. Ces facteurs accroissent probablement le sentiment d’insécurité des consommateurs. Nous notons cependant que certains pays historiquement instables tels que la République Centrafricaine et le Rwanda ont pu traverser la crise alimentaire sans heurt. Cela est probablement dû à leur plus grande diversité alimentaire (voir figure 5.3).

Figure 5.3 – Exemple de régimes alimentaires en 2008, d’après données FAOSTAT