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I- DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

2. DONNEES PHYSIOPATHOLOGIQUES

2.2. Rôle de la stimulation antigénique du BCR

Plusieurs constatations, issues de l’analyse de la structure des IgVH, plaident clairement en faveur d’une cellule originelle ayant expérimenté l’antigène et étayent le rôle fort de l’antigène dans la physiopathologie de la LLC.

Tout d’abord, l'expression du répertoire des gènes des immunoglobulines des cellules de LLC est biaisée et se distingue du répertoire des cellules B normales par une utilisation

préférentielle de certains gènes IgVH : certains gènes (par exemple IgVH 1-69) sont préférentiellement utilisés dans les réarrangements non mutés, alors que d'autres gènes (par exemple IgVH 4-34) sont plus fréquents dans les réarrangements mutés [Stevenson & Caligaris-Cappio, 2004]. Par ailleurs, certains patients présentent une très forte similarité de

leurs BCR, dit « stéréotypés », qui utilisent les mêmes gènes dans leur réarrangement et

possèdent, de plus, un CDR3 quasiment identique [Tobin et al., 2003]. En considérant les événements combinatoires qui se déroulent lors de la synthèse des immunoglobulines (réarrangement V D J), ajoutés aux mécanismes de diversité des immunoglobulines (hypermutation somatique, N-diversité et commutation de classe), la probabilité d'avoir deux clones de cellules B indépendants qui exprimeraient à leur surface des récepteurs d'antigènes identiques est pratiquement nulle. La restriction très importante des possibilités de diversité du BCR (jusqu’à 1% de BCR identiques) est donc en faveur de l'hypothèse de l'intervention

d'un nombre limité d'anticorps dans la leucémogénèse et suggère que la liaison entre un

antigène et un récepteur peut faire une différence en termes de pathogenèse de la maladie, de présentation clinique et, par conséquent, de pronostic [Laoutaris et al., 2008].

La nature de ces antigènes reste à ce jour encore inconnue, mais on peut émettre l'hypothèse que des virus latents ou des bactéries commensales activent répétitivement des clones de cellules B. La LLC serait dans ce cas la conséquence directe ou indirecte d'infections spécifiques et serait entretenue par celles-ci d'une manière semblable à ce qui a été décrit pour les lymphomes gastriques qui évoluent en réponse à Helicobacter pylori [Cavalli et al., 2001]. D'autre part, des antigènes environnementaux ou des auto-antigènes

Figure 3 : Rôle promoteur de la stimulation antigénique et des signaux transmis par le microenvironnement, d’après Chiorazzi et al., 2005

pourraient entraîner une expansion clonale, car les cellules de LLC ont fréquemment des récepteurs polyréactifs qui lient de multiples antigènes, incluant les autoantigènes, ce qui permet leur stimulation simultanée par des auto-antigènes et des antigènes microbiens [Chiorazzi et al., 2005]. De plus, étant donné qu’un « signaling » constitutif faible existe dans les cellules B normales via le BCR, l’antigène pourrait ne pas être nécessaire à la persistance ultérieure de l’expansion clonale ; une stimulation indépendante peut survenir à travers le BCR. Néanmoins, le BCR doit propager un signal efficace vers le noyau pour que la stimulation antigénique permette l’expansion clonale : cette capacité varie d’un sous-groupe de LLC à l’autre et survient majoritairement dans les LLC non mutées.

Une fois la transduction du signal initiée par le BCR, la cellule va soit progresser dans le cycle cellulaire soit mourir. La stimulation par une IgM à la surface des cellules de LLC peut entraîner ou inhiber l'apoptose (Figure 3), tandis que la stimulation par une IgD de surface inhibe invariablement l'apoptose [Bernal et al., 2001 ; Zupo et al., 2002], si bien que l'évolution de chaque cellule de LLC dépend de la balance entre ces signaux. Il a été également démontré qu’un signal soutenu via le BCR induit l’expression de MCL1 et favorise la survie cellulaire [Petlickovski et al., 2005].

Au total, la stimulation antigénique du BCR, en parallèle avec les interactions des cellules accessoires et des cytokines, est un facteur de promotion entraînant la

prolifération des cellules de LLC et permettant d’éviter la mort cellulaire.

La signalisation du BCR s’accompagne d’une signature génomique forte au cours de la LLC, bien différente des autres hémopathies lymphoïdes [Klein et al., 2001] ; cette signature comporte notamment l’inactivation de voies de l’apoptose.

Quelques centaines de gènes sont cependant exprimés différemment entre les 2 formes mutées et non mutées [Rosenwald et al., 2001]. Parmi ceux-ci, les gènes d’activation B sont les plus discriminants. L'expression du gène ZAP-70 est en particulier très fortement corrélée à l'absence de mutations des gènes IgVH [Wiestner et al., 2003]. Cette tyrosine kinase, membre de la famille SYK, était connue comme essentielle à la signalisation des cellules T et NK, mais rare dans les cellules B normales ; il s’est avéré ensuite que ZAP-70 est exprimée dans une partie des LLC, où cette kinase potentialise la signalisation du BCR et semble impliquée dans le maintien du BCR à la membrane.

Enfin, il faut noter qu’une activation cellulaire répétée peut entraîner une érosion significative des télomères [Martens et al., 2002]. Dans les cellules B normales, l’activation de la télomérase, médiée par le BCR, permet de contrer ce phénomène et d’assurer la longévité des cellules [Igarashi et al., 1997]. Dans les cellules de LLC non mutées pour les IgVH, l’activation du BCR indépendante des cellules T augmente effectivement l’activité de la télomérase et la survie cellulaire de façon évidente, même en l’absence de prolifération cellulaire majeure ; ce phénomène n’est par contre pas mis en évidence dans les cellules de LLC mutées [Damle et al., 2012]. Ceci souligne que la qualité de l’antigène (valence, affinité) peut déterminer la longévité cellulaire dans la LLC ; ces résultats suggèrent également que d’autres interactions stimulant le BCR (dépendantes des cellules T par exemple) pourraient permettre la régulation positive de la télomérase dans les LLC mutées.

2.3. Résistance à l’apoptose

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