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2.1 Les barrières environnementales

2.1.3 Rôle d’une barrière environnementale

Le comportement des composites à matrice céramique de type SiC/SiC dans l’environne- ment de combustion d’un turboréacteur a fait l’objet de multiples études [Jacobson et al., 1996; Opila, 2003; Smialek et al., 1999]. Ces dernières ont permis de mettre en évidence des phénomènes de corrosion provoqués par la présence de vapeur d’eau et de sels fondus à haute température.

Les sels fondus contenant du sodium en majeure partie viennent corroder la couche de silice protectrice du carbure de silicium selon la réaction [Jacobson et al., 1996] :

2 SiO2(s) + Na2SO4(l)−−→ Na2O· 2 SiO2(l) + SO3(g) (2.1)

Le sulfure de sodium Na2SO4 provient de la réaction entre le sel marin NaCl et l’oxyde

de souffre SO2 présent dans les carburants aéronautiques. Ce sulfure de sodium, dont la

température de fusion est de 884 °C, se trouve alors en contact avec la couche externe de silice du carbure de silicium. Cette couche de silice est donc convertie en silicate à basse température de fusion, entrainant la corrosion du carbure de silicium.

La vapeur d’eau est responsable de deux mécanismes de corrosion illustrés Figure 2.3. Le premier mécanisme concerne la formation d’une couche de silice par oxydation du carbure de silicium et le second mécanisme la volatilisation de cette couche de silice par la formation d’un hydroxyde gazeux [Herrmann et Klemm, 2014].

La formation de la couche de silice par oxydation du carbure de silicium s’opère par diffusion de vapeur d’eau à travers la couche de silice sous forme moléculaire, selon la réaction :

Avec kp la constante de réaction de l’oxydation du carbure de silicium (loi parabolique1).

Cette constante de réaction est proportionnelle à la pression partielle de vapeur d’eau et dépendante de la température. Cette réaction est limitée par la diffusion de l’espèce oxydante à travers la couche d’oxyde et est indépendante de la vitesse des gaz à la surface du carbure de silicium [Opila, 2003].

Figure 2.3 Schéma des mécanismes de corrosion du SiC par la vapeur d’eau : (a) formation d’une couche de silice par oxydation du SiC et (b) volatilisation de la silice en surface

Le second phénomène est la volatilisation de la silice par réaction avec la vapeur d’eau, formant des produits sous forme gazeuse à haute température — des hydroxydes de sili- cium — selon la réaction :

SiO2 + 2 H2O(g)−−→ Si(OH)kl 4(g) (2.3)

1La cinétique d’oxydation du carbure de silicium peut être modélisée par une loi parabolique car ce phénomène est limité par la diffusion des espèces oxydantes (H2O) à travers la couche d’oxyde. Cette loi s’écrit :

W2= k pt,

W est la variation de masse par unité d’aire, t le temps et kp la constante de vitesse la réaction d’oxydation.

Avec kl la constante de réaction de la volatilisation de la silice (loi linéaire2). Cette

constante de réaction varie avec la pression partielle de vapeur d’eau, la pression totale, la température et la vitesse des gaz à la surface de la silice. Cette réaction est limitée par le transport du produit de réaction (Si(OH)4(g)) à travers la couche limite séparant

l’écoulement gazeux de la surface du matériau [Opila, 2003].

Ainsi ces deux réactions — oxydation du carbure de silicium et volatilisation de la si- lice — s’opèrent en même temps. Leur cinétique est modélisée à l’aide d’une loi cinétique paralinéaire développée par Opila et al. [Opila, 2003] à partir du travail initial de Tedmon sur l’oxydation du chrome et alliages de fer-chrome [Tedmon, 1966]. Cette loi permet de décrire l’évolution de l’épaisseur de la couche de silice et la vitesse d’érosion du carbure de silicium [Opila, 2003] :

∂x ∂t =

kp

2x − kl (2.4)

Avec x l’épaisseur de la couche de silice, t le temps, kp la constante de réaction de l’oxy-

dation du carbure de silicium et kl la constante de réaction de la volatilisation de la silice.

Une estimation de la vitesse d’érosion du carbure de silicium en régime constant dérive de cette loi cinétique paralinéaire, et est fonction de la pression partielle de vapeur d’eau PH2O, de la vitesse des gaz à la surface de la silice v, et de la pression totale Ptotal. La

vitesse d’érosion en régime constant ˙y, en μm de SiC par heure, est estimée pour une température de 1316 °C [Opila, 2003] : ˙y = 0, 18 P 2 H2Ov 0.5 P0,5total (2.5)

2La cinétique de la volatilisation de la couche de silice en présence de vapeur d’eau peut être modé- lisée par une loi linéaire car ce phénomène est régi par des phénomènes d’interface (sorption, réaction à l’interface oxyde/gaz, désorption). Cette loi s’écrit :

W = klt,

W est la variation de masse par unité d’aire, t le temps et kl la constante de vitesse la réaction de volatilisation de la silice.

Pour un environnement de combustion classique avec une pression totale de 8.7 atm, une pression partielle de vapeur d’eau de 0.87 atm, une vitesse d’écoulement gazeux de 573 m/s et une température entre 1066 et 1260 °C, la loi cinétique prédit une vitesse d’érosion en régime constant du carbure de silicium de 1 μm/h et une épaisseur de silice de 0.1 μm [Opila, 2003]. De telles vitesses d’érosion ont été constatées expérimentalement [Robinson et Smialek, 1999; Smialek et al., 1999]. Dans de telles conditions, une barrière protectrice est nécessaire afin de garantir l’intégrité des pièces en composite à matrice céramique pendant plusieurs milliers d’heures. Cette barrière est appelée barrière environnementale. La Figure 2.4 illustre les caractéristiques spécifiques de ce type de revêtement protecteur.

Figure 2.4 Schéma d’une barrière environnementale et ses caractéristiques

Les caractéristiques d’une barrière environnementale sont classées selon trois catégories : les propriétés d’interface avec le substrat, les propriétés en volume et les propriétés de surface. À l’interface, le matériau constituant la barrière environnementale ne doit pas réagir avec le substrat de carbure de silicium ou la couche de silice superficielle afin de garantir une interface stable dans le temps notamment à haute température. De plus, la barrière environnementale doit être très adhérente (mécaniquement ou chimiquement) au substrat pour éviter tout décollement dû par exemple à des contraintes de cisaillement. La barrière environnementale doit posséder en surface une excellente résistance à la vapeur d’eau et autres produits de combustion. Elle doit également résister aux aluminosilicates

de magnésium et calcium (CMAS pour calcium-magnesium aluminosilicates) — prove- nant de sables, poussières ou cendres de volcans à haute altitude — et ainsi éviter tout phénomène d’érosion dans les conditions de fonctionnement des turboréacteurs. En vo- lume, le matériau de la barrière environnementale doit résister aux contraintes résiduelles (résultant du procédé de synthèse) et à des contraintes thermomécaniques causées par les montées et descentes en température répétées durant le service des turboréacteurs. Ainsi, le revêtement protecteur doit posséder un coefficient de dilatation thermique aussi proche que possible de celui du substrat et une bonne stabilité de phase à haute température. Le matériau choisi et son architecture devront réunir toutes ces exigences pour constituer une barrière environnementale efficace. Le premier critère de choix est le coefficient de dilatation thermique, car c’est une caractéristique intrinsèque des matériaux. Le second critère est la stabilité chimique en présence de vapeur d’eau à haute température. Viennent ensuite la stabilité chimique, l’adhérence et la compatibilité chimique avec le substrat.

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