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2. Les chemins à parcourir dans l’exploitation de l’Eveil aux Langues

2.2 Approches cognitives et psychosociales :

2.2.1 Rétrospection historique

La didactique des langues à l’époque d’Humbold141 s’est basée principalement sur des règles grammaticales et sur une réforme orientée vers les néogrammairiens et les phonéticiens et a été encadrée par la psychologie associationniste. Jespersen et d’autres, partisans tardifs de LA, considéreront l’approche consciente de l’usage de la langue en tant que résultat d’un instinct linguistique naturel. A une époque de forte présence de la méthode de traduction grammaticale/grammaticotraductive inductive, LA demeure un cas périphérique.

Cependant, le linguiste Allemand Gabelentz (1901), faisant référence au terme savoir de la langue, définit, à sa manière, la conscience linguistique. Le terme restera comme une version alternative du terme LA et base de la linguistique Educative. (Εssen, 1997). En 1922, dans un de ses textes, Palmer, clairement influencé, comme le signale Essen, parlera de «capacités spontanées d’acquisition du langage» et de «capacités d’apprentissage aux études linguistiques» (studial capacities of language studies) (Essen, 1997). Il s’agit d’une typologie qui commence à s’imposer entre l’acquisition implicite de la langue maternelle et l’acquisition naturelle de n’importe quelle langue contrairement aux activités intentionnelles de littératie comme l’écriture et la lecture.

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Des recherches en psycholinguistique et en sociolinguistique surtout mettent en évidence l’importance de systématiser en classe la réflexion sur le langage et la (les) langue(s) afin que les élèves prennent conscience de leur usage, de leur construction et de leur fonctionnement.

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En même temps, cette approche de l’environnement en tant que variable culturelle permet au plurilinguisme de s’intégrer de manière dominante au modèle interculturel du développement de la société.

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« La pensée de Humboldt paraît être donc une source importante pour la genèse de la pensée de Chomsky» : http://mikolka-inquiries.blogspot.com/2009/01/linnisme-psychologique-ii-chomsky- et.html. Il y a des références également dans l’œuvre d’Ηumboldt ainsi que des approches plus anciennes du phénomène langues.

103 D’autres réflexions tributaires suivront entre lesquelles la plus remarquable est celle des hollandais. D’après l’observation d’Essen nous constatons que très tôt, au début du siècle, ils ont contribué à la définition d’un champ de recherche pédagogique au sujet de la participation critique du locuteur au développement de la compétence langagière (linguistique). Il s’agit de l’une des lignes rouges qui fondent l’évolution et la progressivité du mouvement de base.

Des éléments fondamentaux essentiels, que l’on retrouvera plus tard aux fondements du mouvement des multilittératies, sont le fait que des fonctions cognitives de base comme celle de la comparaison et de la discrimination, dans un cadre de raisonnement, contribuent à une prise de conscience croissante de la part du locuteur et de la langue ainsi que de son usage avec comme résultat l’augmentation de confiance en lui-même et l’autonomie du contrôle de ses erreurs mais aussi de la parole qu’il produit142. Ces processus portent des effets sur la vie sociale de l’élève143.

Cette position en faveur de l’utilisation fonctionnelle de la parole, révèle une position plus avancée de ce que constituait l’apprentissage de langues dans les modèles traditionnels grammatico-traductifs ; nous la retrouverons plus tard dans l’approche de l’usage fonctionnel de la langue ou CLA. Dans l’effort pour une communication efficace elle standardisera des attitudes langagières sociales négligeant plusieurs fois l’étude exhaustive du code langagier144. Cependant, à cette époque-là, elle constitue une première reconnaissance du rôle structural des compétences que l’élève a développées dans sa langue maternelle et de son expérience du processus d’apprentissage ; les deux à la fois aident l’élève à développer une attitude critique. Suivant les recherches qui ont suivi dans le domaine de l’apprentissage de la langue

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Cette position deviendra plus tard une raquette dans les réformes. Nous parlons de l’Usage de la Langue de Halliday.

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Voir également la réforme des Allemands qui a été reçue en tant que language liberation movement (Essen, 1997).

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L’exclusion de la métalangue grammaticale était le trait principal de la pratique communicative. Sa remise en place après les années 90 en association avec la promotion des stratégies d’apprentissage ont aidé pour que l’on puisse parler de l’éveil au plurilinguisme. Il a été dit : « Pas mal de fois les projets pédagogiques de l’Approche communicative tombaient dans des excès et des incohérences… La langue orale était tellement prédominante qu'elle occupait toute la place du cours de langue, au détriment de l'écrit et de la grammaire. En effet, à force de vouloir tout étudier en contexte en évitant les règles explicites, la grammaire était devenue quasiment inexistante ou étudiée brièvement et de manière superficielle. […] Pour y remédier quatre compétences indispensables pour le cours de langue sont définies dans un ordre précis, à savoir la compréhension orale, la compréhension écrite, la production orale, et la production écrite. Ainsi, on met l'accent sur le principe d'une progression cohérente dans un parcours d'apprentissage qui va du simple au complexe, du général au particulier et du connu vers l'inconnu. S'ajoute également une cinquième compétence dite "méthodologique", qui rejoint l'idée d'autonomie et de centration sur l'apprenant. Ce dernier est encouragé à acquérir des stratégies d'interaction, d'auto-évaluation et de réflexion sur son apprentissage. Ainsi la grammaire retrouve sa place en cours de langue, dans le cadre d'une phase de réflexion en contexte et d'induction des règles syntaxiques» (Bailly - Cohen, 2009).

104 seconde, et de la troisième langue, ainsi que les recherches des Vygotsky et Bruner, nous nous demandons si nous ne nous retrouvons pas ici sur le chemin qui va nous mener au plurilinguisme éducatif et aux approches qui considèrent l’apprentissage de différentes langues par le même individu comme un continuum ; or, selon la psycholinguistique et la neurophysiologie ce continuum dispose des ponts entre l' acquisition/ apprentissage des langues étrangères.

Nous rappelons l’ouverture faite par Vygotsky dans son livre « Langue et Pensée » à propos du continuum des langues dans le répertoire langagier du sujet et de ses points de référence dans l’apprentissage d’une langue étrangère à mesure que la conscience augmente dans sa langue maternelle « . . . a child’s understanding of his native language is enhanced by learning a foreign » (Vygotsky, 1986, p. 160 in Jessner, 2008).

Selon nous, il s’agit d’une ouverture précoce importante des mentalités de l’époque et les recherches qui suivront durant le siècle se placeront sur plusieurs niveaux. En résumé, se pose un continuum des questions qui aboutissent finalement à la recherche d’une manière critique d’apprentissage, ainsi qu’à la construction consciente de la relation de l’élève avec la langue.

La contribution de LA semble déterminante, déjà par le terme LA lui-même, pour l’intériorisation et la formation d’une attitude critique de la part de l’élève, pour sa distanciation du code et du contrôle de ses connaissances sur des critères qui émanent de l’ensemble de ses expériences langagières ; ces dernières ne peuvent pas concerner que la langue maternelle, bien au contraire, elles s’étendent sur tout le champ de la culture langagière de l’élève, considérant aujourd’hui qu’elles renforcent son sentiment langagier et contribuent à la construction progressive de sa relation avec la langue étrangère.

Il convient de signaler au passage que nous signalons que la pédagogie actuelle à travers l’approche cognitive et les théories socioconstructivistes, dans le cadre de l’ « apprendre à apprendre» (Cyr, 1998) valorise le contenu de la LA et semble pouvoir analyser ses caractéristiques structurelles et valoriser ses sources théoriques. Pour cette raison, chaque enseignant qui dispose d’un esprit critique devrait se familiariser avec l’interprétation des différents modèles linguistiques ou théories comme celles-ci sont développées dans les programmes d’études.

Le profit de l’erreur par exemple, ou de l’interférence appartient à l’attitude positive de notre époque et se développe en parallèle avec l’approche communicative et les recherches sur l’apprentissage de la troisième langue. D’une manière générale, à travers la considération cognitive, des compétences (stratégies) du type méta seront certifiées dans le développement de la compétence langagière générale.

105 La notion de conscience Langagière LA s’identifie progressivement de plus en plus à notre conscience sous le terme méta- en tant que métalangue, méta-communication, méta-savoir. Ces approches seront renforcées par la contribution positive des recherches sur des sujets de bilinguisme relancés par la psycholinguistique.

En somme, nous constaterons que le modèle communicatif qui persiste depuis les années 80, représente en majorité notre modèle éducatif grec. Il faut aussi souligner le fait que CECRE fait avancer les compétences méta que l’élève développera lors d’une approche de grammaire métalinguistique; elle incite aussi à la suppression de l’obsession du locuteur parfait en surévaluant par contre l’interlocuteur efficace. «Il ne s’agit plus de maîtriser parfaitement la langue cible avec un accent irréprochable mais avant tout d'être opérationnel grâce à un bagage suffisant pour pouvoir communiquer dans un pays étranger. Ainsi le statut de l'erreur a évolué vers une plus grande tolérance.»145 (οp.cit. p. 3).

De même « L'élève, quant à lui, change également de statut: il se transforme en "apprenant" prenant en charge son propre apprentissage de manière autonome. Dans cet esprit d'interaction et de centration sur l'apprenant, la dynamique de groupe est également considérée comme un facteur majeur de motivation pour l'apprentissage des langues.» (οp.cit. p.4).

En fait, l’approche communicative recoupe en partie l’approche de Chomsky après l’intervention critique de Hymes selon qui la linguistique générative se complète dans le sens de la compétence communicative (compétence, performance, competence or proficiency146); il s’agit d’une théorie à dimensions sociolinguistiques qui complète de manière dynamique le sens psycholinguistique de la compétence et libère la compétence langagière de son isolement des autres conditions cognitives et sociales147.

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“S'inspirant du constructivisme et de la notion linguistique d'interlangue, on considère que l'erreur a également une fonction formative. L'apprenant construit progressivement son propre langage en se servant de ses erreurs pour évoluer dans son apprentissage. Le professeur détectant les erreurs peut également profiter de cette opportunité pour apporter un "feedback" (commentaire) constructif” (op.cit. 4).

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“Hymes (1972) as one of Chomsky’s critics found that Chomsky’s theory lacked the aspect of appropriacy and therefore suggested an extension of the theory of competence to include a theory of performance competence or proficiency. Consequently, Hymes introduced the notion of communicative competence, thereby adding a stronger sociolinguistic dimension to the psycholinguistic notion of competence in which verbal repertoire, linguistic routines and domains of language behaviour play crucial roles. This contrasts with the Chomskyan point of view, which posits linguistic competence in isolation from general cognitive conditions or sociolinguistic aspects” (Jessner, 2008b).

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La théorie de Chomsky à propos de compétences a été décrite par Jessner et Herdina et il y a des références analytiques dans le texte de Jessner (2008b).

106 De l’idée de Chomsky selon laquelle « il n'y a pas plusieurs systèmes distincts mais une seule et unique "grammaire universelle" découlent les prémisses des théories constructivistes et des approches cognitivistes de l'apprentissage des langues. Ainsi apparaît le concept d'interlangue, basé sur l'observation de l'évolution du langage de l'enfant depuis sa naissance jusqu'à sa maîtrise parfaite de la parole. L'enfant construit progressivement son propre langage en partant d'une phase de surgénéralisation des règles syntaxiques et en aboutissant petit à petit à une maîtrise ajustée de la parole. Ainsi ces nouvelles observations amènent à penser qu'il en va de même pour tout apprenant d'une langue étrangère qui, pour favoriser son apprentissage, doit construire progressivement son propre langage interne et évoluer naturellement en communiquant» (Bailly-Cohen, 2009).

Grammaire interne/externe : l’hypothèse d’interface et les apports des activités de grammaire métalinguistique

Une grande question qui se pose en méthodologie de didactique et laquelle constitue le moteur de base des approches de la didactique des langues c’est la confrontation de deux extrémités : d’un côté l’acquisition et de l’autre côté l’apprentissage en tant qu’immersion148 dans une nouvelle langue. En fonction de l’une ou de l’autre position les différents courants théoriques bougent, communiquent ou se diversifient. Même jusqu’à une période très récente (de 1980 à 2000) la didactologie a tenté d’examiner le degré d’efficacité de différents types d’approche didactique apprentissage/explicite ou acquisition de la langue149 /implicite. Cela a des conséquences sur le rôle de la grammaire et donc sur le développement de la grammaire métalinguistique chez les élèves. Selon nos lectures « les versions de l’approche communicative par exemple, le foyer grammatical est plus ou moins important : selon la version orthodoxe ; de la première heure, inspirée par les travaux de S. Krashen la grammaire n’a pas de réelle utilité ; par contre, selon la version plus modérée, la grammaire est nécessaire et il fallait privilégier la qualité à la quantité et toujours en relation avec un besoin manifesté dans une situation de communication précise».

Il y a donc un continuum dans l’apprentissage de la seconde, troisième langue, sur lequel nous nous déplaçons, en fonction de notre position envers les théories dynamiques du contact des langues à l’intérieur de l’élève (interlangue) et sur la base

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Dans le meilleur des cas les deux extrêmes collaborent. A notre époque, époque de l’éclectisme, l’objectif de la formation des enseignants est la construction d’une attitude réflexive, ainsi que sa formation sur l’identification et l’application d’un nombre d’activités. En effet l’enseignant devrait pouvoir exploiter les deux mécanismes d’apprentissage en fonction des besoins des élèves et de profiter du fond/capital linguistique que l’élève et la classe ont en commun.

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La question est décrite dans Hypothèse de l’interface whether there is any seepage between conscious and unconscious knowledge. (op.cit. Essen, p. 10).

107 des données de la recherche sur le bilinguisme et sur les stratégies des sujets bilingues (stratégie de transfert)150.

Toutefois, d’une manière générale, ce qui est très important c’est le fait que toute cette problématique apparaît comme une autre lecture, qui permet le développement réflexif, une analyse et une réorganisation des produits d’apprentissage, qu’il soit examiné dans le cadre de l’acquisition de la langue maternelle ou dans le cadre de l’apprentissage de la langue étrangère (avec toujours la question qui guette : à savoir si le cerveau fonctionne plus dans des conditions d’un apprentissage explicite (analytique, synthétique hypothéticoinductif ou déductif), ou plutôt dans des conditions subconscientes (à quel point et avec quel succès?).

Et ceci car, comme il a été admis par la science de la neurophysiologie et de la psychologie «… human learning can take place implicity, explicity, or, because we can communicate using language, it can be influenced by declarative statements of pedagogical rules (explicit instruction). These modes of learning apply to differing extents in all learning situations. There are at least some mutual influences in their development too. Consider, for example, that from implicit to explicit knowledge: although in native language acquisition implicit learning is primary, the development of self-awareness allows reflective examination, analysis and re-organization of the products of implicit learning, resulting in redescription at a higher level and the formation of new independent and explicit representations» (Ellis, 2008) .

Dans cette phrase, le lecteur reconnaitra aussi le caractère conciliant des deux extrémités, puisque nous entrons dans la logique des modèles dynamiques et de l’association de systèmes. Il s’agit d’un raisonnement posé assez tôt par les hollandais, presque précurseurs, soutenant que ce qui est essentiel c’est la manière avec/par laquelle nous apprenons puisqu’elle est de par sa nature éducationnelle. Or, cette manière influence tous les niveaux de comportement et de compétences qui peuvent être éduqués chez l’homme.

Cette position va être développée à notre époque puisqu’aujourd’hui la notion de compétence acquiert une importance centrale dans notre éducation ; la compétence semble être le produit d’une interaction qui s’élargit continuellement entre l’individu et un texte [κeimeno] social. Dans ce sens là les compétences, micro ou macro, se construisent avec comme critère de base l’attitude critique du participant et son rôle actif distingué.

C’est la raison pour laquelle le terme multicompetence approach in language proficiency nous semble familier en tant que terme qui remplace celui de compétence langagière d’une part, mais, selon nous il peut remplacer la notion de la LA quand

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D’après Baker on peut avoir des transferts sur le plan de la lexicologie, de l’acquis de la lecture et de l’écriture, tandis que certaines règles d’orthographe ou de syntaxe restent bornées dans les limites de langues. (Baker, 2001 : 497-98).

108 celle-ci est utilisée de manière restreinte pour exprimer seulement la relation spontanée que le sujet a développée une fois avec sa langue maternelle.

2.3 De Language Awareness à un modèle de didactique de langues plus élargi