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Nous allons à présent mettre en oeuvre une évaluation des rétroactions en action dans le modèle couplé de l'IPSL. Pour ce faire, nous partons du modèle de rétroactions de l'équa-tion (5.12), équivalent au modèle simple de l'équal'équa-tion (5.8). Le but est de se placer en état transitoire pour dénir quelques rétroactions qui ne suivront pas exactement la dénition de l'équation (5.10), mais représenteront l'ensemble des rétroactions à l'oeuvre dans le mo-dèle, formant ainsi un système fermé de rétroactions. La diculté sera alors de dénir qualitativement ce que représente les facteurs de rétroactions calculés.

Au cours d'une simulation couplée, on calcule à chaque pas de temps et pour l'ensemble des mailles du sommet de l'atmosphère un bilan radiatif ciel clair N0, où l'on omet volon-tairement de prendre en compte les nuages lors du calcul du bilan radiatif (Cess et al., 1990). On stocke alors ce bilan sous forme de ux solaire (SW0) et infrarouge (LW0). Grâce à ces variables, on va dénir de façon approchée les valeurs des facteurs de rétroaction de trois des principales rétroactions qui régissent le système, dans le cadre d'un forçage par eet de serre dû à l'émission de CO2.

Nous partons donc de l'équation (5.12), que nous écrivons sous la forme :

n

X

i=1

λi = −λ0+∆Q − ∆N + ∆N0− ∆N0

∆Ts (5.14)

 L'albédo sans nuages, qui inue sur le ux solaire net au sommet de l'atmosphère, possède un facteur de rétroaction déni par :

λ1 = ∆SW0

∆Ts (5.15)

Il correspond aux variations du bilan radiatif net au sommet de l'atmosphère, asso-ciées à l'eet de changements d'albédo de surface et d'absorption par l'atmosphère (voir équation 5.10). Si la température de surface augmente, les surfaces englacées vont cer-tainement fondre, ce qui va diminuer l'albédo et tendre à augmenter la température de surface. Cette rétroaction est donc à priori positive. Une évaluation tridimensionnelle de ce terme montre qu'il est principalement associé à l'extension de glace et de neige aux hautes latitudes.

 La vapeur d'eau, principal gaz à eet de serre, réagit à l'augmentation de température de surface en augmentant sa quantité dans l'atmosphère (Clausius-Clapeyron), et aug-mente ainsi l'eet de serre et la température de surface. C'est donc aussi une rétroaction à priori positive. On dénit son facteur de rétroaction associé par :

λ2 = 4σT

3

e∆Ts− ∆LW0− ∆Q

∆Ts (5.16)

Le numérateur représente les changements du rayonnement infra-rouge (−∆LW0) au sommet de l'atmosphère liés à l'eet de serre, ôtés des eets du forçage par le CO2 (∆Q) et des eets de l'augmentation de l'émission de la Terre par simple augmentation de sa température de surface (−4σT3

s∆Te). Ce facteur de rétroaction prend aussi en compte l'eet d'un changement de structure verticale de l'atmosphère (lapse rate feedback dans Forster et al., 2006)

 Les nuages, dont l'eet net est complexe, puisqu'il joue à la fois sur l'albédo et sur l'eet de serre suivant le type de nuage. Son facteur de rétroaction est donné par :

λ3= ∆N − ∆N0

∆Ts (5.17)

Il correspond donc par dénition de N0 à l'eet radiatif net lié seulement aux change-ments de couverture nuageuse.

Ces dénitions satisfont bien à l'équation (5.12), et représentent donc un système non linéaire, avec 3 rétroactions. Elles correspondent aussi aux dénitions données par Meehl et al. (2004) dans leur tentative de comparaison des rétroactions de diérents CGCMs, la diérence étant qu'ils ne divisaient pas par ∆Ts ces facteurs de rétroaction. Leur dénition était plus qualitative, et ne rentrait pas exactement dans le cadre d'un modèle de rétroactions. Notre approche est cependant imparfaite, et ne représente qu'une approximation des rétroactions à l'oeuvre dans les modèles couplés. Il existe d'autres méthodes plus ranées pour évaluer ces rétroactions, nécessitant la mise en place d'expériences de sensibilité (Bony et al., 2006). Notre approximation est cependant susante pour se faire une idée au premier ordre de l'intensité des rétroactions dans IPSL-CM4.

Nous allons à présent appliquer notre modèle de rétroaction, transitoire et fermé, au modèle couplé de l'IPSL, en s'assurant à posteriori que les hypothèses du modèle simple considéré sont bien satisfaites.

Fig. 5.4  Régression linéaire entre anomalies annuelles de forçage radiatif et anomalies de température, suivant la dénition des trois rétroactions principales du système. La pente donne accès aux diérents facteurs de rétroaction du système : en noir l'albédo, en rouge la vapeur d'eau, en vert les nuages.

5.4.2 Application au modèle IPSL-CM4

Les facteurs de rétroactions associés à l'albédo, à la vapeur d'eau et aux nuages ont été calculés dans le modèle de l'IPSL avec la simulation WIS2. Ils ont été évalués en fonction du temps, la fonction ∆ représentant la diérence avec une simulation de contrôle pré-industriel. An de valider le modèle théorique donnant accès à ces facteurs de rétroaction, nous avons mis en place une régression linéaire entre les variations du forçage radiatif associé à chaque rétroaction (numérateur des λ1,2,3) et les variations de température ∆Ts. Ces régressions sont illustrées sur la Figure 5.4 pour les 3 rétroactions considérées. La pente de régression donne accès à la valeur du facteur de rétroaction considéré, tandis que la corrélation permet de voir la justesse du modèle théorique et l'importance des eets non linéaires. Plus la corrélation est faible, plus les eets non linéaires sont importants et rendent notre modèle théorique inadapté. Les résultats sont résumés dans le Tableau 5.1, et sont comparés à d'autres estimations de ces facteurs de rétroaction par des méthodes diérentes.

IPSL-CM4 Autres études

Pente corrélation EBMs GCMs

λnuage 0,56 0.70 0,37 → 0,75 -0,1 → 1,4 (0,6) λvapeur 1,63 0,98 1,28 → 1,95 0,9 → 2,1 (1,5) λalbedo 0,72 0,89 0,47 → 0,90 0,1 → 1 (0,4)

Tab. 5.1  Facteurs de rétroaction (en W.m−2.K−1) et corrélations associées pour l'expérience WIS2, et pour diverses estimations issues de modèles thermodynamiques (EBMs) d'après Hauglustaine (1992) et de GCMs d'après Colman (2003). Les chires entre parenthèses dans la dernière colonne correspondent à la moyenne des facteurs de rétroaction pour les diérents GCMs de l'étude de Colman (2003). Les corrélations donnent une idée quant à la justesse de l'hypothèse d'indépendance des facteurs de rétroaction choisis.

On remarque que la rétroaction associée à la vapeur d'eau, avec un facteur de rétroaction supérieur à 1, domine les autres, dont le facteur de rétroaction ne dépasse pas 1. Notre système possède donc une forte rétroaction positive, ce qui est capital dans ce modèle de rétroaction linéaire, puisqu'une petite rétroaction supplémentaire peut augmenter considérablement le gain du système. Dans notre étude λ0 vaut -3,71 (Cf. équation (5.11), avec Te = 259, 3K en accord avec Hauglustaine, 1992), ceci nous donne pour l'ensemble des boucles de rétroaction λ−10 Pn

i=1λi égal à 0.77. Ainsi, l'addition d'une rétroaction de facteur égal à 0.077, augmen-tant l'ensemble des boucles de rétroaction de 10%, engendrerait un augmentation du gain dynamique du système de 67% selon l'équation (5.13). Ceci illustre bien l'eet non-linéaire mis en avant dans la partie 5.2.3

La rétroaction liée aux nuages est très complexe. En eet, les diérents types de nuages n'ont pas tous le même eet sur le bilan radiatif :

 les nuages hauts et ns, comme les cirrus, contribuent au réchauement, en laissant passer le rayonnement solaire et en retenant le rayonnement infrarouge ré-émis par la surface. L'eet radiatif dominant pour ce type de nuages est donc l'eet de serre  les nuages bas et épais, comme les stratocumulus, ont plutôt tendance à refroidir la

Terre, en rééchissant vers l'espace une partie du rayonnement solaire incident. Leur eet radiatif dominant est donc l'albédo.

variant selon les changements de certains type de nuages. La représentation des nuages dans les modèles couplés est le facteur dominant à l'origine des diérences entre les modèles pour le réchauement lié à la perturbation anthropique (Cess et al., 1990 ; Colman, 2003). Les facteurs de rétroaction liés aux nuages sont souvent positifs, mais peuvent être négatifs dans certains modèles (Tableau 5.1). Dans le modèle de l'IPSL, la rétroaction est positive et se situe dans la moyenne des modèles couplés. La corrélation associée au calcul de ce facteur de rétroaction est assez faible. Ceci peut s'expliquer par le fait que les nuages sont associés à de nombreuses non linéarités qui nous font sortir du cadre de notre modèle simple. L'indépendance de ce facteur de rétroaction est moins vérié que pour les deux autres, dont les corrélations sont fortes (Tableau 5.1). Enn, on remarque que la rétroaction liée à l'albédo est plus forte que la moyenne des GCMs de l'étude de Colman (2003), tout comme la rétroaction de la vapeur d'eau. C'est donc la forte amplitude des rétroactions liées à l'albédo et à la vapeur d'eau qui amène le modèle de l'IPSL à posséder une sensibilité climatique se situant dans la fourchette haute des GCMs actuels.

5.5 Bilan énergétique transitoire