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Les saccades oculaires constituent une importante classe de mouvements oculaires, permettant d’aligner la zone à densité maximale en photorécepteurs de la rétine vers les points d’intérêt du champ visuel pour obtenir des images d’une précision maximale. Le signal lumineux émis par les différents objets en compétition pour devenir la cible d’une saccade, une fois capté et transduit par la rétine, est projeté vers une série de nombreux noyaux et structures du système nerveux central séparés en deux ensembles, le premier dit cortical regroupant le cortex visuel primaire, le cortex pariétal et diverses aires du cortex frontal prises dans une boucle fonctionnelle avec les BG du cerveau médian, et projetant ensuite sur le deuxième ensemble dit sous-cortical, regroupant le SC lui aussi pris dans une boucle fonctionnelle avec les BG, les SBG et le Cervelet.

Ces deux ensembles permettent la cartographie du champ visuel, et assurent une sélection entre les multiples objets qui y sont représentés en fonction de leur position, de leurs caractéristiques physiques et des processus cognitifs en cours chez l’individu qui permettra de discriminer l’objectif de la prochaine saccade, et de transmettre une commande appropriée aux structures gouvernant les mouvements oculaires pour diriger les yeux dans sa direction.

Cette sélection a longtemps été pensée comme la prérogative unique des acteurs cor-ticaux du système saccadique, ne laisant aux acteurs sous-corcor-ticaux de ce système, le SC en particulier, qu’un simple rôle de relais vers les structures du Tronc Cérébral du signal déjà traité par les aires corticales. Néanmoins, la latence de la sélection corticale ne permet pas d’expliquer la vitesse de la sélection opérée pour les saccades de type ex-press, quand une projection directe de la rétine au SC est, elle, assez rapide pour qu’un processus de sélection localisé dans cette structure puisse générer ces saccades express. Cette possibilité est renforcée par l’anatomie et les caractéristiques neuronales du SC, qui partage en effet bon nombre de propriétés communes avec certaines des aires corti-cales à l’implication reconnue dans la sélection, comme les champs oculaires frontaux. Un corpus croissant d’études s’est construit sur cette base, qui avance la participation active du SC dans la sélection saccadique. Son organisation laminaire peut être réduite à une série de cartes neuronales du champ visuel, organisées topographiquement, et dont la rétinotopie est déformée suivant une échelle logarithmique.

Les couches superficielles, afférées directement par la rétine, sont constituées de neu-rones d’activité basale variable, emettant une bouffée d’activité correlée à l’apparition de stimuli dans le champ visuel ; ces zones d’activités constituent des cartes de la

posi-45 1.4 Résumé, conclusions et hypothèses de travail

tion de tous les compétiteurs, dont le niveau d’activité est déterminé par l’intensité du signal créé par chaque stimulus sur la rétine.

Ces couches communiquent avec les couches de plus grandes profondeur, dites inter-médiaires, comportant des neurones émettant eux aussi une bouffée d’activité corrélée à la présentation de stimuli visuels, mais dont l’activité diffère ensuite selon que le stimuli qu’ils représentent est sélectionné ou non pour devenir la cible d’une saccade : certains reviendront à une activité basale nulle suivie d’une nouvelle bouffée corrélée au déclenchement de la saccade uniquement s’ils représentent la cible sélectionnée, et d’autres veront leur activité suivre une rampe qui résultera en une nouvelle bouffée, cor-rélée elle aussi au déclenchement de la saccade s’ils codent la position de la cible ; cette rampe sera par contre inhibée progressivement si le neurone code pour l’un des stim-uli non sélectionnés. Ces couches sont aussi afférées par des projections corticales, et sont prise dans une boucle fermée avec les BG distincte de celle formée par les couches superficielles.

Enfin, les couches les plus profondes du SC sont constituées de neurones à activité basale nulle afférés par leurs homologues des couches intermédiaires, qui ne montreront une bouffée d’activité corrélée avec le déclenchement de la saccade que s’ils codent la position du stimulus sélectionnée pour être la cible de la saccade.

L’observation de profils d’activité différents en fonction du caractère sélectionné ou non du stimulus représenté, couplé aux corrélations temporelles couplant les variations d’activité soit à la pérsentation des stimuli, soit à l’exécution des saccaces, laisse forte-ment suggérer que ces profils représentent les variations d’activités des acteurs neu-ronaux de la sélection à l’oeuvre dans le SC. Toutefois, la connectivité existant entre le FEF et le SC et l’observation de profils d’activité similaires dans le FEF force à en-visager l’hypothèse que ces activités colliculaires ne soient que le reflet des processus de sélection corticaux, et qu’ils ne servent qu’à préparer la commande motrice vers une cible

En parallèle à ces études électrophysiologiques, diverses études d’inactivation réver-sible de sous-ensembles précis des cartes colliculaires ont justement contribué à dé-montrer la contribution du SC non seulement à la préparation de la commande motrice à destination des muscles extra-oculaires, mais aussi à effectuer un niveau de sélection indépendant de celle opérée par le FEF.

Cette combinaison de profils d’activité et de résultats lésionnels permet de proposer l’hypothèse suivante pour expliquer la sélection colliculaire :

1. Les couches superficielles constituent une carte visuelle représentant les divers stimuli en compétition, le niveau d’activité des populations neuronales activées par chaque stimulus étant lié à la valeur intrinsèque définie par les caractéristiques physiques au sens le plus large de chaque stimulus.

2. L’activité générée dans cette carte visuelle pourrait être accumulée par les neu-rones de type intégrateur décelés dans les couches intermédiaires, qui instaur-eraient une forme de course vers un seuil de sélection (la phase de rampe des profils d’activité des neurones VSMN), qui une fois atteint aboutit à l’écrasement de la représentation des stimuli perdants (retour à zero de l’activité des VSMN codant les stimuli non-sélectionnés), et à l’amplification de la représentation du

stimulus gagnant (transition d’une rampe à une bouffée d’activité pour les VSMN codant le stimulus gagnant)

3. Une fois cette sélection opérée, les cartes des couches colliculaires intermédiaires ne projetteront vers les cartes colliculaires profondes que le signal relatif à la position du stimulus ayant gagné la compétition, ce qui permettra la production d’une saccade précise vers ce stimulus par les SBG.

La gestion précise de la course au seuil de sélection dans les couches intermédiaires sera la clé de la capacité de cette hypothèse à expliquer distributions de latence des saccades dans les diveses tâches de sélection testées in-vivo, ainsi que les résultats des lésions colliculaires.

Le mécanisme gérant le seuil de sélection et l’effacement des représentations collic-ulaires des stimuli perdants serait à définir ; les données anatomiques propres au SC, mises en parallèle avec les mécanismes proposés dans le cadre de la sélection corticale, font que les hypothèses les plus probables impliquent une combinaison du jeu d’in-teractions latérales réciproques excitatrices et inhibitrices entre les neurones des cartes colliculaires, et de désinhibition dynamique exercée par les BG sur ces mêmes cartes, dans le cadre d’une des boucles mises en évidence entre les couches superficielles et intermédiaires du SC et les BG.

Le taux d’accumulation par la carte intermédiaire du signal généré dans la carte vi-suelle par chaque stimulus pourrait en outre être soumis à une modulation par des af-férences venant du FEF, qui lierait donc la sélection purement spatiale faite par le SC à celle issue des processus cognitifs relatifs à la valeur subjective des stimuli pour l’indi-vidu.

47 1.4 Résumé, conclusions et hypothèses de travail

Chapitre 2

Sélection saccadique, modélisation et

neurosciences computationnelles