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PARTIE II: ÉTUDE RHÉO-OPTIQUE DE MÉLANGES CHARGES-POLYMÈRE

IV. Résumé du chapitre II.2

DISPERSION DE CHARGES

Jusqu'à présent, les études in-situ des mécanismes de dispersion de charges isolées ont été réalisées dans des fluides newtoniens. Mais des charges comme le noir de carbone ou la silice sont généralement utilisées comme charges renforçantes dans les élastomères. Elles sont donc le plus souvent dispersées dans des fluides très visqueux et très élastiques. Or nous savons que la viscoélasticité du fluide suspendant va influer sur le mouvement et l'orientation de ces charges sous l'action d'un champ de cisaillement [Bartram et Goldsmith 1975, Gauthier, et al. 1971, Iso, et al. 1996a, Iso, et al. 1996b, Karnis et Mason 1966, Leal 1975]. Nous nous sommes donc demandé si la viscoélasticité de la matrice avait également un effet sur les mécanismes de dispersion de ces charges. Nous avons donc choisi d'étudier la dispersion d'agglomérats de noir de carbone dans un ensemble de fluides modèles viscoélastiques par des méthodes d'observation in-situ.

Nous avons d'abord estimé l'influence de l'élasticité sur le mouvement de différentes particules. Puis nous avons essayé de déterminer si l'influence de l'élasticité sur l'érosion était liée à son effet sur le mouvement.

IV.1. Étude expérimentale

Nous avons préparé un ensemble de solutions aqueuses d'hydroxypropylcellulose (HPC) de différentes masses molaires et de différentes concentrations comme fluides modèles. Nous avons ainsi obtenu

( )%

γ

γ

&

&

γ&

(s-1)

toute une gamme de fluides permettant de couvrir une large plage d'élasticité (ou temps de relaxation) et de viscosités, tout en gardant des propriétés physico-chimiques similaires. Il existe des taux de cisaillement pour lesquels deux solutions peuvent avoir la même viscosité, mais une élasticité différente. En utilisant différents couples de solutions d'HPC et en jouant sur les taux de cisaillement, il est donc possible de faire varier indépendamment l'élasticité et la viscosité.

IV.1.1. Influence sur le mouvement

A l'aide du rhéomètre contra-rotatif, nous avons étudié l'influence de l'élasticité sur le mouvement et l'orientation de particules non-poreuses (sphères et fibres de verre) et d'agglomérats de noir de carbone. Nous avons quantifié l'influence de l'élasticité sur le mouvement, en comparant dans les différents fluides pour plusieurs taux de cisaillement la période de rotation des particules autour de leur axe de symétrie avec la période de rotation définie par Jeffery [Jeffery 1922] dans un milieu newtonien (Eq.II- 2). Nous avons caractérisé l'élasticité par le nombre de Weissenberg [White 1964]. Ce nombre caractérise le rapport entre les forces d'élasticité et les forces de viscosité en cisaillement simple. Dans le cas d'un comportement de Maxwell, en appliquant la règle de Cox-Merz, nous avons exprimé l'élasticité du fluide pour chaque taux de cisaillement par:

( ) ( )

( )( )

ω

ω

ω

ω

λ

γ

G

G

We

′′

&

(Eq.II- 8)

où We est le nombre de Weissenberg,

γ&

le taux de cisaillement, ω la pulsation, et G' et G" les modules élastique et visqueux du fluide.

Nous avons pu observer une influence du nombre de Weissenberg sur l'orientation des fibres et des agglomérats de forme ellipsoïdale ainsi que sur la rotation de toutes les charges autour de leur axe de symétrie. Nous avons mesuré une croissance du rapport

T

T

Jeffery en fonction de We. On diminue donc la vitesse de rotation des particules par rapport à la vitesse qu'elles auraient dans un milieu newtonien en augmentant les forces élastiques par rapport aux forces visqueuses. Nous avons observé la même croissance sur les trois types de charges (sphères et fibres de verre, agglomérats de noir de carbone). Nous avons établi la loi empirique suivante:

(

We)

T

T

Jeffery

=exp

0.7

(Eq.II- 9)

Compte-tenu de la dispersion des mesures expérimentales, cette loi ne permet d'exprimer qu'une tendance générale.

IV.1.2. Influence sur l'érosion

Afin d'étudier l'influence de l'élasticité sur l'érosion, nous avons mesuré le taux de cisaillement minimal à appliquer au système pour observer de l'érosion à la surface des agglomérats dans les différentes solutions d'HPC.

Pour des taux de cisaillement suffisamment élevés, le mécanisme d'érosion observé dans chacune des solutions d'HPC est une érosion lente avec un détachement de petites particules à la surface de l'agglomérat. Ce mécanisme ressemble à celui décrit par Yamada [Yamada, et al. 1998a] dans le cas d'agglomérats imprégnés au-delà de la profondeur sollicitée par la matrice (voir Figure II-8b). Donc dans chacune des solutions, l'érosion se fera sans doute à partir de la rupture de ponts liquides entre des agrégats en surface et le reste de l'agglomérat.

Dans les fluides newtoniens, la contrainte de cohésion de l'agglomérat va dépendre des effets combinés de l'adhésion du polymère avec les agrégats, de la tension de surface de la matrice, de la structure, de la densité des charges et de l'imprégnation de l'agglomérat par la matrice [Horwatt, et al. 1992, Rumpf 1962, Yamada, et al. 1998a, Yamada, et al. 1998b]. Dans les polymères, l'influence de la masse molaire sur la tension de surface est négligeable [Brandrup, et al. 1999]. Donc les différentes solutions d'HPC devraient avoir des tensions de surface très proches.

Pour les mêmes agglomérats immergés dans des fluides de même nature moléculaire, on s'attend à avoir des contraintes de cohésion relativement proches, donc des contraintes critiques d'érosion du même ordre de grandeur, si celles-ci ne dépendent que des interactions physico-chimiques entre le polymère et la charge. Cette conclusion suppose que le comportement rhéologique du fluide suspendant n’intervient pas. Néanmoins, les charges étant imprégnées par la matrice, le détachement de fragments pendant l’érosion implique une sollicitation élongationnelle des ponts liquides. Nous pouvons donc nous attendre à ce que la viscosité élongationnelle soit un paramètre important. Une différence de comportement entre les différentes solutions est donc attendue. Nos mesures montrent une augmentation des contraintes critiques d'érosion d'un facteur ~10 en passant de solutions newtoniennes ou faiblement élastiques à des solutions fortement élastiques.

Nous avons réalisé d'autres expériences au delà des conditions critiques d'érosion dans deux solutions d'HPC différentes. Nous avons comparé qualitativement l'érosion, d'abord à même contrainte appliquée, puis à même période de rotation des agglomérats.

Dans les deux cas, l'érosion la plus nette a été observée dans la solution d'HPC la moins élastique. Ces différentes expériences ont permis de montrer que:

- l'élasticité augmente la période de rotation de la charge, c'est-à-dire diminue la vitesse relative de l'agglomérat par rapport à celle de la matrice;

- mais l'effet de l'élasticité sur le mouvement ne permet pas d'expliquer cette augmentation de la contrainte à appliquer pour avoir érosion. L'influence de l'élasticité sur le mouvement va en fait intervenir sur la vitesse de détachement des agrégats et donc sur la cinétique d'érosion. On arrive donc à deux hypothèses:

- soit les forces de cohésion des agglomérats sont modifiées par la viscoélasticité du fluide qui les imprègne;

- soit les contraintes agissant à la surface des agglomérats ne sont plus simplement proportionnelles à la contrainte macroscopique appliquée, mais diminuent avec l'augmentation de la viscoélasticité.

IV.2. Étude numérique

Afin de répondre à la deuxième hypothèse, nous avons modélisé, à l'aide d'un code éléments finis développé au CEMEF (REM3D), l'écoulement de différents fluides viscoélastiques autour d'une particule dans le rhéomètre contra-rotatif. Nous avons calculé la répartition des contraintes normales et tangentielles à la surface de la particule, en variant indépendamment la contrainte de cisaillement appliquée en paroi de l'outil, le taux de cisaillement et le nombre de Weissenberg. Nous avons utilisé un modèle viscoélastique de Maxwell convecté monomode généralisé.

Dans les limites de validité de notre modélisation (We ≤0.6), cette étude nous a permis de montrer que:

- l'élasticité ralentit le mouvement des particules;

- à même contrainte macroscopique appliquée et même période de rotation de la particule, les contraintes normales appliquées à la surface de la particule sont plus élevées dans le milieu le plus élastique;

- à même contrainte macroscopique appliquée et même nombre de Weissenberg, les contraintes appliquées à la surface de la particule sont les mêmes.

Nous en déduisons que les contraintes agissant à la surface des agglomérats ne sont plus simplement proportionnelles à la contrainte macroscopique appliquée, mais augmentent avec l’élasticité du fluide suspendant. En réfutant notre deuxième hypothèse nous en arrivons donc à la conclusion que les forces de cohésion des agglomérats sont modifiées par la viscoélasticité du fluide qui les imprègne. Une augmentation de la viscoélasticité du fluide suspendant induit une augmentation des contraintes de cohésion des agglomérats imprégnés. Ceci peut sans doute s'expliquer par une augmentation de la masse molaire et de la concentration avec l'élasticité dans les différentes solutions d'HPC. Ceci a pour conséquence une augmentation de la viscosité élongationnelle et donc une augmentation des contraintes nécessaires à la rupture des ponts liquides entre les agrégats. Cette cohésion de l'agglomérat renforcée par la pénétration d'une matrice viscoélastique explique la nécessité d'appliquer

des contraintes plus élevées pour pouvoir éroder des agglomérats de carbone dans des matrices viscoélastiques par rapport à des fluides newtoniens.

V. RÉSUMÉ DU CHAPITRE II.3: DISPERSION DE CHARGES

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